jeudi 31 août 2006

Harry Callahan

Harry Callahan







Et s'il n'était question, finalement, que de la représentation du corps ?
D'un corps.
Ou tout simplement du visage.
D'un visage.
photographie : Eleanore, 1947, Harry Callahan
© Harry Callahan


Commentaires

Mâle ou femmelle ?
Commentaire n°1 posté par Amazone le 08/09/2006 à 15h45
Du visage. D'un visage.
Peu importe. Ici, féminin, pour la circonstance.
Commentaire n°2 posté par holbein le 08/09/2006 à 18h40

mercredi 30 août 2006

Malekeh Nayiny

Malekeh Nayiny

Malekeh Nayiny est une artiste iranienne. Elle parle de son travail comme d'une mise à jour de son album de photos familial. Son activité d'artiste va consister à intervenir numériquement sur des photographies anciennes représentant sa famille. Les couleurs vives vont se substituer au sépia ; des éléments seront rajoutés et les anachronismes ne l'effraieront pas. Les sujets seront habillés avec les imprimés du moment. Les motifs seront choisis pour mieux accuser les écarts (ici les lutteurs sur les robes). Le décor en toile de fond deviendra actif dans l'échange qui va se produire avec le motif des vêtements ; ces motifs qui habillent les figures seront traités en aplat. Aucune volonté de réalisme ni de trompe-l'oeil. Un peu comme si le fond était projeté vers l'avant, ou comme si le sujet devenait fond lui-même.
Site de Malekeh Nayiny

mardi 29 août 2006

William Wegman

Mariage sur toile de fond
Mariage, anonyme, années 40 Mariage, William Wegman, 1993

William Wegman est un artiste qui, à la fin des années 60/début 70, s'est mis à photographier son chien, un braque de Weimar nommé Man Ray. L'animal avait de réelles dispositions. William Wegman a mis son chien dans toutes les positions, a créé pour lui toutes les situations, généralement drôles. D'autres chiens, tous et toutes à l'image de Man Ray se sont succédés dans l'atelier de Wegman. Ici, devant la toile peinte, c'est Fay, dans la série des Contes de Fay, bien sûr.

à gauche : Catalogue d'exposition Mariage-images ©Ecomusée du Val d'Oise, 1997
à droite : Les contes de Fay, ©William Wegman, 1993

Commentaires

Voici une page avec la liste des portées actuelles de braques de Weimar inscrites au LOF, elle est mise à jour et archivée chaque semaine:
<a href="http://braquedeweimar.braquedubourbonnais.info/chiot.htm" title="Chiots Braque de Weimar">Chiots braque de Weimar</a>
Commentaire n°1 posté par Michael le 31/03/2010 à 13h44

lundi 28 août 2006

Sarah Moon

Le Petit Chaperon Rouge de Sarah Moon

Quelques artistes vont se saisir de la toile de fond et jouer activement de ce décor artificiel en organisant un dialogue avec le hors-champ. C'est le cas de Sarah Moon et de son Petit Chaperon Rouge, de la série des Contes qu'elle poursuivra jusqu'en 2006 puisque l'on a pu admirer cette année, à l'occasion des Rencontres d'Arles (dans les expositions du Méjan), un travail assez étonnant intitulé Le Fil rouge autour du conte de Barbe Bleue.
Le Petit Chaperon Rouge Sarah Moon


Commentaires


Sarah Moon, une artiste impressionante et profonde...que je découvre pour mon plus grand plaisir.

Connaissez-vous le travail de N. Fretel ? Il a écrit une pièce théatre sur le thème de Barbe bleue...
Commentaire n°1 posté par cendre le 05/09/2006 à 16h04
C'est vrai que Sarah Moon est une artiste assez étonnante. J'ai un goût assez modéré, globalement, pour la photographie de mode mais elle, qui en a fait pourtant son métier, a le don de m'émerveiller lorsqu'elle montre son Petit Chaperon rouge...

Non, je ne connais pas N. Fretel. C'est quelqu'un dont on peut voir le travail actuellement ?
Commentaire n°2 posté par holbein le 05/09/2006 à 18h41
Non, en ce moment la pièce ne se joue pas. La dernière représentation date du mois d'avril 2006. Plus de détail sur son parcours d'écrivain :


Splendide photo de Batho...cet ovale me fait penser à un de mes tableaux...
Commentaire n°3 posté par cendre le 08/09/2006 à 09h35
Merci, ça donne envie de s'y intéresser.

Il faudra sans doute faire, un jour, un petit panorama des oeuvres ovales ou rondes...
Commentaire n°4 posté par holbein le 09/09/2006 à 10h54
EEhh que oui ! très interessant le format ovale ! Profond et médiumnique

Si cela débouche sur un projet sonnez-moi, dans ce cas...que pensez-vous de mes peintures ( "en lien"), en toute sincérité même si celà doit trancher ...sinon, un ptit haïku de Fretel sur mon site.

Bien à vous
Commentaire n°5 posté par Cendre le 12/09/2006 à 17h18

samedi 19 août 2006

Keïta et le Prince

Seydou Keïta et le Prince

"Le Prince impérial sur son poney, posant pour le photographe", vers 1859. MAYER & PIERSON "Portrait, Mali", années 50,
Seydou KEITA
Approximativement un siècle et quelques milliers de kilomètres séparent ces deux photographies. Dans les deux cas, un photographe met en place une construction qu'il juge nécessaire à sa prise de vue. Étrangement, le dispositif retenu présente des similitudes.
photographie de MAYER & PIERSON, lieu de conservation : Hôtel Napoléon
photographie de Seydou KEITA : mes archives ; sans doute le Photo-poche N°63, Robert Delpire/ACTES SUD, mais je n'ai pas noté d'où vient précisément le document (si quelqu'un a les références, me contacter).


Commentaires

Elle est surprenante cette photo du jeune Prince solidement attaché à son poney. Je continue de me demander pourquoi M&P l'ont réalisée. Pour faire un essai ? pour photographier (à son insu ?)Napoléon III - eux qui s'étaient auto-proclamés "photographes de l'Empereur" ;-), pour rendre compte de leur manière de travailler ? Parce qu'il leur semblait que cadrer à la fois le prince, son père, le chien, le poney, l'écuyer et le décor était plus intéressant que photographier seulement le Prince ? (d'ailleurs, je n'ai jamais vu l'image qui a dû être la photo officielle). Ce sont bien les mêmes codes qui sont utilisés dans la photo de Keita. Ils photographiaient tous les deux à la chambre, il faut dire : ça impliquait des contraintes formelles (notamment, ne pas bouger, hein le chien, donc on fait poser les gens). Et puis, il s'agit aussi très tôt, avec la photographie, de copier les conventions du portrait pictural (cf. le portrait du Prince Impérial sur son poney préféré: c'est ici http://www.franceantiq.fr/raux/Cat.asp?idTable=Raux0506&classe=11 (image 13817). Dès que la technique le permet, les photographes occidentaux délaissent aux "artisans" la technique du portrait de studio. Le bon goût photographique implique dès lors de préférer les postures "naturelles" au portrait de face. Dans les années trente, Sanders et Evans ont un temps réhabilité l'usage de la chambre photographique et du portrait (cf. le superbe livre d'Olivier Lugon Le Style documentaire). Mais pour ce qui concerne les années cinquante, soixante et soixante-dix, c'est sans doute chez Keita et SIdibé qu'on trouve les plus beaux portraits de studio. (genre bien plus difficile qu'il y paraît : il suffit pour s'en convaincre de regarder les vitrines des photographes en France...) Le Mali n'est pas encore Indépendant au moment où Keita et Sidibé commencent à photographier les habitants de Bamako - Malick a d'ailleurs fait son apprentissage dans le studio d'un français : Gérard Guillat... d'où sans doute (mais pas seulement) les similitudes avec les poses pratiquées dans les studios français au 19ème. Je demanderai à mon ami Guy Hersant (qui s'est beaucoup intéressé à la photographie ambulante et à la photographie de studio en Afrique) ce qu'il en pense...
En tout cas, merci, c'est très agréable de voir cette petite série de photos de studio. Et puis, ça m'a fait plaisir de voir une photo de Samuel Fosso ; avec lui, le studio devient pièce de théâtre (un peu comme la photo du prince Impérial, finalement, mais avec l'auto-dérision en plus !). C'est un de mes photographes préférés ;-)
Commentaire n°1 posté par laurence le 19/08/2006 à 20h39
Comme toi, je me demande pour quelle raison cette photographie du Prince impérial a été faite et pourquoi elle a été conservée (elle avait toutes les chances d’être considérée comme une « photo ratée » de l’époque) : une photographie qui montre ses propres conditions de prise de vue en 1859, ça n’avait rien de courant (la toile de fond est là, généralement, pour effacer le contexte trop anecdotique du studio et ici elle fonctionne de manière contradictoire en laissant apparaître généreusement le hors champ).
Tu as raison pour Sanders et Evans, mais je ne sais pas s’il s’agit d’une réhabilitation (pour ce qui concerne Sanders, il y avait en tout cas une volonté encyclopédique, un souci de classification donc une volonté d'installation et de conservation ; j’avais d’ailleurs vu une magnifique expo il y a deux ans à Rome où c’était évident) mais je crois que ce « genre » a d’une certaine manière toujours existé et a toutes les chances de continuer à exister : voir (toujours) les artistes allemands, et plus proches de nous, en France, Despatin & Gobeli, par exemple). Personnellement j’aime beaucoup « la pose » photographique.
Pour Malick Sidibé et la question que je posais sur l’origine des codes, j’ai lu, évidemment l’histoire de son apprentissage et l’existence du fameux « Gégé » qui devait naturellement être l’héritier d’une culture occidentale véhiculant ses propres codes. Si l'on cherche à identifier l'origine de ces codes, c’est vrai, qu’à ce rythme-là, on peut remonter jusqu’à l’icône byzantine et à la disparition progressive de l’isolant au tout début du Quattrocento ! ;-) L’avis de Guy Hersant m’intéresse au plus haut point..
J’ai bien aimé les portraits (autoportraits) de Samuel Fosso à Africa Remix, cette année à Pompidou.
Commentaire n°2 posté par holbein le 29/08/2006 à 11h12
Notes sur le bouquin d'Olivier Lugon et sur August Sander :
Olivier Lugon : Le «style documentaire» d’August Sander à Walker Evans 1920-1945
Commentaire n°3 posté par holbein le 29/08/2006 à 13h28
Bon, je le refais ;
Notes de lecture sur le bouquin d'Olivier Lugon et concernant August Sander (et non Sanders comme je l'ai écrit dans mon 1er comm ; après une petite dizaine de jours à regarder de la peinture de la Renaissance, j'ai pas les yeux en face des trous. Ca s'appelle "le syndrome de Stendhal", il paraît...) :
http://www.galerie-photo.com/le-style-documentaire.html
Commentaire n°4 posté par holbein le 29/08/2006 à 13h39
Oui, c'est ça, une photo ratée... mais alors, ont-ils deviné ce qui la rendait plus intéressante qu'un simple portrait du jeune Prince ?

Pour la réhabilitation dont je parlais, je pensais surtout à Evans. Il a acheté une chambre en 1930, après l'invention du Leica et du Rollei, dont il ne pouvait  ignorer ni l'existence, ni l'usage. Il était allé en Europe, avait vécu à Paris, en 1926-27. Il devait connaître ce qui se faisait à l’époque, et savoir que les avant-gardes parisiennes n'étaient pas toujours admiratives des photos réalisées à la chambre et dans le style documentaire. Bon, c'est vrai, ils aimaient beaucoup Atget, mais souvent pour des « mauvaises » raisons (parce qu’il avait photographié des mannequins, par exemple). Un des rares, je pense, à avoir compris l’importance des photos d’Atget, c’est Boiffard. Il était assistant de Man Ray, en même temps que B. Abbott, quand Man Ray a découvert l’œuvre d’Atget. Dans ses photos pour Nadja (dans une moindre mesure, dans le film Paris-Express) on sent l’influence d’Atget. Or on sait que Breton détestait les photos réalisées par Boiffard pour Nadja. Bref, ce que je voulais dire, c’est qu’Evans a volontairement choisi d’acheter une chambre et de faire poser les gens à une époque où la modernité consistait surtout à faire des instantanées et à faire basculer les angles. Mais tu as raison, ce n’est sans doute pas vrai chez Sander… Et tu as raison bis : ce genre a toujours existé et continuera toujours à exister.

Pour ta phrase : « on peut remonter jusqu’à l’icône byzantine et à la disparition progressive de l’isolant au tout début du Quattrocento » : tu pourras m’expliquer ;-) ??

Il y avait au même moment que l’expo Africa Remix des photos de Samuel Fosso à l’expo Africa Urbis organisé à la galerie « Musée des arts derniers ».

J’aime beaucoup toute ta série de photos…
Commentaire n°5 posté par laurence le 01/09/2006 à 14h12
On comprend pourquoi Breton détestait Boiffard…et Lotar aussi et tous ceux de la bande à Bataille…
Je n’ai pas vu les Samuel Fosso au “Musée des arts derniers”

J’avais écrit : “Si l'on cherche à identifier l'origine de ces codes, c’est vrai, qu’à ce rythme-là, on peut remonter jusqu’à l’icône byzantine et à la disparition progressive de l’isolant au tout début du Quattrocento !”
Bon, je ne vais pas rentrer dans le détail mais si l’on se met en quête d’une sorte de “traçabilité” visant à repérer dans une série d’images l’étape précédente dont certains éléments auraient été à l’origine d’un trait de fabrication, d’un code adopté par la suite, il faut décider d’où l’on démarre. Dans la confrontation de ces deux images on se doute que Seydou Keita a subi (malgré lui ?) l’influence des codes de pose, ainsi que de l’installation des décors, qui date (au moins) de l’époque de Mayer & Pierson (via les photographes “blancs” qui se sont installés en Afrique et qui ont fonctionné comme modèles). Mais le modèle figé de Mayer & Pierson de 1859 devait être vraisemblablement lui-même l’héritier de la représentation d’Hippolyte Bayard en noyé qui, lui, ne pouvait absolument pas bouger durant un temps excessivement long s’il voulait une photo “nette” (le temps de pose était lorsqu’il l’a fait de trente minutes à deux heures!), d’où le modèle qui “fait le mort” adossé à une toile de fond. Les contraintes liées aux conditions techniques de cette prise de vue vont sans doute conditionner l’esthétique et produire du code.
Doit-on arrêter cette recherche de l’origine des codes aux débuts de la photographie ? Evidemment non puisqu’elle-même est héritière de la peinture et qu’on voit très nettement les codes de la peinture utilisés, notamment, aux débuts de l’histoire de la photographie.
Et la peinture est elle-même, au cours de son histoire, une suite de codifications et de transgressions progressives ou radicales. J’évoquais (pour faire un clin d’oeil) l’histoire de l’isolant : les figures (ex : la Vierge) représentées sur les icônes byzantines sont sur un fond plat, sans profondeur (pour parler vite, pas de paysage, pas de décor). Les premières vierges peintes en Italie conservent ce fond (l’isolant qui permet de préserver symboliquement la virginité de Marie et de la présenter au reste du monde). Cet isolant (sorte de “toile de fond” ) va progressivement et timidement glisser : voir certains Giovanni Bellini, par exemple, laissant apparaître quelques petits élément de paysage pour finalement disparaître :



Doit-on faire remonter la mise en scène de Seydou Keita à celle de la Madonna degli Alberetti de Giovanni Bellini ? Ce serait, sans doute, ridicule. ;-)

Merci pour ton commentaire sur les petites photos. Je dois trouver le temps d'en mettre d'autres.
Commentaire n°6 posté par holbein le 04/09/2006 à 19h36

vendredi 18 août 2006

Seydou Keïta


Seydou Keïta, toiles et impressions
Un autre très grand photographe malien, Seydou Keïta. Il est né à Bamako en 1921. C'est son père qui lui rapporte du Sénégal un appareil photo de format 6x9. En 1948 Seydou Keïta va s'installer en plein centre de Bamako et ouvre son studio. Lui aussi organise des mises en scène soignées. Des accessoires, des vêtements sont mis à disposition de ses visiteurs et modèles.
Les codes de prise de vue demeurent les mêmes. La toile de fond est une constante mais chez Seydou Keïta, celle-ci va prendre une réelle valeur ; une véritable dimension artistique participera indéniablement à l'entreprise du photographe. Keïta se fera une véritable spécialité de l'utilisation de toiles imprimées qu'il installera derrière ses modèles, jouant ainsi avec les motifs des robes des femmes qu'il photographiera. Les résultats sont généralement somptueux.
collection Metropolitan Museum of art sans titre (Sisters, Two Great Ladies)

Photographe officiel du Mali de 1963 à 1977, il décède en 2001. Ses photographies appartiennent aux plus grandes collections du monde entier.
Il serait intéressant de savoir comment s'est constituée cette tradition du studio de photographie en Afrique, avec la mise en place progressive de ses codes et de ses inventions qui vont aboutir à des réalisations comme celles de Malick Sidibé ou de Seydou Keïta.

L'Afrique au carreau


L'échiquier du studio

"Un musicien avec une guitare," 1963 Malick SIDIBE "Welcome", selfportrait, 1996 Philip KWAME APAGYAN "Selfportrait", 1977 Samuel FOSSO
1.photographie extraite du livre d'André Magnin "Malick Sidibé", paru aux Éditions Scalo © Malick Sidibé
2.photographie : © philip kwame apagya courtesy prestel-verlag
3.photographie extraite du site de la galerie Michael Stevenson (Afrique du Sud)

jeudi 17 août 2006

Malick Sidibé

Malick Sidibé, un studio à vocation internationale
Il existe une tradition du studio de photographie en Afrique. Les accessoires valorisant le sujet photographié (on retrouve ici le réfrigirateur comme chez Philip Kwame Apagya) font partie des codes. La toile de fond, nue, imprimée, parfois peinte, participe à la mise en scène. Malick Sidibé s'inscrit dans cette tradition des photographes de proximité, mais lui, aura une carrière internationale.
Malick Sidibé est né en 1936 à Soloba (Mali). Il ouvre son studio en 1962. A l'occasion des Rencontres africaines de la photographie de Bamako, dès 1994, Malick Sidibé va émerger. Il va exposer assez vite en Europe ainsi que dans les galeries du monde entier qui vont régulièrement montrer son travail. Les musées font également l'acquisition de ses tirages. Malick Sidibé reçoit le prix international Hasselblad de la photographie en 2003.
Page consacrée à Malick Sidibé sur le site holott.org
Les photographies sont extraites du livre d'André Magnin "Malick Sidibé", paru aux Éditions Scalo © Malick Sidibé

mercredi 16 août 2006

Philip Kwame Apagya

Les décors peints de Philip Kwame Apagya

Mon dernier billet évoquait les effets liés aux excès de la consommation des produits de la culture. Ces excès répondent finalement à des pulsions assez voisines de celles que produit le désir excessif des biens matériels : un besoin d’acquérir toujours plus, de tout posséder jusqu’au dernier gadget, à la dernière nouveauté, par définition inutile.
A des degrés divers, il est sans doute difficile d’échapper à ce travers, même si l’on en a conscience et que l’on cherche à le combattre (qu'il s'agisse de biens culturels ou de biens de consommation courante) ; alors, chacun s’en sort avec plus ou moins de bonheur. En effet, dans la majorité des cas, la possession de biens a tendance à valoriser les individus. On peut adhérer à cette idée, s’y opposer : cela relève du constat. Où commence l’excès ? C’est souvent aux marges qu’il faut aller voir pour en prendre la mesure. Pour ce qui concerne les biens matériels, si nous nous tournons du côté des populations déshéritées, certains comportements affichés fonctionnent comme des signes et nous aident à comprendre les choses.

En ce sens, un pan de la photographie africaine porte les traces de ce désir d’accès à la consommation du monde occidental tout en affichant et en affirmant fermement l’identité des sujets photographiés.
Certaines de ces photographies sont étonnantes comme ces portraits en pied du photographe ghanéen Philip Kwame Apagya (ci-contre) . De grandes et superbes toiles peintes sont tendues verticalement puis tombent et se déroulent au sol de telle sorte que les sujets photographiés entrent complètement dans les décors, tentent de s’y fondre comme s’il s’agissait d’un milieu familier, le leur. Mais les postures un peu gauches des figures photographiées trahissent un certain malaise. Et le décor qu’ils habitent à l’occasion de la prise de vue crée définitivement l’écart. De quoi s’agit-il ?
Il s'agit tout simplement de la représentation en trompe-l’oeil d’un univers à l’occidentale et idéalisé. Les intérieurs sont peuplés de chaînes hi-fi, de réfrigirateurs (remplis), de canapés, de téléviseurs, de téléphones, de meubles de salon, de moquette douillette, etc. Tout ceci à l'échelle humaine, pour un monde résolument moderne, tout en couleur. En somme, les biens les plus contemporains (Philip Kwame Apagya rajoute d'ailleurs des éléments ou modifie ses toiles pour les actualiser) et le confort.
Les décors peints par Philip Kwame Apagya (explique Edgar Roskis,
journaliste et Maître de conférences associé au département information-communication de l'université Paris-X (Nanterre) dans un article du Monde Diplomatique de février 1999) sont le résultat des désirs des gens qu’il photographie :


Ses décors sont le résultat d'interviews méthodiques menées auprès de ses clients - ou doit-on dire ses patients ? Que veux-tu ? Une belle maison, un bel intérieur, un réfrigérateur bien rempli, de la marchandise à gogo, tout ce qu'il faut pour tous les jours, et pour les autres voyager sur les Boeing de Ghana Airways. Le " Studio Normal " est conçu comme la scène d'un magicien qui dévoilerait ses tours, concentrant ainsi l'essence même de toute photographie, perpétuel jeu d'intentions et d'illusions, mais ici énoncées comme telles. Il mêle au fond - c'est le cas de le dire - le désir de l'opérateur et celui du sujet, qui peut sans bouger d'un pouce se rendre dans un Manhattan clinquant comme un juke-box, comme chez nous voir Naples et mourir.
Ces mises en scène sont simultanément magnifiques et décalées, très involontairement. Elles produisent des effets qui sont étonnants mais également amusants dans leur naïveté affichée.
Ces objets de consommation (courants pour l’occident mais nécessairement désirés et idéalisés pour ces Africains) sont peints, le plus souvent maladroitement, organisant ainsi des perspectives variées, contradictoires, au sein d'un même espace de représentation, ce qui a pour conséquence de ruiner l’effet de naturel voulu par les poses à la fois nonchalantes et affirmées des sujets.

Ces photographies montrent donc des êtres désirants qui posent au milieu de biens de consommation dont ils sont dépourvus. Le monde des images existe et ces désirs sont sans doute légitimes. En conséquence, on ne peut évidemment pas leur en faire grief. Les photographies de
Philip Kwame Apagya sont de très beaux objets qui, si nous n'y faisons pas suffisamment attention, peuvent à leur tour susciter notre convoitise.
site présentant des oeuvres de Philip Kwame Apagya
Le Monde Diplomatique, "Le cabinet des illusions", article d'Edgar Roskis
photographies de l'article : portrait(s), 1996 © philip kwame apagya courtesy prestel-verlag