Aujourd'hui, le monde est mort | |||||
Imaginer les pires lendemains possibles me procure de grandes joies sur le plan artistique. Les ténèbres du
futur éclairent mon présent, et la prescience d'une fin à venir est garante de mon bonheur de vivre aujourd'hui. On trouvera dans cette exposition les pires scenarios nés de mon
imagination, concernant l'avenir de l'humanité. Il revient aux jeunes générations de prendre toutes les mesures possibles pour que cela ne devienne pas réalité. Je choisis quant à moi de
donner libre cours à mes illusions d'artiste. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas garder espoir en l'avenir. Je laisse au dernier survivant le soin de consigner le déroulement réel de
la fin du monde et de préserver les gènes de l'espèce humaine, soit en conservant ses gènes dans une éprouvette, ou bien encore en transmettant une carte ADN de son génome.
|
|||||
Hiroshi Sugimoto | |||||
Mise en scène du monde sur le mode mélancolique. Hiroshi Sugimoto montre sa collection d'objets et puis quelques-unes de ses photographies dans un espace évoquant la ruine, le monde d'après. L'architecture, haute, imposante et vaguement délabrée du Palais de Tokyo s'y prête idéalement. Le parcours est construit et balisé de tôles de métal ondulées et rouillées, de celles-là mêmes qui serv(aient) à couvrir les structures d'habitations légères, éphémères, sujettes aux catastrophes. Le spectateur y pénètre comme par effraction , comme s'il s'introduisait discrètement dans un terrain vague parsemé d'objets marqués par le temps. Sugimoto est un des artistes-photographes les plus importants de son époque et les œuvres qu'il a produites et qui l'ont rendu célèbre, ont installé le temps au cœur de leur problématique comme sa série sur les drive-in ou les théâtres. Pour chaque prise de vue, l'exposition correspond à la totalité de la durée de l'œuvre. La lumière qui éclaire l'architecture du lieu est donc celle de la totalité du film ou de la pièce, transformée en une seule image. Le centre est donc blanc et a priori vide. | |||||
Ces notions du temps figé, et de l'espace infini sont mises en scène dans quelques-unes des installations montrées ici. On y voit quelques très beaux tirages d'horizons sur les mers du monde ( Seascapes) proposés au regard à l'aide de dispositifs particuliers, renouvelant ainsi la vision de ces photographies notoirement connues. | |||||
Un monde de vestiges. Fossiles, objets manufacturés ou orphelins, sibyllins, cages de bois ou de verre, fragments archéologiques, dieux sculptés, photographies contemporaines, machines; toute une poésie qui se dégage de la promiscuité de ces objets rassemblés ici, comme autant d'éclats ternis d'un monde passé. | |||||
Hiroshi Sugimoto a fait appel à 33 personnages fictifs, tou(te)s désigné(e)s par leur profession, leur activité, leur fonction, leur conviction profonde : l'architecte, le Directeur de l'Organisation Mondiale de la Santé, l'apiculteur, l'historien de l'art, le décroissant, l'astronaute, l'astrophysicien, le militariste, l'humoriste, l'artiste contemporain, etc. | |||||
Chaque notice manuscrite, intégrée à l'installation, débute par la phrase :
« Aujourd’hui, le monde est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas. » et fait évidemment référence au célèbre incipit de
L'Étranger d'Albert Camus.
|
|||||
L'artiste contemporain : Aujourd'hui le monde est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas. Dans les dernières années de l'ère du capitalisme, la rentabilité de l'art en tant qu'objet de spéculation financière a dépassé celle de toutes les actions, titres ou obligations, et sa popularité a atteint son apogée. Les jeunes du monde entier voulaient devenir artiste, et l'on a ainsi vu apparaître des hordes d'artistes errants dont les œuvres ne se vendaient pas. Un beau jour, la cote d'Andy Warhol a brusquement chuté. Ses toiles de soupe Campbell sont devenues moins chères que les véritables soupes en conserve et une crise financière mondiale a éclaté. | |||||
Les marchés financiers internationaux se sont effondrés en un clin d'œil et le monde a rapidement périclité. Je meurs avant mais avec la fierté de savoir que c'est l'art qui a déclenché la disparition du monde. La civilisation humaine a commencé avec l'art, qu'elle s'achève avec l'art est donc parfaitement logique. | |||||
Des objets uniques, somptueux (comme cette momie du XVIe siècle flanquée d'un masque Kassiki de la même époque, ou encore cette pagode de pierre de la période Kamakura-XIIe-XVIe siècle) côtoient certains autres plus courants ou usuels (ruches, enfumoirs, etc.). | |||||
Parfois l'installation joue sur plusieurs niveaux (suivre la corde rouge). Ici sur trois étages. Le regard suit la corde qui plonge dans un espace secret, animé, puis remonte vers la verrière brisée, vers le ciel. Parfois, également, des sons et des musiques qui se déclenchent de manière aléatoire. | |||||
Love-Doll Ange :(...).Le dernier homme qui m'a aimée était un vieux monsieur -il est venu me voir avec une photo de cascade et un bec de gaz Auer. Cependant, vous m'en voyez désolée, nous les poupées, étions stériles, et c'est ainsi que les humains ont cessé de naître. | |||||
L'enseigne du marchand de sel (le marchand du sel), à l'époque où le sel était un monopole d'état vendu exclusivement par la Société Publique Japonaise du Tabac et du Sel - aussi bien que l'installation ci-dessus - font évidemment référence au grand aîné auquel Hiroshi Sugimoto tient à rendre hommage : homage to the salty Mr Duchamp... | |||||
Le fétichiste : Aujourd'hui le monde est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas. A l'ère néolithique les hommes vénéraient des objets qu'ils trouvaient dans la nature et qui leur semblaient dotés de forces surnaturelles. Ensuite l'humanité s'est mise à façonner elle-même ses objets de culte. La bâton de pierre présenté ici , un fétiche utilisé par les cultes phalliques, était considéré comme ayant le pouvoir de donner des enfants aux couples stériles. Plus tard encore, la civilisation a atteint un haut degré de sophistication, mais l'attrait humain pour les objets de culte ne s'est pas modifié. Dans les sociétés modernes, les produits des marques de luxe sont devenus les nouveaux standards des cultes fétichistes. On a établi différentes échelles de valeur entre les personnes, en fonction de leurs choix vestimentaires ou de leur voiture. Cela a naturellement entraîné le développement de nombreuses contrefaçons. Les techniques de duplication ont évolué de telle manière que les imitations ont fini par surpasser les originaux, si bien que le fétichisme a perdu son pouvoir magique et les humains, l'objet de leur foi. Le marché des produits de marque s'est effondré et l'économie mondiale a connu une récession qui a plongé la planète entière dans les affres d'une crise économique généralisée. Le dieu antique qui interdisait le culte des idoles était dans le vrai : un monde qui ne croit plus en rien est un monde mort. | |||||
Quelques autres objets étonnants ou symptomatiques empruntés aux différentes figures fictives convoquées par Sugimoto (le militariste, l'ingénieur en robotique, le journaliste, l'architecte, l'astronaute, etc.)... | |||||
Le regard que porte Hiroshi Sugimoto sur le monde peut sembler pessimiste. Cette vision sur le passé, sur un monde -notre monde- anéanti, trente trois fois vu d'un futur de construction pure, produit parfois quelques inquiétudes, tant les éléments convoqués par l'artiste nous sont familiers. La poésie qui habite cette immense installation aide à dépasser ce qui pourrait relever d'un simple message, d'un appel légitime à la sagesse, à la modération, et irait plutôt dans le sens d'une quête d'humanisme, transcendant à la fois les époques et la géographie. | |||||
« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. » L'Étranger, Albert Camus | |||||
Hiroshi SUGIMOTOAujourd'hui, le monde est mort25 avril-7 septembre 2014 Palais de Tokyo 13, avenue du Président Wilson, 75008 Paris |
|||||
vendredi 25 juillet 2014
jeudi 24 juillet 2014
Lucio Fontana, MAMVP
Lucio Fontana, MAMVP | |||||
Il est amusant de constater que sur les cartels des peintures de Lucio Fontana les "trous" sont indiqués
comme constituants de l'œuvre au même titre que les collages, les paillettes ou les pigments. |
|||||
En revanche, lorsqu'il s'agit de sculptures, les "trous" n'apparaissent plus dans le cartel. On
comprendra, bien sûr, que Lucio Fontana reste en quelque sorte le dépositaire de cette marque de
fabrique, ce qui sert facilement à l'identifier pour les néophytes. Mais la démarche consistant à perforer le support demeure néanmoins la même, qu'il s'agisse de travaux à deux ou à
trois dimensions. On constatera que pour d'autres artistes pratiquant accessoirement des "trous" dans leurs toiles -au même titre que d'autres opérations plastiques- ceci n'est que très rarement mentionné dans les cartels. |
|||||
LUCIO FONTANA, Rétrospective
25 avril-24 août 2014
Musée d'art moderne de la ville de Paris |
|||||
MAMVP |
|||||
mardi 15 juillet 2014
Richard Pettibone, galerie Mitterrand
Richard Pettibone, galerie Mitterrand | |
|
|
Richard Pettibone est né en 1938 à Los Angeles. Cet artiste appartient à la famille des
appropriationnistes, comme Max Bidlo, Sturtevant -décédée récemment- ou encore Sherrie levine ou Richard Prince. On avait eu l'occasion de voir en 2010, au Musée d’Art Moderne de la Ville
de Paris, certains de ses travaux dans une très bonne exposition intitulée Seconde main. La miniaturisation d'œuvres connues -réalisées à la taille des reproductions dans
les magazines d'époque- contribuera à développer une réflexion sur la valeur de l'œuvre (en relation à la prolifération des images et des reproductions), la pertinence de la notion d'auteur
(Andy Warhol confiera ses cadres de sérigraphies à Surtevant afin qu'elle en fasse des répliques) et sur le système lié au marché de l'art. On y reconnaîtra évidemment la trace indélébile
de Marcel Duchamp et notamment de ce qu'il a produit avec sa (ses) Boîte en Valise . |
|
Richard Pettibone
du 13/06/2014 au 26/07/2014
galerie Mitterrand79, rue du temple, 75003, Paris
|
|