mercredi 29 juin 2011

Déjà la Chimère ennuyait les gens

  Chimères
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La Chimère
 
La première mention de la Chimère apparaît au livre VI de l’Iliade. Là il est écrit qu’elle était de filiation divine et qu’elle avait le devant d’un lion, le milieu d’une chèvre et l’arrière-train d’un serpent ; elle jetait du feu par la bouche et elle fut tuée par le beau Bllérophon, fils de Glaucos, comme l’avaient présagé les dieux. Tête de lion, ventre de chèvre et queue de serpent, est l’explication la plus naturelle que suggèrent les paroles d’Homère, mais la Théogonie d’Hésiode la décrit avec trois têtes, et elle est figurée ainsi dans le fameux bronze d’Arezzo, qui date du Ve siècle. À la moitié du dos se trouve la tête de chèvre, à une extrémité celle du serpent, à l’autre cele du lion.
 Dans le sixième livre de l’Énéide réapparaît «la Chimère armée de flammes» ; le commentateur Servius Honoratus observa que, selon toutes les autorités, le monstre était originaire de Lycie et qu’en cette région il y avait un volcan qui porte son nom. Le pied en est infesté de serpents, ses versants sont couverts de prairies et de chèvres, son sommet vomit des flammes et des lions y ont leur repaire ; la Chimère serait une métaphore de ce curieux  ensemble. Auparavant, Plutarque avait suggéré que Chimère était le nom d’un capitaine aux penchants de pirate, qui avait fait peindre sur son bateau un lion, une chèvre et une couleuvre.

 Ces absurdes conjectures prouvent que déjà la Chimère ennuyait les gens. Plutôt que de l’imaginer il valait mieux la traduire en n’importe quoi d’autre. Elle était trop hétérogène ; le lion, la chèvre et le serpent (dans certains textes, le dragon) répugnaient à former un seul animal. Peu à peu, la Chimère tend à être «le chimérique» ; une célèbre plaisanterie de Rabelais («Si une chimère, vacillant dans le vide, peut manger des secondes intentions») marque très bien la transition.La figure incohérente disparaît et le mot reste, pour nommer l’impossible. Idée fausse, vaine imagination, est la définition de la Chimère que donne maintenant le dictionnaire.
   
Jorge Luis BORGES
Margarita GUERRERO
Manuel de zoologie fantastique,
Traduit de l’espagnol par Gonzalo Estrada et Yves Péneau
Christian Bourgois Éditeur 1957,
1965 pour la traduction française,
1980, p151
   
   
   
illustration : Gustave Moreau, La Chimère, dessin, musée Gustave Moreau, Paris

source
 
   
   
   

lundi 27 juin 2011

LINARES, Lion-papillon

Chimères
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Felipe Linares, Léonardo Linares-Vargas, David Linares-Vargas -Mexicains vivant à Mexico- , Léon-Mariposa, 1989, papier mâché 58,8x59x48cm


source : catalogue de l'exposition Magiciens de la Terre, 1989, Centre Georges Pompidou, p185

 
 
 La création des Alebrijes date des années 50. Au début, je reproduisais les figures animales, monstrueuses, qui constituent les masques de papier mâché traditionnels que l'on porte pendant la Semaine Sainte. Les Alebrijes, au début, ressemblaient à ces animaux extraordinaires. Petit à petit, cependant, ils évoluèrent. Mais l'élément déterminant de leur évolution fut le jour de la mort de mon père. En effet, agonisant sur son lit de mort, celui-ci avait des visions : il voyait des figures étranges, à tête de mort, danser autour de lui pour l'emporter. Il nous confia ses rêves, leur donnant le nom d'«Alebrijes», mot inventé, aussi irréel que l'étaient ces créatures oniriques. Celles-ci sont richement décorées, comme peuvent l'être les dragons en Chine.
 

Extrait du catalogue de l'exposition Magiciens de la Terre, 1989,

Centre Georges Pompidou, p185

 
 
 
 
 
 
 

dimanche 26 juin 2011

Choi Xooang, Les Naufragés d'Asperger

Chimères
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 Choi Xooang, Série Les Naufragés d'Asperger
 

Dans ses saisissantes sculptures presque vivantes réalisées en résine puis peintes, Choi Xooang continue à capturer les aspects déroutants de la psyché humaine. En utilisant la distorsion du corps et une attention maniaque au détail, il parvient à rassembler avec une force inouïe des émotions aussi ambiguës que la peur, le désir ou la solitude.

Ses récents travaux interprètent de manière toute personnelle le syndrome d'Asperger, un trouble neurologique complexe qui s'apparente à une violente forme d'autisme. Cette pathologie a été rendue familière au public grâce au film Rain Man qui décrivait le destin touchant et tragique de Dustin Hoffmann comme phénomène autiste. Le héros possédait une mémoire des faits éblouissante (le personnage qui a servi de modèle au rôle pouvait réciter par coeur des annuaires téléphoniques entiers mais en revanche souffrait d'un problème de compréhension des évènements). Il était isolé, terrifié par le changement et dévasté par un comportement compulsif.

Les personnes atteintes par ce syndrome peuvent posséder une intelligence supérieure mais sont parfois inaptes à mener une vie sociale, altérée par des difficultés de langage corporel, de contact visuel, de délire verbal, de maladresses physiques ou de sensibilité sensorielle hypertrophiée. Choi Xooang dans ses toutes nouvelles pièces met en lumière l'empathie envers ceux qui souffrent de ce syndrome.

Réalisées avec une grande perfection, elles se rapprochent stylistiquement des sculptures de Ron Mueck et de Duane Hanson. Par leurs aspects douloureux et maladroits, les corps étirés rappellent les silhouettes très expressives et émaciées du Greco et de Giacometti et exhalent un profond sentiment de solitude et d'aliénation.

Comme des créatures aliennes des mutants ou des gens défigurés par la maladie, ces personnages sont présentés nus et chauves et leur chair pustuleuse et crayeuse reflète la souffrance et les scarifications d'une bataille livrée. L'artiste tord et déforme les corps et parfois exagère spécifiquement un organe pour incarner la sensibilité extrême des personnages et leur acuité sensorielle.

Par exemple, il a agrandi une partie unique du corps qui devient le seul organe de couleur chair sur la blancheur du reste, comme un nez énorme et tordu. Ou dépose une bouche surdimensionnée sur un visage privé d'organes sensoriels. Il crée dans une de ses plus récentes installations, une atroce et contemporaine version des Trois Grâces avec un trio de personnages chauves aveugles et sourds, sans bras ni jambes dont les gigantesques bouches rouges ont un effet reptilien.

Une de ses pièces les plus poignantes est une créature dont seuls les yeux sont visibles, des yeux immenses, innocents et vitreux comme ceux d'un nouveau né assis sur une tête lunaire comme un bouddha. Le reste de son corps et de son visage est blanc comme protégé par un bandage ou un masque chirurgical.

Un autre a été amputé de ses bras et jambes mais pourvu d'un sexe en érection, métaphore d'un désir désinhibé et terrible et d'une grande vulnérabilité. Un autre modèle décapité est pourvu de deux énormes mains jointes, comme une malformation de jumeaux siamois ou d'extraterrestre. Tendues en avant dans une supplication ou une tentative de rapprochement, elles n'étreignent que le vide.

Les sculptures de Choi Xooang déformées, fragiles, hypersensibles et parfois même désespérées agissent comme la métaphore d'une société moderne obsédée par
l'argent et le succès, déconnectée de ses sentiments, dénonçant la race humaine en perte de son humanité.

Communiqué de presse de la Galerie Albert Benamou -  Paris 8e.


L'exposition a été présentée il y a un an : du 02 juin au 31 juillet 2010
 
 
 
 
source
 
 
 

vendredi 24 juin 2011

mercredi 22 juin 2011

Pascal BERNIER, Inventer des réalités

 Chimères
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«Le simulacre n'est jamais ce qui cache la vérité-
c'est la vérité qui cache qu'il n'y en a pas.
Le simulacre est vrai»

L'ECCLESIASTE


citation mise en exergue de Simulacre et Simulation
Jean Baudrillard
Éditions Galilée, 1981*

notes
 
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Aujourd'hui, la vérité a le visage de la science. Tout comme la Bible est infinie, on peut imaginer un réel épuisé par la science. Toutes proportions gardées, on peut croire aux papillons ou aux scarabées de combat comme on peut croire aux citations inventées de l'Écclésiaste. Dans le cas de la Bible, c'est Dieu qui parlait. Dans le cas de la science, qui est-ce ? Le danger, nous dit Pascal Bernier, serait de croire que c'est la Vérité elle-même.

(extrait de DITS N°3, texte de Stefan Liberski sur Pascal Bernier "Inventer des réalités" p42). 
     
     
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(...) La science a une prétention totalisante et, «demain, elle pourra !». Demain on saura avec certitude que les pâtés de sable sont pour les enfants des armes meurtrières dans leur lutte pour une reconnaissance imaginaire dont nous ne percevons encore que peu de choses. On aura le compte rendu minutieux de l'expérience menée sur les Bonobos qui confirme la volonté d'anonymat de ces grands singes.
 Demain, on y aura mis l'argent et le temps qu'il faut, une équipe de chercheurs de Palo Alto découvrira que les escargots dessinent bel et bien leurs lentes trajectoires et organisent ensemble des entrelacs colorés.
 Demain, on apprendra que le coefficient d'excitation sexuelle d'un coït pratiqué par des sexes en plastique est égal sinon supérieur à celui pratiqué «vraiment» par des partenaires qui, il faut bien le dire, sont chaque jour moins assurés de leur réalité.
 Demain, les ourses s'accoupleront avec des peluches. Demain on aura de cruelles infinités dans une petite boîte de miroirs. On soignera les bêtes sauvages qui auront disparu. Les batailles auront lieu dans des poêles à frire et non plus  sur écran.
 Quant aux souffrances florales, on les identifiera à coup sûr. Et il est d'ores et déjà acquis qu'en 3000, deux imbéciles assis sur un banc évoqueront avec horreur les temps barbares où les humains s'offraient des fleurs. À leur décharge, ces héros plaideront que les barbares d'autrefois n'entendaient rien encore du cri atroce des fleurs coupées, et ils s'échangeront des bouquets de boules en zircon. Demain. Car pour l'heure, c'est toujours Pascal Bernier qui reste l'auteur de ces grandes découvertes.

(extrait de DITS N°3, texte de Stefan Liberski sur Pascal Bernier "Inventer des réalités" p43).
 
 
Pascal Bernier est un artiste né en 1960 à Bruxelles. Il y vit et y travaille.
 
 
 
 
 Portrait
 
 
Les photographies des œuvres sont extraites du site de Pascal Bernier (excepté  8 et 13 extraites de DITS N°3)
 
           
œuvres :

1  : série Accidents de chasse, 1994-2000 , Deer - Faon - 1996
2  : série Accidents de chasse, 1994-2000 , Wild boar - Marcassin - 1997
3  : série Accidents de chasse, 1994-2000 , Deer - Faon - 1996
4  : série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique
5  : série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique
6  : série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique
7  : série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique
: série W.W.F, 1996-2000, Beetle-Scarabée 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique
: série W.W.F, 1996-2000, Butterfly-Papillon 1996-1998, insecte naturalisé, cocardes, acrylique
10 : Snails Attractors, 2000-2002, coquilles d'escargots, acrylique sur toile
11 : Snails Attractors, 2000-2002, coquilles d'escargots, acrylique sur toile (détail)
12 : Snails Attractors, 2000-2002, coquilles d'escargots, acrylique sur toile
13 : Pâté de sable, série Beach Guns, 1998
14 : Snails Attractors, 2000-2002, coquilles d'escargots, acrylique sur toile
15 : Safe sex, 2002, capture vidéo
16 : Bipolar perversion - 2001, ours polaire naturalisé, ours en peluche
17 : The morning after the evening before, 2008, bois, miroirs, sable, squelettes, confettis
18 : Elephant - Éléphanteau, 2000
19 : Cooked battle, 2005
20 : Flowers Serial Killer - 2000, capture vidéo
 
 
 
 
 
* Cette citation mise en exergue de Simulacre et Simulation n'a rien de biblique. Elle est une invention de Jean Baudrillard, l'auteur du livre. Personne n'a remarqué la supercherie, ce qui n'est guère étonnant. Chacun croit que la Bible est «inépuisable» et personne ne s'étonnera jamais qu'on puisse tout y découvrir. Cette citation fausse a donc eu un effet de vérité. Elle le garde toujours.


(extrait de DITS N°3, texte de Stefan Liberski sur Pascal Bernier "Inventer des réalités" p39-40).
           
           
           
           
           

lundi 20 juin 2011

dimanche 19 juin 2011

samedi 18 juin 2011

Matthew BARNEY, Cremaster 3

 Chimères
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 Inspiré des manipulations génétiques ou de la chirurgie plastique, la star américaine Matthew Barney, invente le monde de demain. Sculpture, installation ou film avec Cremaster Cycle, à 35 ans le compagnon de Björk explore de nouvelles matières.

Matthew Barney : "A l'origine de ce projet artistique, il y a un film. Le truc dont je suis sûr, c'est qu'il y a plus d'émotion dans les objets et l'architecture que dans les êtres vivants. Je crois vraiment que la matière qui compose mes sculptures a une vie intérieure. Et je la rends visible."

Ancien athlète et top-model, Matthew Barney aime maltraiter les canons de la beauté. Ce monde baroque habité d'êtres mutants et d'objets hybrides est une œuvre d'art en évolution permanente, une espèce d'organisme vivant en perpétuelle mutation.

M. Barney :"Tous ces personnages peuvent se voir comme des êtres hybrides. Des mutants faits de matières minérales, végétales et animales. Ces créatures ont suffisamment d'humanité pour être porteurs d'une histoire et devenir les héros d'un film….. des personnages d'un genre nouveau à la fois humain et objet. Ca me renforce dans l'idée que les objets ont une vie."

source : arte, Tracks 7 juillet 2005
 
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photographies : captures d'écran, The Order
 
           
           
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vendredi 17 juin 2011

jeudi 16 juin 2011

THOMAS GRÜNFELD, Misfit



 Chimères
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Une sirène (écureuil...).  Un cochon-geai. Une tauperruche, etc. Thomas Grünfeld  fabrique ces animaux impossibles, comme d'autres artistes (Joan Fontcuberta, Iris  Schieferstein, etc.), qui utilisent la taxidermie. 
 
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Thomas Grünfeld est allemand. Il est né en 1956.
 
Les pièces de Thomas Grünfeld sont toujours ambiguës, hybrides plutôt. Elles provoquent chez le spectateur séduction et malaise et suscitent de profondes interrogations sur la nature de l’art, sur le statut des objets artistiques en général. Le travail de Grünfeld est né d’une réflexion sur l’anti-esthétisme des années 80 et d’une critique ironique de la "Gemütlichkeit" (cette satisfaction si allemande du bien-être qu’on n’éprouve que chez soi), qui a produit aussi bien la tradition des trophées de chasse que des cabinets d’amateurs du 18e siècle. Tout à la fois absurde et déroutant, l’univers de Grünfeld dérange autant par ce qui est montré que par ce qu’il suggère.

En ce sens, ses "Misfits" sont bien ses pièces emblématiques, collages d’animaux empaillés, défis à la création, bien qu’à peine plus improbables que l’ornithorynque. Dans le paradoxe entre leur apparence familière et leur inadéquation à notre expérience vécue, les "Misfits" instaurent une dialectique du réel et de l’imaginaire. Ils sont propres à ébranler nos certitudes assurées et rassurantes sur une quelconque détermination de la réalité. Grünfeld y pose comme postulat que n’importe quel artifice est aussi légitime que ce que nous croyons "naturel". A l’heure du clonage, des manipulations génétiques, les "Misfits" prennent une résonance tour à tour inquiétante et jubilatoire. Ils sont des chocs aussi bien que des litotes qui nous laissent imaginer quels dangers inconnus, quels désirs inouïs ont pu donner naissance à une girafe à cou et tête de cygne, comme celle qui se dresse dans son évidence à l’entrée de la galerie.

source : galerie Philippe JOUSSE

 
 
  photographies, sources :

  1 : Misfit, écureuil/anguille, taxidermie (chimères du Château de Oiron).
  2 : Misfit, cochon/oiseau, taxidermie. 
  3 : Misfit, mouton/bouvier, 2007, taxidermie.
  4 : Misfit, antilope, taxidermie..
  5 : Misfit, taupe/perruche, taxidermie.
  6 : Misfit, renard/bird/cygne, taxidermie..
  7 : Misfit, poulain/chien, 1996, taxidermie. 
  8 : Misfit, cygne/ragondin/âne, 2001, taxidermie.
  9 : Misfit, autruche/coq/âne, 2006, taxidermie.
 10 : Misfit, vache, taxidermie.
 11 : Misfit, St Bernard/mouton, 1994, taxidermie.
 12: Misfit, cerf/girafe, 2006, taxidermie.
 13 : Misfit, adulte et petit, 2008, taxidermie.
 14 : Misfit, marcassin/perruche, taxidermie.
 15 : Misfit, flamand, 1998, taxidermie. 
 16: Misfit, blaireau/agneau, taxidermie.
 
 
 
lien sur la pratique de la taxidermie
bizarreries taxidermiques
 
           
           
           
           

Commentaires

salut, ça va ? very strange .. je vais essayer d'aller voir ces chimères et centaures à poils et à plumes demain. (je suppose que tu aimes le Musée de la chasse de Paris .... ?) Ce soir : les alvéoles roses d'Anish Kapoor. a bientôt.
Commentaire n°1 posté par Cécile le 17/06/2011 à 13h57
Salut, ça va au poil !
Non, je n'ai jamais mis les pieds (ni les pattes) dans ce musée. A vrai dire, je n'aime pas beaucoup (même pas du tout, pour être franc) la chasse. Mais les chimères m'intéressent.
Réponse de espace-holbein le 17/06/2011 à 14h05
Rassure-toi, je ne passe pas mes WE à harponner la baleine ou à tirer sur les palombes .... Je déteste, moi aussi, la chasse. J'étais donc rétive à la visite de ce musée. Mais il a été réhabilité d'une manière originale et assez fascinante. les trophées d'animaux accumulés les uns à côté des autres deviennent étranges, pour ainsi dire observateurs, vivants. des artistes contemporains y sont régulièrement invités.
Commentaire n°2 posté par Cécile le 17/06/2011 à 14h13
Attention, il n'y a pas d'actualité Thomas Grünfeld  à la galerie Jousse (enfin, pas que je sache). J'évoque le travail de cet artiste dans le cadre de ma série sur les chimères.
Réponse de espace-holbein le 17/06/2011 à 22h44
Tellement étrange. Des combinaisons fonctionnent assez bien et dérangent. Merci pour cette découverte.
Commentaire n°3 posté par Bertrand Estrangin le 19/06/2011 à 11h56
Oui, c'est étrange. Il y en a beaucoup d'autres (ici, c'est un choix).
Réponse de espace-holbein le 20/06/2011 à 08h38
Je m'étonne de ne voir ni lapingouin ni caïmanchot.
Commentaire n°4 posté par PhA le 19/06/2011 à 23h41
Je crois savoir que le lapingouin est en cours de réalisation (l'artiste a pris beaucoup de risques à cause de la fonte prématurée de la banquise). Quant au caïmanchot, c'est un animal dangereux, vous le savez. Donc peu de chance de le voir arriver dans un avenir proche.
Réponse de espace-holbein le 20/06/2011 à 08h42
           

mercredi 15 juin 2011

Charles AVERY, Onomatopoeia

 Chimères
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  Noumenon, Charles Avery
 
 
En mai 2010 le Plateau présentait la première exposition personnelle en France de l'artiste écossais Charles Avery.
«Onomatopoeia Part 1» fait partie du projet épique The Islanders auquel l'artiste se consacre depuis 2004. À travers l'écriture, le dessin, la sculpture et des installations multiples, l'artiste décrit l'histoire et la culture d'une île imaginaire dont Onomatopoeia (Onomatopée) est la ville centrale. Il est le narrateur, un explorateur qui découvre cette île peuplée d'êtres étranges: des hybrides mystérieux comme la souris-pierre (moitié rongeur, moitié minéral), des chasseurs à la recherche d'une bête sauvage, Noumenon, que personne n'a encore vue, une créature vilaine et bossue, Coscienza, qui fut jadis une femme noble et qui suscite aujourd'hui un sentiment de culpabilité. Les premiers habitants, les If'en (Si'ou), ont disparu, massacrés par la colonisation humaine.
 
 
 
 
source
 
 
 
doggerfisher.com
 
 
 
 
 
 
 

mardi 14 juin 2011

mardi 7 juin 2011

Joan Fontcuberta, Fauna .4

 Chimères
fontcuberta-fauna38 300  un clic  pour agrandir  «Ne pourrait-on pas vous qualifier d'artiste du simulacre ? » demandait Ingrid Jurzak à Joan Fontcuberta  dans un entretien daté de mars 2005*.
«En effet, répondait l'artiste, pour moi le simulacre doit être orienté dans trois directions par rapport au réel : la critique, la parodie ou la déconstruction».
On pourrait partir à la recherche des traits distinctifs du simulacre dans cette série Fauna sur laquelle l'artiste, en collaboration avec son ami Pere Formiguera, a travaillé de 1987 à  1989.
Ce projet Fauna, finalement, qu'est-ce-que c'est ? Reprenons la présentation qu'en faisait Nathalie Parienté, commissaire de l'exposition Science-Friction  du Musée de l'Hôtel-Dieu, à Mantes-la-jolie en 2005 pour son catalogue (page 14) :
 
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fontcuberta-fauna41 300   Mythologie, paléonthologie, bestiaire médiéval, sciences naturelles, littérature, cinéma : le travail de préparation et de recherches de Joan Foncuberta a des aspects très variés et est surement considérable dans la mesure où il souhaite donner du crédit à cette entreprise. Mais, pour monter de toutes pièces un simulacre comme c'est le cas dans le projet Fauna, il n'est pas non plus nécessaire d'être spécialiste dans tous les domaines abordés. «Plus que d'assimiler certains contenus, ma démarche est souvent de m'en approprier la rhétorique» déclarait l'artiste en 2005. À ce titre le simulacre nécessite la déconstruction d'un réel préalable : savoir quels sont ses constituants afin de mieux rebâtir la fiction ; puis Fontcuberta va échafauder un dispositif fondé sur une parodie qui contiendra une dimension critique. Le simulacre, dit-on, est une apparence sensible qui se donne pour la réalité. Au sein de ce dispositif, tout reposera donc sur les formes données à cette réalité 
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La présentation

Ingrid Jurzak : «L'importance du dispositif de présentation est indéniable dans la plupart de vos fictions. L'exposition serait-elle le seul mode efficace de diffusion de fictions telles que Fauna, Spoutnik, L'Artiste et la photographie, Les Retsch-Cor ou L'Île aux Basques ? En quelque sorte, l'institution  -musée, centre d'art ou muséum d'histoire naturelle -  cautionne votre fausse démonstration. En l'impliquant au titre de complice de votre supercherie, remettez-vous en cause l'autorité de l'institution muséale comme instance de validation des savoirs (muséum) et des œuvres (musée) ? »
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Joan Fontcuberta : «Je crois que la mise en question de toute forme d'autorité est le premier devoir de l'artiste : pour que celle-ci ait un sens et soit prise au sérieux, l'artiste doit commencer par mettre en doute l'autorité qui lui est la plus proche, celle des institutions artistiques elles-mêmes (l'Académie, le musée, la galerie, la collection, l'histoire de l'art, le discours critique, etc.).**  
           

 
Il en sera ainsi pour le projet Les Sirènes de Digne une quinzaine d'années plus tard (voir, ci-dessous, la vidéo d'une salle de présentation de ce projet dans le cadre muséal) :
           

Salle de l'Hydropithèque - Joan Fontcuberta par cairnmusee
 
Botanique, zoologie, paléontologie, ethnologie… le photographe et plasticien catalan s’approprie et détourne les codes scientifiques pour mettre en scène ses chimères. Ce faisant, il questionne la notion de vérité et la manipulation de l’information, avec un savant mélange d’humour, d’imaginaire et de rigueur, quasi scientifique.
À la Réserve Géologique de Haute-Provence à Digne, on peut voir, incrustés dans la paroi rocheuse, les 3 fossiles d’hydropithèques découverts en 1947 par le père Jean Fontana. Des fossiles de sirènes, vieux de 18 millions d’années ! Ces êtres que l’on croyait légendaires représentent le chaînon manquant entre l’homme et les mammifères marins. On voit leur silhouette anthropomorphe, leur colonne vertébrale se terminant par une queue de poisson. Cette fabuleuse découverte n’a été révélée qu’en 2000, par un certain Joan Fontcuberta, prétendu journaliste scientifique au National Geologic… Vrais faux fossiles, images d’archives, pseudo article scientifique, mise en scène aux côtés de vrais fossiles dans une institution scientifique, narration de la découverte rappelant celle de Lascaux : tous les ingrédients sont là pour nous faire douter. De fausses informations, mises en scène comme des vraies. Cette facétie n’est pas sans rappeler l’affaire de l’Archaeoraptor, en 99, ce fossile de dinosaure à plumes, contrefait par des paysans chinois à partir de deux fossiles différents, et qui avait fait la une du National Geographic. (citation, voir site Le Grand Public)
 
fontcuberta-sirene1 300 fontcuberta-sirene2 300
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fontcuberta-fauna40 300 Joan Fontcuberta, nous l'avons vu, se perçoit comme artiste du simulacre, comme il l'a affirmé à l'occasion de son entretien avec Ingrid Jurzak. Le simulacrum était la représentation, non des âmes mais des corps. Mais c'était aussi, initialement,  ces mannequins d'osier dans lesquels on enfermait des hommes vivants  que l'on brûlait en l'honneur des dieux. L'acte n'est pas mince et le symbole, fort. Les mots font autorité et nous assènent le poids de leur  héritage.
C'est aussi pour cela que Joan Fontcuberta fait reposer son récit et ses découvertes sur la figure du savant, celui dont le langage scientifique ainsi que les connaissances sont indiscutables : le Professeur Ameisenhaufen dont il exposera les photos d'époque dans les vitrines, à côté des travaux du chercheur. Autant de gages de l'existence de l'homme que de celle de ses recherches. «La photographie est aussi un genre d'écriture, un langage écrit, déclare Fontcuberta dans son ouvrage Le Baiser de Judas (p45). Cependant, elle est apparue quand les dieux avaient déjà abandonné les hommes, et quand l'esprit positiviste avait envahi le monde moderne».  .
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  Pour finir sur les chimères aquatiques, la photographie en haut de page présente un "exemplaire de l'Ictiocapra Aerofagia dans son environnement naturel". On y aperçoit l'animal -une espèce de poisson dressé sur ses pattes postérieures- qui s'extrait de l'eau et s'apprête à gravir le rocher, figure archétypique d'un de nos ancêtres passant du milieu aquatique à la terre ferme. Ce spécimen aurait beaucoup à nous apprendre de nos origines. Malheureusement, la fiche zoologique figurant au côté de la photographie indique : «Fiche perdue, aucune information disponible». En revanche, beaucoup d'informations sur «le chaînon manquant», l'Hydropithèque de la série  Les Sirènes de Digne (2000). Mais là aussi, très peu d'efficacité : le spécimen -s'il est très bien conservé et correctement restitué à notre connaissance, grâce au travail archéologique- demeure une forme, une simple forme même si celle-ci est  extraordinaire. C'est Joan Fontcuberta qui concluera en déclarant dans un entretien qu'il a donné à Marcel Fortini -directeur du Centre méditerranéen de la photographie- en avril 2003 :«L'archéologie ne consiste pas à faire des fouilles et à trouver des objets, mais juste à leur donner un sens»***.
           
           
           
           
           
           
           
*catalogue de l'exposition Joan Fontcuberta.Sciences-Frictions - Musée de l'Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie (Nathalie Parienté, commissaire de l'exposition), p99
** idem, entretien avec Ingrid Jurzak, p102
***  Du réel à la fiction-la vision fantastique de Joan Fontcuberta, Robert Pujade, Isthme Éditions, p26
           
           
           
voir Joan FONTCUBERTA, Fauna .1
voir Joan FONTCUBERTA, Fauna .2
voir Joan FONTCUBERTA, Fauna .3
           
voir, ou revoir,  la série Herbarium de Joan FONTCUBERTA
           
           
           
           
Les images qui figurent sur cette page sont extraites du catalogue de l'exposition Joan Fontcuberta.Sciences-Frictions qui a été présentée du 9 avril au 3 octobre 2005 au Musée de l'Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie -Nathalie Parienté, commissaire de l'exposition- (photos 1, 2, 3, 6)  ou de l'ouvrage consacré à Joan Fontcuberta par Robert Pujade, Du réel à la fiction-la vision fantastique de Joan Fontcuberta, Isthme Éditions (photos 4 et 5)
 
 
Références :

Le Baiser de Judas -Photographie et vérité, Joan Fontcuberta, Éditions ACTES SUD, 2005

site de Joan Fontcuberta
           
           
           
           
           
           
 photographies :

1 : Ictiocapra Aerofagia, série Fauna (fiche zoologique du professeur Ameisenhaufen)
2 : squelette du Felis Pennatus,  série Fauna, Barcelone, 1986
3 : installation de Fauna, MoMA, New York, 1988
4 : Hydropithèque de Tanaron, extrait de L'Hydropithèque dans le paysage de Haute-Provence, reportage du National Geologic, in Les Sirènes de Digne, 2000
4 bis : fossile de sirène (source
5 : esquisse de Jean Fontana montrant les restes d'un hydropithèque, extrait de Les Sirènes de Digne, 2000 (graphite sur papier, 21x29cm)
6 : Le Docteur Peter Ameisenhaufen (1895-1955),  série Fauna, Barcelone, 1986