mardi 29 juin 2010

Prisonniers du soleil

Prisonniers du soleil
pris15 300 Prisonniers du soleil fut le second volet d' "Érudition concrète", programme lancé avec l'exposition La Planète des signes (présentée en 2009). Il s'agissait «d'interroger les rapports de l'art à la connaissance et la manière dont les artistes créent leur propre système cognitif hors des canons universitaires ou académiques, dont ils peuvent se nourrir par ailleurs.» Ce qui a intéressé  Guillaume Désanges, commissaire de l'exposition, c'était, dit-il, «la manière dont certains artistes contemporains créent des formes imprégnées de savoir et d'érudition, mais, contrairement à leurs aînés conceptuels qui exposaient les mécanismes même de leurs recherches logiques ou intellectuelles, la transforment en objets autonomes, souvent jusqu'à l'abstraction.»
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Dans cette logique, un travail inédit de l'artiste américain Corey McCorkle autour du Désert de Retz * fonctionnait de manière centrale et devait servir à échafauder une réflexion plus générale sur le fonctionnement et la nature de systèmes artistiques actuels. Un diagramme dont le centre est un disque (le Désert, la production initiale) et la périphérie composée de sept faisceaux qui convergent vers ce centre  (Utopie, Architecture, Modernisme, Décadence, Ornementation, Naturalisme et Fantastique) est proposé. Le tout formant un soleil. Dans un éditorial de Paris-art du 22 avril 2010 André Rouillé écrivait au sujet de cette exposition : «Longtemps les discours esthétiques — les énoncés sur l'art — ont obéi à une logique essentialiste, sous la forme binaire d'inclusions et d'exclusions péremptoires: ceci est de l'art, cela n'est pas de l'art; ceci est du «high art», cela est du «low art», ou du kitsch. Cette séparation du bon grain de l'ivraie avait ses prêtres sévères, tels que le célèbre critique américain Clement Greenberg, qui tranchaient avec d'autant plus d'intransigeance que leurs oracles reposaient sur de bien fragiles fondements.
Ces gourous du champ et du marché de l'art croyaient, ou feignaient de croire, que l'être «art» est immanent à l'œuvre, qu'il réside en elle, et ne renvoie par conséquent qu'à elle seule. À charge aux critiques d'en déceler, expliciter, et valider les qualités…
Aux beaux jours de l'art moderne, se sont ainsi actualisés dans les œuvres et dans les discours, des valeurs, des énoncés et des formes procédant par dichotomie, par simplification, par oppositions binaires: découpant, séparant, éliminant, désincarnant afin d'atteindre à un idéal d'unité, de pureté, de minimalisme.
Les lumières contre l'obscurantisme, la transparence contre l'opacité, la raison contre la sensualité, la pensée contre la poésie — en architecture, cela se traduisait par le
fonctionnalisme contre l'ornementation, ou les angles droits contre les courbes, etc. En peinture, Clement Greenberg défendait la planéité contre la figure, et surtout contre le kitsch qu'il considérait comme le non-art absolu.».  
Mais tout a évolué : le monde et le regard sur le monde, et on a vu les limites et les apories d'une telle approche. Certains pans complets de ce qui fournissait les matériaux potentiels de l'art ont été écartés, ont disparu et continuent néanmoins à hurler de leur présence.
           
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Le travail du commissaire d'exposition a été de construire une scénographie très nouvelle, en remodelant complétement l'espace du Plateau et surtout en créant une promiscuité entre des objets d'époques différentes, des objets appartenant à des registres différents et des niveaux de complexité variés sur une échelle très vaste. À côté d'œuvres  complexes ou dont le sens reste mystérieux comme certaines pièces d'Anna Barham ou de Louidgi Beltram (voir les articles qui précèdent), des objets sont là pour valoriser l'ornementation (Pablo Bronstein), rappeler l'existence et l'imporance du kitsch (à travers la naissance et le développement des cabinets de curiosités : ici les collections de Céleste Olalquiaga) ou encore le pittoresque ou le romantisme d'un paysage d'Hubert Robert, par exemple. Mais une dimension plus provocatrice dans le cadre d'une telle exposition est l'intégration d'une salle de jeu offrant au spectateur (acteur ?) la possibilité de manipuler des jeux de logique, de société, des jeux de construction, etc. Ceci pouvant être interprété comme l'intégration d'une pratique du jeu très répandue au XXème s!ècle dans le milieu de l'art contemporain. 
Toutes ces composantes étant installées dans un salon  reprenant les canons esthétiques et habituels d'un univers bourgeois traditionnel.  
           
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Une porte "belge" (5), reconstitution d'une vraie porte découverte à Gand par Corey McCorkle, sorte de "monstruosité" (dixit) refaite à l'identique, permet d'arriver dans un autre espace -plongé dans le noir-  qui est une installation du même artiste , faite autour du Désert de Retz. (4), "Zootrope". Cette installation va préparer le spectateur à la projection du film "Hermitage" de McCorkle que l'on va découvrir dans la dernière salle (6, 7). Le promeneur, silhouette noire, sans visage, reprend la figure énigmatique du comte François Racine de Monville, créateur - au XVIIIème siècle - du fameux Désert de Retz *. 
 
            
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Cette exposition pose un grand nombre de questions. C'est une proposition complexe, fine, qui a le mérite d'ouvrir des pistes de réflexion sur les usages et les conceptions artistiques. On perçoit la volonté du commissaire d'exposition de ne pas imposer de parti-pris fermé sur lui-même. La démarche est intuitive. L'expérience relève de l'imprégnation de chacun. Nous sommes, à l'instar du promeneur visitant le Désert de Retz, dans une déambulation érudite et plaisante, assez stimulante. La surprise et l'intelligence du propos sont au rendez-vous. Les systèmes de pensée trop rigides sont exclus ; ce qui en fait une qualité mais produit simultanément de la fragilité. En effet, loin d'exclure toute pensée, ce parti-pris du "grand tout", sans hiérarchisation, peut glisser vers un aplanissement voire un appauvrissement. Il n'en demeure pas moins que cette façon nouvelle d'aborder le domaine aurait mérité un débat plus large dans les médias spécialisés, une confrontation d'idées plus soutenue et enfin que l'on s'attarde un peu plus sur ce qu'est en train de produire le Plateau, auquel il faut rendre hommage.
           
           
           
           
Photographie 1 : diagramme présenté dans le journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p2
Photographie 2 : Maëlle Dault, tournage de Zootrope, Corey McCorkle,  Désert de Retz, 2010
photo (détail) extraite du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p14
Photographie 3 :  photo personnelle, ambiance dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau 
Photographies 4, 5, 6, 7 :  Martin Argyroglo.

                
           
           
           
* voir les articles sur le Désert de Retz :
Le Désert de Retz 1:
Le Désert de Retz 2
Le Désert de Retz 3:
Le Désert de Retz 4:
Le Désert de Retz 5:
           
       
           
« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème


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Commentaires

Je sais bien que le 30 juin est le lendemain du 29 et que c'était le jour du sommaire, mais c'est dommage de ne pas avoir laissé cet article en "Une" du blog plus longtemps. J'avais un peu regretté l'absence des analyses plus complexes  qu'il y avait autrefois sur l'espace-holbein et je trouve toute cette dernière série - sur le désert de Retz et l'expo Prisonnier du soleil (quel beau titre!) très réussie. Il est bien l'édito de Rouillé... Dommage que l'exposition soit finie - mais l'expo en cours au plateau vaut aussi vraiment le coup !
Pas possible de mettre le plan - image 1 - en plus grand pour pouvoir lire les listes ? (bon c'est vrai mon ordi, c'est un 13 pouces = petit écran).

Commentaire n°1 posté par laurence le 03/07/2010 à 12h15
Merci Laurence. Bon, tu as dû remarquer (après coup) le procédé : j'ai essayé d'égréner différentes œuvres sans entrer dans le détail, juste comme des citations, puis j'ai rassemblé en parlant plus précisément de l'exposition dans son ensemble. Il aurait sûrement fallu évoquer plus en détail le contenu et les intentions cette expo mais... le temps, l'énergie... Et puis, évidemment,  j'ai mis en lien l'édito d'André Rouillé qui fait très bien la chose.
Je n'ai pas encore vu la suivante. Mais ce qu'ils font est pas mal je trouve.
J'ai agrandi le diagramme.
Commentaire n°2 posté par espace-holbein le 04/07/2010 à 20h58











samedi 26 juin 2010

Cabinet de curiosités

Cabinet de curiosités
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Dans l'exposition, une vitrine présente la collection personnelle de Céleste Olalquiaga, chercheuse indépendante et écrivain, auteur de Royaume de l'Artifice, les origines du Kitsch au XIXe siècle, un des ouvrages références de l'exposition Prisonniers du soleil. Cette collection d'objets et matières glanés au cours de ses voyages et de ses découvertes reprend, sous la forme du cabinet de curiosités, les thèmes principaux de son ouvrage. On y retrouve des objets plutôt ordinaires qui sont le signe d'un mélange entre jubilation pour le décoratif, le clinquant, les merveilles sous-marines, et une certaine mélancolie. Particulièrement, les morceaux de nature pétrifiée que l'auteur qualifie de «fossiles culturels» ou de «débris de l'aura» manifestent un rapport évident à la perte au sens où ils utilisent les restes du vivant pour figurer la mort.    
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Extrait du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p5
           
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Photographie 1 :  Rodney     Collection de Céleste Olalquiaga, crédit photographique : Céleste Olalquiaga
objet exposé dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
Photographies 2 à 9 : Collection de Céleste Olalquiaga,
objets exposés dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
 photos personnelles
       
           
« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème
        
           
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vendredi 25 juin 2010

Jeux

   Jeux
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  Jeux de construction, de logique ou de sociétés, la salle de jeu, en écho lointain au film l'Année dernière à Marienbad d'Alain Resnais, une des références occultes de l'exposition Prisonniers du soleil propose aux visiteurs de les pratiquer ou d'en contempler les formes et les motifs, entre minimalisme et complexité, plair et intelligence, élévation spirituelle et vanité ludique.
Extrait du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p12
 
 
 
Photographies : pièces exposées dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
photos personnelles


 
 

« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème
 













mercredi 23 juin 2010

Ruine d'amphithéâtre

   Ruine d'amphithéâtre
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  Leptis Magna (..) est le nom d'une ville romaine située en Lybie dont les bâtiments antiques ont subi un démembrement (...). Des fragments de ruines de Leptis Magna ont en effet été offerts au roi Georges IV en 1816 afin de reconstruire en Angleterre une ruine artificielle au Windsor Great Park. Fascinée par cette tradition du recyclage architectural, Anna Berham a également construit la maquette d'une ruine d'amphithéâtre, Pliant Games II (2007), avec des objets pauvres empruntés à la vie quotidienne : des pailles pour faire des colonnes, des anses métalliques de pots de peinture pour signaler les gradins. Une forme réactualisée et rudimentaire de la «folie» architecturale.


Extrait du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p2
 
 
 
Photographie : Anna Barham,  Pliant Games II.     Paille, carton, colle, papier calque adhésif, poignées de sceau. Courtesy  de l'artiste, 2007
œuvre exposée dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
photo personnelle

 
 
Née en 1974 en Angleterre, Anna Barham vit et travaille à Londres 
 
 

« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème
 















Salons

  Salons
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  Cette gravure au symbolisme obscur semble avoir été réalisée sous le coup d'une certaine ivresse, comme Rops l'écrit à son ami Henri Liesse : «Ce dessin me ravit. J'ai fait cela en quatre jours dans un salon de satin bleu, dans un appartement surchauffé, plein d'odeurs, où l'opopanax et le cyclamen me donnaient une petite fièvre salutaire à la production et même à la reproduction.» (...)
Comme dans beaucoup de ses œuvres, Rops glorifie ici la femme contemporaine de cette fin de siècle, arrogante, impitoyable et fatale, révèlant sa complexité, entre exhibition et soumission, majesté et volupté. De fait, l'éros chez Rops est un prétexte à peindre la modernité : la femme diabolique y est à la fois symbole de désir et pulsion de mort, foulant du pied la tradition picturale.


Extrait du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p6
 
 
 
.À gauche : photographie de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
photo personnelle

.illustration à droite : Félicien ROPS
  Pornokrates
 1878

 Aquarelle et Pastel, 75 x 45 cm
 
Musée provincial Félicien Rops, Namur
 Dépôt de la Communauté française de Belgique
 
 œuvre exposée dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau  
 
 


« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème
 
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Commentaires

A force d'avoir foulé au pied la tradition pictural, elle a disparu…
Que nous reste-il donc a détruire, fouler au pied, éradiquer?
Commentaire n°1 posté par TG le 30/06/2010 à 09h21
Il y a des choses à inventer sans cesse. Nous avons hérité d'une idéologie de la forme fabriquée progressivement depuis la Renaissance. Les avant-gardes du XXe siècle ont à la fois scellé les choses à coups de pensées radicales tout en les faisant éclater. C'est notre héritage, à nous de nous en saisir. 
Commentaire n°2 posté par espace-holbein le 30/06/2010 à 20h00
C'est effectivement ce que l'on apprenais au Beaux Arts, et je suppose que l'on apprend encore. Mais, avec tant d'autres (comme Rops), et plus le temps passe, moins je crois en cela… Ne m'en veuillez pas mais c'est ce que mon expérience m'a appris.
Commentaire n°3 posté par TG le 01/07/2010 à 13h14






mardi 22 juin 2010

Plans

  Plans
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  Brasilia / Chandigarh, Plan est une gravure sur plaque de cuivre des deux plans superposés de ces villes symboles du modernisme des architectes Oscar Niemeyer et Le Corbusier. Elle crée une sorte de synthèse de ces deux idéaux architecturaux dans une esthétique précieuse et mystérieuse, entre bas-relief commémoratif et carte au trésor.


Extrait du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p3
 
 
Louidgi Beltrame est né en 1971 à Marseille. Il vit et travaille à Paris
 
 
Photographie  : Louidgi Beltrame, gravure sur plaque de cuivre, 60 x 60 cm,  Brasilia / Chandigarth, Plan,  , courtesy  Galerie de l'artiste et galerie Jousse Entreprise, Paris, 2008
œuvre exposée dans le cadre  de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
crédit photographique : galerie Jousse Entreprise, Paris


 
 

« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème
 









Une esthétique de l'agrément

  Une esthétique de l'agrément
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  Sous un aspect très décoratif, l'installation Horological Promenade, qui intègre des horloges anciennes installées selon un plan aussi précis que mystérieux qui fait lui-même partie de l'œuvre, évoque l'actualisation de ces formes surannées dans l'espace et le temps.


Extrait du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p12
 
 
 
Photographie gauche : Pablo Bronstein,  Horological Promenade, installation (détail), courtesy  Galerie Herald Street, Londres, 2008
œuvre exposée dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
photo personnelle


Photographie gauche : Pablo Bronstein,  Horological Promenade, installation (détail), courtesy  Galerie Herald Street, Londres, 2008

œuvre exposée dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
photo personnelle
 
 

« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème
 







lundi 21 juin 2010

Robert Dandelion

  Robert Dandelion
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  Du vin de pissenlit a été réalisé pour une exposition de Corey Mc Corkle au château de Lismore (Irlande), érigé dans un style néo-gothique à la Pugin, reconstruit par Joseph Paxton. Dandelion 2009 (pissenlit) rassemble trente bouteilles de Bordeaux reconstituées à partir de fragments d'autres contenants, à la manière d'un «cadavre exquis». Ces bouteilles avaient été conçues pour contenir le vin fait à partir des pissenlits récoltés dans les jardins du Château.


Extrait du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p14
 
 
 
Photographie gauche : Corey McCorkle,  Dandelion Wine, bouteilles de verre, courtesy de l'artiste et galerie Maccarone, New York, 2009
œuvre exposée dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
photo personnelle

Photographie droite : Hubert Robert,  Paysage italien, huile sur toile, collection Musée des Beaux-arts de Valenciennes, vers 1750
œuvre exposée dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
photo personnelle
 
 

« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème
 

dimanche 20 juin 2010

Colonne

Colonne
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Hubert DUPRAT, Sans titre, 2008
Cristaux de calcite (spath d'Islande), colle, bois
Collection FRAC Limousin
Centre international d'art et du paysage, Vassivière


photographie personnelle
œuvre présentée dans le cadre de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau
 
 
Ce grand cylindre qui pourrait évoquer la section d'une colonne, cette œuvre , a priori abstraite et minimale, abrite une structure cristalline complexe. Comme dans un jeu de construction sophistiqué, cet assemblage de petites «briques» minérales, transparentes et disjointes, réalisé en calcite translucide appelé «spath d'Islande», ce cristal possède des propriétés de biréfringence, soit la particularité de dédoubler les rayons de lumière, et donc les images que l'on voit à l'envers, suscitant ainsi une sorte de grésillement visuel.
 
Extrait du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p7
 
 
 
Hubert Duprat
 
 
 


« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

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Commentaires

La tour qui
grésille
miroite
crépite
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 20/06/2010 à 08h59
...et la tour qui se se rend pas.
Commentaire n°2 posté par espace-holbein le 20/06/2010 à 11h36
Cette tour n'est pas étrangère à vos articles précédents sur le jardin de Retz
Vous avez plus d'une tour dans votre sac!

Commentaire n°3 posté par TG le 20/06/2010 à 18h28
Suivre la piste...
Commentaire n°4 posté par espace-holbein le 21/06/2010 à 18h17


samedi 19 juin 2010

Fenêtres

  Fenêtres
seize
 
 
 
 
Principe du zootrope
 
 
Photographie gauche : Maëlle Dault, tournage de Zootrope, Corey McCorkle,  Désert de Retz, 2010
photo extraite du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p14


Photographie droite : Stéphane Dabrowski,  Zootrope, collection Cinémathèque française, vers 1880
photo extraite du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p13
 
 

« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème
 

vendredi 18 juin 2010

Seize soleils

Seize soleils
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Photographie : Maëlle Dault, tournage de Zootrope, Corey McCorkle,  Désert de Retz, 2010
photo extraite du journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p14
 
 

« Prisonniers du soleil », 2e volet du cycle «Érudition concrète », qui s'est tenue du 11 mars au 9 mai 2010.

Le Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France, Place Hannah Arendt, métro Buttes-Chaumont, Paris 19ème
 

mercredi 16 juin 2010

Structures désertées

  Structures désertées  
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Excursions

 
 
 




.illustration : Corey McCorkle

  Zootrope
 2010

  installation / film, (photo personnelle)



.Samuel BARBER
  Excursions, Op. 20

  un poco allegro 
   Daniel Pollack, piano



 

mardi 15 juin 2010

Le Désert de RETZ. 5

Le Désert de RETZ
bellon3 300 Le comte François Racine de Monville est resté quelqu'un d'assez mystérieux : aristocrate, exposé, il passa néanmoins le tumulte de la Révolution ainsi que la période de la Terreur et mourut calmement dans son lit, atteint de la gangrène. Libertin, il fut accusé de sybaritisme. L'Église l'incommodait et deux anagrammes parfaites de son nom l'accompagnèrent une partie de sa vie : Ricane le vil démon et Recela le nom divin.
Et le fait peut-être le plus troublant reste que dans ce contexte où tout fait image, où tout est signe, on ne connaît à ce jour aucun portrait qui le représente. Il reste un sans visage. Était-ce une volonté, une décision personnelle ? Un hasard ? À la manière des dandys, sa vie est une œuvre mais la différence avec beaucoup d'entre eux est que le point central est un point aveugle pour l'Histoire. Racine de Monville est quelqu'un qui a organisé la  perte de son image alors que son activité a été immense.
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Plan du Désert de Retz, établi en 1811
   
     
      Et lorsque l'on fait basculer ce plan d'1/4 de tour vers la droite, le profil d'un homme apparaît. On ne connaît à ce jour aucun portrait qui  représente François Racine de Monville.

 

 
Rappel : un certain nombre d'éléments rapportés dans cet article sont le fruit de la lecture de l'excellent ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009
 
photographies  extraites de l'ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009, excepté la 2 (photographie personnelle).  Photo 1 : Denise Bellon
 
 
site consacré aux parcs à fabriques et plus particulièrement au Désert de Retz
The Racine de Monville Home Page
 
           
 
 
 
 
           
           

lundi 14 juin 2010

Le Désert de RETZ. 4

Le Désert de RETZ
retz18 300 Le comte de Monville était un dandy, il était également érudit, libertin et peut-être franc-maçon. Mais ça, rien ne l'atteste. Il est troublant de constater que la majorité de ses amis et de ses invités l'étaient. Et puis on a cru voir dans l'ordonnancement de ce jardin une volonté de donner un sens allant chercher du côté de la franc-maçonnerie. Il existait un endroit qui permettait d'entrer dans le domaine et qui s'appelait La Porte en Rocher.  Cette porte faite de fausse roche -disparue aujourd'hui dans son état originel- était destinée à marquer l'imaginaire du visiteur qui pénétrait dans le parc. Il s'agissait d'un lieu initiatique qui servait de passage entre la forêt (lieu sauvage, inorganisé, anarchique) et le Désert qui mimait la nature mais était le fruit d'une pensée, d'une réflexion, d'une philosophie, d'un axe de vie. Les fabriques auraient été autant de stations sur le chemin de la connaissance expliquent Julien Cendres et Chloé Radiguet,  les deux auteurs de l'ouvrage cité en bas de page. Et cette Porte aurait été la première de ces stations.
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Et puis il y a cette fabrique qui serait celle de l'aboutissement : La Glacière en forme de pyramide (1) qui avait une fonction très technique et utilitaire puisqu'elle était une véritable glacière. En revanche son apparence pure et géométique à l'excès lui fait endosser  le rôle de métaphore de la perfection maçonnique. Toutes ces constructions fondées sur un cheminement, sur une progression, pourraient faire référence à différentes civilisations  ou à différentes pensées philosophiques et religieuses.
           
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Le jardin classique à la française, avec ses alignements, sa rigueur, sa maîtrise de l'espace, a vécu. C'est le jardin à l'anglaise qui va prendre le relais. Il sera une espèce de refuge pour l'aristocratie qui constituera dans ce lieu clos de nouvelles règles, y inventera de nouveaux jeux, remédiera à son désœuvrement. Annie Le Brun dans un ouvrage intitulé Les châteaux de la subversion - J.J. Pauvert, 1982-  décrit les aristocrates de l'époque comme des «spectateurs fascinés d'une civilisation à l'agonie, encore incapable d'intervenir sur le monde».* Elle voit dans ce lieu qu'est le jardin, un «refuge où l'on se rend pour différer le moment d'affronter les orages qui se préparent. Ce sont d'ultimes décors qu'on ne peut s'empêcher d'interposer entre le monde et soi. Imperceptiblement on l'aménage pour tromper l'attente ; on en fait un lieu où tout devient signe.»*  
 
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Pris dans la tourmente révolutionnaire, François de Monville va vendre son domaine et le Désert de Retz va décliner lentement durant les deux siècles qui vont suivre. En 1856 Frédéric Passy - premier prix Nobel de la Paix-  va  en devenir le propriétaire et y faire vivre sa famille. Abel Gance y filmera  en compagnie de Max Linder. Dali, Aragon, Arp, Breton et les membres du Groupe surréaliste y passeront. Denise Bellon les photographiera (4, 5).
Et enfin, en 2007, la commune de Chambourcy acquiert pour un euro symbolique la partie «historique» du Désert de Retz qui progressivement va s'ouvrir aux visites **.
           
           
           
           
           
           
           
  (suite prochainement, j'espère)
 
 
* cité par Veer Dobbeleir dans le journal de l'exposition Prisonniers du soleil, mars/mai 2010, Le Plateau, p8
** voir  les conditions dans le commentaire de Mr Saury, président de l'association "Le Désert de Retz, jardin des Lumières"
 
 
Rappel : un certain nombre d'éléments rapportés dans cet article sont le fruit de la lecture de l'excellent ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009
 
photographies personnelles sauf 4 et 5 qui sont extraites de l'ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009
 
 
site consacré aux parcs à fabriques et plus particulièrement au Désert de Retz
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Commentaires

Merci infiniment à vous pour ce travail de fond et de synthèse, bref, pour ces excellents billets dédiés au Désert de Retz sur lequel je m'interroge et cherche à me renseigner (mais sans grand résultat) depuis que je l'ai découvert cet hiver en visitant une exposition de photos de M. Kenna à la BNF Richelieu... Cet endroit m'a d'emblée fascinée et obsédée ... Je ne suis pas étonnée d'apprendre que les surréalistes ont adoré et encensé le lieu ... D'emblée, on le sent, c'est un lieu propice à l'épanouissement des rêves et des sortilèges;
Je ne viens que rarement sur votre blog (que j'ai toujours apprécié pourtant) (cf. vos réfléxions marquantes sur l'oeuvre de Tichy) : TRES heureux hasard !
Vraiment comblée !
Commentaire n°1 posté par Cécile le 17/06/2010 à 17h19
Le Désert de Retz était effectivement présent dans l’exposition de Michael Kenna à la BNF  :
L’épisode Tichy a été  un très bon moment, très drôle (lié à l’émission de radio mettant en scène les « faux artistes »). Il était question pour moi d’évoquer la figure de l’artiste (comment on «crée un artiste» ) et la manière dont il était exposé.  Mon intention était de  bousculer les normes, et d’éviter l’hagiographie – généralement béate, comme il se doit -  et surtout de questionner le mode d’exposition qui peut s’avérer très glauque dans le propos qu’il induit. J’ai choisi de le faire de manière drôle afin de provoquer des réactions. Ce qui n’a pas manqué, dont certaines très hargneuses.
Merci pour vos marques d’attention.
Vous êtes la bienvenue sur l’espace-holbein.
Commentaire n°3 posté par espace-holbein le 18/06/2010 à 15h30
IZIS a photographié le Désert de Retz avec un texte de COLETTE, découverte faite lors de la très belle exposition IZIS de cet hiver.
Commentaire n°4 posté par e.toile le 21/06/2010 à 11h24
«J’ai visité le Désert de Retz par un beau jour torride où tout était propice à la sieste et aux mauvais songes. Je n’y retournerai pas, de peur de voir pâlir ce lieu fait pour le cauchemar modéré. Une eau troublée et jonceuse y dormait au pied d’un kiosque que meublaient des bonheurs-du-jour rompus, des tabourets apodes et d’autres épaves mobilières inexpliquées. Je tiens à me souvenir d’une tour tronquée, achevée brutalement par un toit en biseau. Elle se divisait intérieurement en cellules réparties autour d’un escalier pivotant, qui affectaient chacune, à vue de nez, la forme d’un trapèze…
Ô monde, que tu es plein de mystères et d’incommodités, à qui n’est point l’élu de la géométrie et peine en vain pour décrire la tour tronquée du Désert de Retz ! Celle-ci regorgeait de meubles massacrés. Devais-je rire de leurs squelettes, ou redouter qu’un reste maléfique de vie…
Le bris soudain d’une vitre, m’obligeant à tressaillir, en décida. : un bras végétal, coudé, tors,  en qui je n’eus pas de peine à reconnaître l’application, le cheminement subreptice, l’esprit reptilien des glycines, venait de frapper, et d’entrer par effraction.»

                                               COLETTE
                                               Pour un herbier                                                                              
Commentaire n°5 posté par espace-holbein le 21/06/2010 à 18h21
j'ai réservé ma visite un deuxième samedi plutôt qu'un quatrième puisque tel est le choix et j'emporterai vos  phares en quatre épisodes pour éclairer comment le Temps mange la vie, les Déserts et les Lumières ..merci !
Commentaire n°6 posté par Ch le 13/07/2010 à 00h43
Vous prendrez plaisir à cette déambulation, j'en suis persuadé. N'oubliez pas de nous faire profiter de vos sensations, de vos émotions.
Je vous ai réservé un cinquième et dernier épisode ; surveillez bien !
Commentaire n°7 posté par espace-holbein le 13/07/2010 à 08h41
           
           

samedi 12 juin 2010

Le Désert de RETZ. 3

Le Désert de RETZ
retz13 300  François  Racine de Monville  va quitter Paris en 1778 et venir habiter la Maison Chinoise. L'endroit est luxueux, raffiné. On s'y réunit pour faire des lectures d'extraits de L'Encyclopédie de Diderot ou bien des Rêveries du promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau. À peu près à la même époque il commence à faire planter dans son domaine des arbres de toutes provenances et passe commande d'essences rares et variées au responsable des Pépinières Royales. Le domaine va progressivement s'enrichir de spécimens que l'on peut encore admirer à l'occasion de la visite. Puis en 1781 Monville va faire construire la Colonne Détruite (1, 2, 3, 4) qu'il va habiter l'année suivante. Il s'agit des vestiges d'une fausse colonne dorique d'une taille impressionnante. Si cette colonne avait existé réellement, on a calculé que, proportionnellement à sa base, elle atteindrait à peu près cent vingt mètres de haut. Mais l'intérêt de cette construction, outre qu'elle adopte l'esthétique de la ruine, est qu'il s'agit d'une véritable habitation.
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La Colonne Détruite est la pièce maîtresse du Désert de Retz. La coupe (3) montre une occupation astucieuse de l'espace autour d'un escalier central hélicoïdal. Seize fenêtres ovales offrent autant de points de vue sur le domaine, laissant apparaître, à chaque fois, une fabrique différente. Son diamètre est d'une quinzaine de mètres et sa hauteur d'une vingtaine. Seize cannelures, quatre étages et une cave. L'intérieur était fleuri et chaque pièce tendue de toile de Jouy. Le détail de la description montre un raffinement extrême.
           
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L'édifice s'inscrit dans la démesure : les restes d'une colonne de cette taille supposent l'existence passée d'une construction plus générale au delà de ce que l'imagination peut produire. L'ordre dorique auquel ces restes font référence nous projette dans un passé austère puissant et révolu. D'autre part, on ne peut évidemment que constater l'analogie formelle qui existe entre cette Colonne Détruite et la célèbre Tour de Babel (peinte ici par Pieter Bruegel l'Ancien, 1563). Le texte de la Genèse, qui met en scène des hommes empêchés d'atteindre le ciel par un dieu qui les punit en multipliant les langues et donc  -du fait de cette division- les contraint à partir en quête perpétuelle de connaissance, n'est pas totalement étranger aux préoccupations de l'initiateur du lieu. La forme  ronde et irrégulière due à la pseudo-dégradation de l'édifice va créer visuellement une analogie. Et puis après l'orgueil des hommes à vouloir se faire les égaux de Dieu, viendra la vanité dans l'anticipation de leur déchéance. La ruine sera l'objet d'une instrumentalisation tant esthétique que philosophique. Un peintre, Hubert Robert, était spécialiste dans ce domaine.  Ce peintre célèbre a, par exemple, peint la grande galerie du Louvre en ruines. Il se trouve qu'Hubert Robert était ami de François de Monville qui avait certains de ses tableaux -comme Le Décintrement du pont de Neuilly-  accrochés aux murs des appartements de la Colonne Détruite. Nous sommes au crépuscule d'un XVIIIème siècle sourdement inquiet.
           
retz17 320 Cette esthétique de la ruine sera travaillée avec une grande détermination car parmi les fabriques il en existe une qui est une ruine authentique, celle qui est appelée L'Eglise gothique ruinée (5). Il s'agit de la chapelle de l'ancienne paroisse de Saint-Jacques-de-Retz construite au début du XIIIème siècle. François Racine de Monville l'a intégré dans son ensemble au même titre que les autres fabriques. Il s'agissait de montrer pour lui la supériorité du savoir encyclopédique au détriment de l'Église catholique qui à l'époque des Lumières représentait une forme d'obscurantisme. Ainsi, l'œuvre de François Racine de Monville allait dans le sens d'une modernité revendiquée. À noter, en passant, que la pratique qui consiste à s'approprier de l'existant et à l'intégrer dans une démarche artistique est un trait très représentatif du XXème siècle.  La roue tourne : au Quattrocento, la ruine foulée aux pieds était celle du paganisme et faisait allusion à la suprématie de la chrétienté et ceci était montré, par exemple, dans le Saint Sébastien (du Louvre) que Mantegna peignait.
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 Et pour ce qui est de la modernité, François de Monville était peut-être quelqu'un de très avant-gardiste : parmi les fabriques, il en existait une appelée L'Ermitage ; c'était une simple cabane de planches entourée d'arbres que Monville avait fait édifier sur un tertre artificiel, dans une zone sauvage du domaine, et qui abritait un ermite. François Racine de Monville avait loué les services d'un individu qui était payé pour jouer le rôle de l'ermite. Son contrat prévoyait qu'il ne devait ni se laver, ni se couper les ongles, ni la barbe, ni les cheveux. Ce pauvre homme ne s'acquittera de cette tâche qu'une seule année et personne ne le remplaça. Cela doit nous rappeler évidemment certaines pratiques contemporaines liées à la performance.
 


            
           
           
  (suite prochainement, j'espère)
 
 
 
 
Beaucoup d'éléments rapportés dans cet article sont le fruit de la lecture de l'excellent ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009
 
photographies personnelles sauf 3 extraite de l'ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009, p59
 
 
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  J'apprends aujourd'hui la mort de Sigmar POLKE. Grand peintre.



Commentaires

Haha, j'adore le dernier paragraphe!!! Complètement fou ce comte... 
Commentaire n°1 posté par Zoé des Zibelines pas mis à jour depuis des mois le 12/06/2010 à 23h21