Sigmar Polke Musée Frieder Burda, Baden-Baden rétrospective, jusqu'au 13 mai 2007 |
|||||||||||||
Sigmar Polke est de toute évidence un collectionneur d'images, quelqu'un qui aime les images et qui prend un grand plaisir à les triturer, les torturer afin de les interroger de mille manières. Ces images ont des sources variées et il les puise aussi bien dans la presse qu'à la télévision, au cinéma ou dans les livres (d'art, notamment). Les images de faits divers, d'actualité ou de publicité vont se mélanger à celles, plus sérieuses, de peinture de genre ou de représentations croisées dans les musées ou les livres d'histoire de l'art. Le traitement pictural va les réunir dans un trait de pinceau unificateur, une épuration ou un tramage. |
|||||||||||||
Les opérations qu'il fera subir à ces images seront multiples : hybridation, décoloration, superposition, simplification, agrandissement et bien d'autres procédés combinatoires encore. Et l'on va déceler, à travers ces manipulations plastiques, ses goûts pour d'autres artistes, anciens ou contemporains.
L'artiste Sigmar Polke a en effet des passions pour certains de ses aînés ; outre l'influence qu'exerça sur lui Joseph Beuys lorsqu'il arriva à Düsseldorf, on sent chez lui une attirance pour Picabia et plus globalement pour l'esprit Dada, une admiration pour Duchamp et bien évidemment une espèce de vénération pour les immenses références que sont Dürer, Goya ou Picasso.
|
|||||||||||||
Mais le traitement physique qu'il fait subir à ses toiles reste exemplaire. Les supports, les matériaux, les médiums y sont nombreux et surprenants. Les travaux des années 80 qui composent la grande et magnifique salle d'exposition du rez-chaussée de la rétrospective de Baden-Baden, ont vu émerger une manière toute nouvelle de préparer les supports qui font que ses tableaux deviennent des objets à la fois complexes, précieux, fragiles, sans rien de comparable à ce que l'on a déjà vu chez d'autres artistes. Cette œuvre de 1988, ci-contre, intitulée Gangster, montre son chassis à travers un support transparent et travaillé.
|
|||||||||||||
Polke a utilisé pour ce support, comme pour celui de l'œuvre présentée au début de l'article, une toile très fine recouverte de plusieurs couches de laque qui vont à la fois le rendre rigide et translucide. L'effet produit est intéressant puisque ce tissu ainsi préparé est simultanément matière (épaisseurs variées), couleurs et teintes (travaillées dans la masse), liant (pour l'intégration de différents matériaux) et support (rôle unificateur). Ce rôle important et fédérateur du support sera délibérément mis en défaut et en danger par Polke .
|
|||||||||||||
En effet, les transparences mettent à nu la structure (porteuse) de l'œuvre ; une partie du moteur est visible sous le capot transparent : une façon de rendre compte du travail qui s'est fait. En fait, Polke, là aussi, n'est pas tout à fait où l'on croit l'attendre puisque les chassis ainsi dévoilés sont loin d'être traditionnels. Ils arborent dans leur presque nudité quelque chose de l'ordre de la création... Mais c'est dans le devenir de ces objets qu'il y a péril. Leur fragilité saute aux yeux. |
|||||||||||||
La vignette ci-dessus est un détail de Gangster (en bas à droite de l'œuvre). Cette plaie dans le support ne semble pas être volontaire. Même si ce n'est pas forcément le cas de cette toile, on sait que Sigmar Polke prend des risques en travaillant ses œuvres. Cet artiste est connu pour avoir utilisé des matériaux dangereux ou interdits. La toxicité de ces produits fait partie de la démarche et son œuvre s'inscrit dans un champ expérimental. La sulfure jaune d'arsenic (l'orpiment) ou le vert de Schweinfurt, aujourd'hui impossible à trouver sur le marché pour sa dangerosité, intègrent les œuvres accrochées aux murs. Ces produits continuent à les attaquer. Polke s'inscrit ainsi dans la tradition d'une peinture du pharmakon qui est à la fois couleur, poison et remède. On a tenté d'enfermer Polke dans une pratique liée à l'alchimie, ce qu'il a récusé fermement. En revanche, sa peinture est bien corrosive et à plus d'un titre. Cet artiste n'occupe pas la boutique d'un alchimiste mais plutôt une droguerie où les images et les poudres, du fait de leur mélange produiraient des pétulances, des détonnations, des explosions d'intelligence, des feux d'artifice, des rires débridés, des ébullitions joyeuses et des merveilles plastiques. |
|||||||||||||
Illustrations : - Der Ritter II, 1992, ©Sigmar Polke, extrait du catalogue Polke, eine Retrospektive,2007, p 75 - Gangster, 1988, 300 x 200 cm Collection Reiner Speck, extrait du catalogue Polke, eine Retrospektive,2007, p 65 - photographie de l'auteur - Polke als Droge, 1968, ©Sigmar Polke, extrait du catalogue Polke, eine Retrospektive,2007, p 187 Exposition Sigmar Polke, museum Frieder Burda Commentaires |
|||||||||||||
Marcel Duchamp dont il est effectivement souvent fait référence, avant de remettre en question le musée, avec ses ready-made, a toujours maintenu une production solide, parallèllement.
En conclusion, sauf démonstration contraire, je vois en cet artiste quelqu'un de complètement surévalué, qui correpond à une esthétique du discours, mais très peu marquant par rapport à des orientations picturales "convaincantes"
c'est donc une confirmation...
à l'inverse, je viens de poster un commentaire sur l'oeuvre de Anselm Kiefer, qui, bien que se référant à l'actualité et l'histoire, montre autre chose, et notamment des oeuvres qui ont une puissance impressionante qu'on ne trouve pas du tout chez Polke... phénomène de mode....
de toute façon, c'est bien encore l'Histoire avec un grand H, qui fera le tri entre les gens importants et ceux qui sont surfaits...