mercredi 29 octobre 2014

Laurent Grasso-Soleil Double .2

Studies into the Past, Huile sur panneau de bois, cadre doré à la feuille 93,5x116,5x3cm

Le soleil double ne se conçoit pas. La gémellité hypothétique du soleil constituerait sa part mystérieuse et serait source de catastrophes. Et en effet, l'exposition de Laurent Grasso est parsemée de représentations d'événements liés à la destruction dans lesquels les éléments se déchaînent. Ces épisodes destructeurs sont datés et font l'objet de récits. Laurent Grasso va confronter des textes véritables les relatant à des peintures qu'il a faites à la manière -par exemple- des primitifs italiens, comme cette peinture dont le cadre est recouvert à la feuille d'or et dont le ciel, composé d'étoiles régulières, est organisé à la Giotto.

Studies into the Past,  (détail)
Le témoin de la scène qui apparaît dans cette peinture est loin d'être négligeable : il donne à la fois le point de vue et atteste par sa présence de la réalité des faits. Comme cela se passe de façon courante dans la peinture classique, son comportement est là pour accompagner l'émotion suscitée chez le regardeur de la scène représentée.

Studies into the Past   Huile sur chêne 20,5x23cm
Les événements viennent du ciel.  Les comètes sont annonciatrices de bouleversements. Le monde, modeste témoin, pris de frayeur, doit s'incliner. 

Fulgurite (détail de 1542, Incendie dans le ciel à Augsbourg)
Et la foudre se matérialise parfois dans ces fulgurites, ces "pierres de foudre" qui sont ces morceaux de verre extrêmement fragiles produits par les impacts qu'elle produit en percutant violemment une roche. L'objet a une forte résonance symbolique. La vérité  des hommes oscille entre les croyances et l'explication scientifique. Et l'imagerie, qu'elle soit scientifique ou religieuse, prend le relais et étend son pouvoir.

Miracle of the Sun, Fatima, 2014 Tirage Fresson sur papier métallisé argent , encadré de bois de noyer 63x83x8cm
Laurent Grasso va nous faire partager toute l'étendue de la force et du pouvoir des images. Et les époques seront mêlées afin de brouiller les pistes et sans doute d'actualiser son propos : catastrophes, guerres, fléaux naturels, faux miracles, toutes images sensationnelles mettant en scène une forme de pouvoir.

Soleil Noir, 2014  Film 16mm transféré en boucle

Le pouvoir des images c'est aussi celui du dispositif qui imposera un point de vue.  Déjà dans son exposition au Jeu de Paume en 2012, Uraniborg, l'artiste avait installé différents dispositifs destinés à montrer l'importance de la place du regard en relation aux formes incarnant le pouvoir (notamment l'architecture militaire des côtes de Carthagène -dans Silent movie- qui montrait des architectures tantôt défensives, tantôt offensives, camouflées dans le paysage sauvage du littoral). Dans cette même exposition, nous pouvions suivre le vol aléatoire d'un faucon à l'aide d'une caméra embarquée. Ici, les deux données sont mêlées : Laurent Grasso filme Pompéi -figure exemplaire de la catastrophe- à l'aide d'un drone. L'appareil est conçu initialement à des fins militaires (regard intrusif,  deshumanisé, volonté de maîtrise de captation des images, d'attaquant ou de défenseur) et les ruines sont filmées selon ce point de vue en hauteur, de façon poétique et de manière nettement moins aléatoire que le vol du faucon.

Soleil Noir, 2014  Film 16mm transféré en boucle

Cave canem... Le drone suit les traces du chien errant, chien blanc de la nuit qui trace d'un pas vif et inquiet les ruelles désertiques d'un Pompéi vidé de toute présence humaine. Inquiétante étrangeté, là aussi.

Soleil Noir, 2014  Film 16mm transféré en boucle

Le film alternera des plans -toujours filmés à partir du drone- du Stromboli ainsi que d'autres -en caméra fixe- d' agrandissements de figures animales peintes sur les fresques du site.
La surface de projection a cette fois la taille d'un mur et une nappe musicale, en boucle, est posée sur le film et traverse l'ensemble de l'exposition.

Eclipse, 2013 Néon 100cm                                   Specola Vaticana, 2014 Tirage Fresson 108x91x7,5cm
Les points de vues peuvent s'inverser, se compléter. Le ciel et son observation demeurent source d'intérêt et l'image mise en scène, divulguée, souvent signe de pouvoir. La représentation de la réalité, et notamment à l'aide d'instruments sophistiqués, peut s'apparenter -selon le contexte- à une forme de domination.

1610 IV, 2014 Néon, caisson altuglas                                   Laurent Grasso, galerie Perrotin

Je suis allé deux fois visiter cette exposition. J'ai passé pas mal de temps dans les huit salles à regarder ce travail de Laurent Grasso, à m'en imprégner. Et puis, au moment de sortir de la galerie, il était là.  Nous nous sommes croisés. J'avais encore la tête dans les étoiles.  Surpris, j'ai hésité à lui parler pour lui dire toute l'admiration que j'avais pour son travail et peut-être lui parler de choses qui m'intriguaient. Et puis les choses ne se sont pas faites. Je l'ai regretté.


voir :  Laurent Grasso-Soleil Double .1


Les photographies présentées sont des photographies personnelles, faites dans la galerie, à l'exception de celles dont l'auteur est mentionné.

6 septembre31 octobre 2014

Galerie Perrotin

76 rue de Turenne, Salle de Bal
Paris 75003 France

2 commentaires:

  1. Je suis sûre que ces étonnantes petites peintures seront une source d'inspiration pour ce cher holbein... ;-) (quand les eaux de la salle de bain couleront enfin!)

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    1. Vous semblez bien connaître ce cher holbein, demoiselle...
      Les eaux domestiques n'ont point encore fait de catastrophe et ledit holbein s'en trouve rassuré et reste confiant.

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