mardi 28 octobre 2014

Laurent Grasso-Soleil Double




Laurent GRASSO "Studies into the Past"  Huile sur bois , 92 x 110 cm, pièce unique
Photographie: Claire Dorn - Courtesy Galerie Perrotin 
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La figure du soleil double hante l'actuelle exposition de Laurent Grasso de bout en bout.  Cette figure obsédante, à la fois fascinante et inquiétante, mime celle d'un parhélie, à la manière de certains tableaux anciens.

Un parhélie, ou faux soleil, est un phénomène optique consistant en l'apparition de deux halos de chaque côté du soleil. Quelques tableaux de parhélies sont connus, parmi lesquels une peinture à l'huile suédoise, intitulée Vädersolstavlan (datée de 1636 et reproduisant un original perdu remontant à 1535) dépeignant une occurrence de ce phénomène à Stockolm. C'est à l'occasion d'une série de parhélies observés sur les cieux de Rome que René Descartes met de côté ses études métaphysiques et se lance dans l'écriture de son livre Le Monde ou Traité de la lumière (ouvrage qu'il renonce à publier de son vivant, suite à la condamnation de Galilée).
extrait du livret de l'exposition Soleil Double, texte de Teresa Castro, p7


Soleil Double, 2014, deux disques en laiton brossé

Le travail de Laurent Grasso est d'une remarquable cohérence. L'exposition qu'il avait réalisée au jeu de Paume en 2012, Uraniborg,avait été pour moi une source de plaisir tant esthétique qu'intellectuel. Ici, on retrouve les préoccupations de l'artiste, ses démarches, ses références, ses constructions mises en œuvre grâce à des dispositifs inventifs,  stimulants et soignés. Et en effet, la question du dispositif est pour lui une question dominante qui doit être un moyen mis au service d'une idée qui serait que le Réel est double : "Pour voir la réalité, déclare-t-il, il faut partir en quête de sa part mystérieuse".


Dans cette exposition, comme dans celle du Jeu de Paume en 2012, les médiums sont variés : la vidéo (présentée notamment grâce à un dispositif quasi architectural créé pour l'occasion), la peinture traditionnelle sur bois de chêne, le néon, la photographie, l'addition d'objets, de pièces de musée ou d'archéologie, des livres anciens, des sculptures de marbre, de cuivre, du son, etc.


Et voici, répété à l'envi,  ce soleil double qui créé un climat d'inquiétante étrangeté. Dans la langue quotidienne, le soleil ne supporte pas le pluriel. Ici, c'est le contraire,  tout est répété, doublé et les dispositifs du regard fonctionnent parfois même comme des doubles répétitions : le soleil double des néons - placés au ras du sol, à l'extérieur du caisson de projection- apparaît sous les images de la vidéo, elles-mêmes habitées par l'astre double et ses effets.


Le caisson de projection -Project 4 Brane- installé dans la deuxième salle d'exposition est une sorte de boîte faite de cuivre perforé d'une infinité de petits trous qui permettent de se sentir à la fois dedans et dehors. La structure  de l'objet intègre élégamment le siège tout en imposant sa place au spectateur,  à distance raisonnable et bien en face de la surface de projection. Nous retrouvons là l'intérêt que Laurent Grasso porte au problème du point de vue et à sa construction.

Studies into the Past, huile sur chêne, 19,2x29,3 cm. 

Mais ce qui anime par dessus tout  l'ensemble de ce qui est montré ici est lié à la catastrophe. De somptueux petits tableaux peints à l'huile sur bois de chêne adoptant les techniques et les différents types de représentation en cours au XVIe siècle sont alignés tout autour  de ce Project 4 Brane comme autant d'échos à l'imagerie autoritaire du pouvoir des débuts du XXe siècle montrée dans la vidéo de la deuxième salle. 

Studies into the Past, huile sur chêne, 19,2x22 cm.            Studies into the Past, huile sur chêne,

La confusion du temps opère à la fois de manière subtile et spectaculaire : ces tableaux peints par l'artiste sont d'une autre époque -d'autres  époques devrait on dire- et mettent en scène tous types de catastrophes venues du ciel ou des entrailles de la terre. Ce sont de véritables objets/peintures dont les plans sont incurvés -dans un sens ou dans l'autre- et dont les bords sont laissés irréguliers.

1556, Comète et tremblement de terre à Constantinople, Statue masculine en albâtre, tête cassée, Yémen, IIIe-Ier siècle avant J.C. Huile sur chêne, néon, noyer massif

La cohabitation d'objets d'époques et d'origines différentes,  faits de matériaux variés, certains -contemporains- mimant le passé, nous incite à voyager dans le temps, à nous questionner, à ne plus savoir exactement où se situent les frontières entre passé et présent mais également entre fiction et réalité.

vues rapprochées de la vitrine précédente

Suite de la visite demain (c'est ici)



Les photographies présentées sont des photographies personnelles, faites dans la galerie, à l'exception de celles dont l'auteur est mentionné.


6 septembre31 octobre 2014

Galerie Perrotin

76 rue de Turenne, Salle de Bal
Paris 75003 France

www.perrotin.com

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