mercredi 9 mai 2007

Jean-Luc VILMOUTH - The White Building

  Jean-Luc VILMOUTH
The White Building
Mac/Val



vilmouth1-150.jpg The White Building, c'est d'abord l'histoire étonnante d'un énorme projet architectural commandé à un architecte cambodgien, Vann Molyvan, pour la ville de Phnom Penh, au Cambodge. Il se trouve que Vann Molyvan a travailllé avec Le Corbusier. Une sorte de cité radieuse va sortir de terre.

Mais son destin d'architecture modèle sera brutalement interrompu par les tristes événements de 1975. La construction est arrêtée et le bâtiment va être occupé et habité de manière anarchique. A la chute du régime des Khmers rouges, les habitants de ce White Building restent dans les lieux. Ils ont dû aménager le bâtiment, faire arriver l'électricité, installer des conduites d'eau, des évacuations mais également procéder à tout un tas d'aménagements à la fois intérieurs et extérieurs au bâtiment afin de le rendre viable et le personnaliser.

Depuis 1975 cet édifice n'a cessé d'évoluer, de proliférer. Trois mille personnes occupent cette immense barre d'habitation. De longues lignes bleues cisaillent et cisèlent les façades : ce sont les tuyaux de PVC qui évacuent les eaux usées et que les habitants continuent à installer et à bricoler. Des sortes de micro-forêts et de dégoulinures végétales parsèment et décorent les parements gris et sales : ici la végétation  anarchique et proliférante pousse et se développe dans la moindre fissure. Des constructions en dur, sur les loggias, sont rajoutées par ceux qui logent ici au quotidien : débarras, rangements, pièce supplémentaire ou petit poulailler.
Cet ensemble fascine ; une multitude de vies parallèles, un mode grouillant, évolutif, sans norme. On a affaire à un bâtiment «auto-architecturé» qui initialement devait être une sorte d'utopie appliquée, non aboutie et qui aura soudainement pris la forme d'une création collective débridée, fonctionnelle, autonome, sans concertation.

vilmouth3-150.jpg L'artiste Jean-Luc Vilmouth, en voyage à Phnom Penh, va découvrir cet endroit extraordinaire et entamer des travaux en collabration avec des étudiants cambodgiens. Il va leur commander des dessins (1ère illustration) en leur donnant pour consigne de travailler en bleu les évacuations et en vert la végétation.
Puis, en regard de cette série de dessins, Jean-Luc Vilmouth va penser une installation (ci-dessus) faite d'étagères laquées de blanc, garnies de plantes vertes, de néons, de fils et conduits circulant au travers, de photos, de moniteurs vidéo présentant des films montrant la vie réelle des habitants, etc. Une sorte de maquette de l'édifice. Le tout renvoyant à la structure, à la forme et aux composantes de ce White Building.
                   
Cette œuvre de Jean-Luc Vilmouth est présentée au Mac/Val à Vitry sur Seine.
Jean-Luc Vilmouth a réalisé un film intitulé White Building, sur le même sujet. Ce film qui pourrait être assimilé à un documentaire, est une pièce d'une grande beauté. Vilmouth explore le lieu de façon très poétique, mystérieuse, attentive. Il y développe une esthétique fondée sur la fluidité, l'écoulement, le temps qui glisse. La caméra suit l'eau qui coule, les canalisations de couleurs mais aussi les lianes et les racines qui emprisonnent les temples d'Angkor. Un sorte de noblesse dans l'immobilité moite des lieux et des hommes silencieux juchés sur les toits. Et puis cette verdure luxuriante, ces fissures mouillées de la pierre qui abritent la vie, toujours renouvelée.
La musique qui accompagne ce voyage dans le White Building est composée par Toshinori Sato. Cette composition est à la fois sobre et magnifique.

J'ai eu la chance de voir ce film au Mac/Val et cela restera un moment fort.


A signaler un film de Rithy Panh (l'auteur de S 21, la machine de mort khmère rouge), intitulé Le papier ne peut pas envelopper la braise : ce film, que je n'ai pas vu, a également été tourné dans le White building.



                   
                   
MAC/VAL - Musée d'art contemporain du Val-de-Marne - Place de la Libération - Vitry-sur-Seine




photographies de l'auteur :

-Drawings, 2006. Vingt dessins (crayon noir, bleu et vert), une photo noir et blanc. 40 x 58 chaque ©
Jean-Luc Vilmouth
-Model, 2006. Etagères, moniteurs vidéo, lecteurs Dvd, projecteur diapo, tubes néon, plantes, tapis, photos couleur. 870 x 100 x 100 cm. ©
Jean-Luc Vilmouth,



Commentaires

Le White Building est de loin la chose la plus intéressante que j'ai vue au nouvel accrochage du MacVal. Mais comme j'ai l'esprit mal tourné, je dois dire que quelque chose me chiffonne : les très beaux dessins ont été réalisés par un seul et unique étudiant des Beaux-Arts de Pnomh Penh, dont le nom ne figure nulle part [Drawings, 2006. Vingt dessins (crayon noir, bleu et vert), une photo noir et blanc. 40 x 58 chaque ©Jean-Luc Vilmouth]. Il y a là un détournement, une atteinte au droit moral d'un artiste. Sans parler du droit pécuniaire. Car pendant que Jean-Luc Vilmouth expose au MacVal et met son nom sur l'intégralité de l'installation, le dessinateur anonyme, lui…
Commentaire n°1 posté par KA le 11/05/2007 à 13h29
Les dessins exposés ont été faits, il me semble, par plusieurs étudiants de  Phnom Penh à la demande de Jean-Luc Vilmouth. Il s’agit d’une commande avec une sorte de cahier des charges concernant notamment les couleurs.
Ce qui est étonnant, si c’est le cas, c’est l’impression d’unité de ce travail graphique.
Mais la question posée relève de la paternité de ces dessins et de leur signature (manquante).
Cela peut effectivement choquer surtout si l’on se situe dans une vision tiers-mondiste (exploitation des richesses matérielles ou intellectuelles par les occidentaux). Cette critique peut être légitime mais je crois qu’il faut se situer également dans une dimension  un peu plus singulière , celle de la production des œuvres d’art.  Rappelons, d’une part, que la notion de «signature » est relativement récente (qui a fait Notre Dame de Paris ?) et assez circonscrite au monde occidental (voir le billet que j’ai laissé sur Le style et a signature : http://espace-holbein.over-blog.org/archive-05-03-2007.html ).  D’autre part, pour ce qui concerne les pratiques de l’art contemporain, une certaine frange des artistes d’aujourd’hui n’hésitent pas à déléguer leur travail à des spécialistes hautement qualifiés, qu’ils rémunèrent   : voir le travail de Sol Lewitt, récemment décédé, ou plus proche de nous, Vim Delvoye qui choisit systématiquement les ouvriers ou les artisans les plus qualifiés dans leur domaine pour exécuter ses œuvres ; on peut ne pas être d’accord, être choqués, les pratiques évoluent et nous devons prendre acte de ces pratiques qui font partie de démarches artistiques. Je suis sûr que Jean-Luc Vilmouth a payé les étudiants pour ce travail, comme le faisait Sol Lewitt ou le fait encore Wim Delvoye.
Commentaire n°2 posté par holbein le 12/05/2007 à 19h46
                   
                   

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