mercredi 30 mai 2007

Anselm KIEFER

 
Anselm Kiefer
Chute d'étoiles
Monumenta 2007
Grand Palais
du 30 mai au 8 juillet


kiefer1-200.jpg Être poète ou être peintre ?
Anselm Kiefer a hésité. Et puis, d'une certaine façon, il n'a jamais tranché. Et l'on retrouve ces deux axes forts dans cette présentation qu'il fait de ses œuvres créées spécialement pour la nef du Grand Palais à l'occasion du nouveau rendez-vous : Monumenta.

Monumenta est un événement auquel peu d'artistes pourront participer car il s'agit bien de confronter une pratique artistique de renommée internationale à un espace, à un lieu, à une architecture extraordinaires : la nef du Grand Palais à Paris.

La démesure d'un artiste face à celle d'une architecture.

Anselm Kiefer est né en 1945, en Allemagne. La forme qu'il va donner à son travail sera en relation intime avec ses origines, son histoire. Et cette Histoire, il va l'interroger sans relâche. La nature va également le préoccuper et puis l'homme dans sa relation au monde, l'homme en général. Les mots et la poésie seront toujours présents, intégrés dans les toiles, les installations et les sculptures.

Dans cette exposition, deux poètes sont convoqués : Paul Celan et Ingeborg Bachmann qui sont deux poètes de l'engagement et de la mémoire. Les mots pour lutter contre l'oubli. Il ne s'agit pas d'occulter l'histoire de l'Allemagne mais au contraire de la retravailler et de tenter, à l'aide du langage, de forger des armes contre l'oubli et la barbarie. La question maintes fois posée et reprise par ces deux poètes est bien sûr de savoir si la création artistique (ici la littérature) est toujours possible après la Shoah.
         
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La fascination qu'exercent ces deux poètes sur Kiefer et le bouleversement produit par ces deux œuvres vont être à l'origine de pièces gigantesques faites de béton, de métaux, de plomb, de verre, de terre, de végétaux, de pâtes épaisses et de peintures, d'agglomérats de toutes sortes, de constructions écroulées, d'objets en déséquilibre, de mots forts et énigmatiques pris dans la matière, d'extraits organiques, d'écritures et de matériaux divers.
Il existait, dans l'exposition, une tour de dix-huit mètres de haut. Anselm Kiefer, après l'avoir érigée et considérant son côté factice, l'a écroulée au bulldozer, organisant ainsi un éboulis-catastrophe, souvenir d'une violence dont les traces sont les gravats que nous foulons en déambulant dans ce lieu qui nous rappelle les cicatrices de l'histoire.

L'œuvre est titanesque, tragique et mélancolique à la fois. Mais nous ne sommes pas dans le symbole. Le visiteur est dans la confrontation physique ; et comme le fait remarquer Philippe Dagen dans la plaquette de l'exposition : «Anselm Kiefer n'est pas un artiste de la représentation, mais de la présentation -de la présence serait un mot encore plus juste. Il ne peint pas dans l'espace factice de la toile, mais agit dans l'espace réel de l'atelier, de Barjac ou du Grand Palais. (...) Il ne figure pas, il matérialise. Il ne s'en tient pas à l'image ou aux symboles de la folie humaine de la destruction : il oblige à marcher entre les gravats et le long de paysages carbonisés où rouillent des carcasses.»
         
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Chute d'étoiles
est déclinée en huit zones, tantôt ouvertes tantôt closes. Certaines sont d'une exceptionnelle beauté, notamment celle dédiée au Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline. On y voit une accumulation d'immenses tableaux faits de matériaux composites et de peinture montrant des mers démontées et des naufrages. La bibliothèque de livres de plomb est somptueuse également.
L'œuvre est impressionnante ; l'acte artistique est fort, à la mesure du lieu.
Le triste souvenir de la Force de l'Art et de l'inadéquation de ses modules au volume du lieu de présentation n'est plus qu'un mauvais souvenir. La preuve que l'on peut réussir.
         
« (...) Est sublime ce en comparaison de quoi tout le reste est petit.»

Emmanuel Kant

photographies de l'auteur

Monumenta, au Grand Palais, du 30 mai au 8 juillet 2007



Commentaires



J'en reviens, Anselm Kiefer est un immense artiste. Je me demandais bêtement à l'écoute de ses interviews pourquoi il contruisait des maisons pour ses oeuvres, c'est que tout simplement cela répond à une nécessité, le fait d'être isolées et magnifiées, les rend encore plus impressionnantes, je viens de mettre 3 s, tant je suis "emballée" . Il allie une réflexion profonde, à beaucoup d'humanité, de profondeur, de romantisme à une culture immense, dans son travail.  Je n'ai qu'un regret de n'avoir pas eu mon apn.
Commentaire n°1 posté par Elisabeth le 20/06/2007 à 23h55
On ne peut qu'être enchanté par cette visite; c'est impressionnant.
Commentaire n°2 posté par holbein le 21/06/2007 à 17h25
Kiefer, montre une  grande puissance e t sensiblilité  dans  ses  créations  (  l'association n'est pas  gagnée d'avance)...  le  rapport  avec  les blockhaus  détruits,   les  accumulations  se référant directement aux camps  de  la mort,  ses perspectives  lourdes,  montre  son attachement  à l'histoire,  mais  toujours  sous tendu par une grande  force  dans  ses  réalisations.  ( ce qui n'est pas le cas  de tout le monde  quand  on prend  l'actualité ou l'histoire  comme prétexte).
Commentaire n°3 posté par chabriere le 04/03/2010 à 14h42
         
         

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