Chimères | |||||
Au cours des vacances d'été 1980, dans une lugubre demeure transformée en bed and breakfast de la côte
escarpée de Cap Wrath, au nord de l'Écosse, mon ami Pere Formiguera et moi fîmes la découverte d'étranges archives. C'était au cours d'un après-midi déprimant, je m'en souviens ; une
pluie torrentielle nous empêchait de sortir et, je ne sais plus pour quelle raison, nous descendîmes dans la cave. La vue de ce réduit humide et malodorant éveilla notre curiosité, avides de trésors oubliés. Sur des étagères voilées de
toiles d'araignées étaient empilés des cahiers et des feuillets couverts d'annotations en allemand, des plaques photographiques et des contacts déjà jaunis, des instruments de
dissection et des flacons de formol ; éparpillés sur le sol, quelques animaux empaillés qui donnaient la chair de poule. |
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Les deux jours suivants, quoiqu'il fît un soleil splendide (un cadeau du Ciel dans ces régions), nous n'abandonnâmes pas cet antre, véritable caverne d'Ali Baba des sciences naturelles, émerveillés par le contenu des photographies et attelés à déchiffrer des textes énigmatiques.
C'est ainsi que nous arrivâmes à la conclusion que leur auteur était un zoologiste de l'école néodarwiniste
qui s'était plongé, durant trente ou quarante ans, dans de précoces études tératologiques. Son nom était Peter Ameisenhaufen (...). |
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Joan FONTCUBERTA, Fauna, LE BESTIAIRE INCROYABLE DU PROFESSEUR AMEISENHAUFEN (début du texte figurant dans l'exposition) |
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C’est donc au cours de vacances en Écosse avec son ami Pere Formiguera que Fontcuberta découvre, entassées dans la cave du bed and breakfast où la pluie les avait reclus, les archives de Peter Ameisenhaufen (1895-1955). Tout au long de sa carrière et avant de disparaître mystérieusement, ce zoologue un peu particulier aurait amassé, avec l’aide de son collaborateur Hans von Kubert, une documentation considérable sur des animaux non encore répertoriés par la science. |
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Les archives réunissent des notes manuscrites, des photos d’expériences réalisées en laboratoire, des spécimens empaillés… | |||||
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On y trouve des bestioles aussi diverses que le Solenoglypha Polipodida (6) , un serpent pourvu de pattes qui vit dans le Nord de l’Inde ; le Micostrium Vulgaris (7) , sorte de coquillage pourvu d’un bras dont la fonction est d’assommer les poissons composant l’essentiel de sa nourriture ; | |||||
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ou encore le Centaurus Neandertalensis (1, 8, 9) , avec son buste de babouin monté sur un corps de chèvre. Toutes ces créatures sont bien sûr des chimères fabriquées par un taxidermiste, d’après les instructions des artistes. Les archives du professeur ont été réunies dans une installation intitulée Fauna, qui a été initialement présentée dans un muséum d’histoire naturelle. | |||||
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L'affaire est sérieuse : la suite demain. |
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En attendant : voir, ou revoir, la série Herbarium de Joan FONTCUBERTA |
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Le contenu de cet article est en grande partie fait d'emprunts au catalogue de l'exposition Joan
Fontcuberta.Sciences-Frictions qui a été présentée du 9 avril au 3 octobre 2005 au Musée de l'Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie (Nathalie Parienté, commissaire de
l'exposition). |
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site de Joan Fontcuberta | |||||
photographies :
1 : le professeur Ameisenhaufen examinant le Centaurus Neandertalensis
2 : les archives Ameisenhaufen telles qu'elles furent découvertes par Fontcuberta et Formiguera en 1980
3 : Wilhelm Ameisenhaufen vers 1900 4 : vitrine d'archives, exposition Sciences-Friction, Mantes-la-jolie, 2005 (photo personnelle) 5 : vitrine d'archives, exposition Sciences-Friction, Mantes-la-jolie, 2005 (photo personnelle)
6 : Solenoglypha Polipodida, position d'attaque 7 : le Microstrium Vulgaris joue avec le professeur Ameisenhaufen 8 : le professeur Ameisenhaufen et le Centaurus Neandertalensis dans une attitude amicale 9 : le professeur Ameisenhaufen et le Centaurus Neandertalensis 10 : vitrine d'archives, exposition Sciences-Friction, Mantes-la-jolie, 2005 (photo personnelle) 11 : accrochage, exposition Sciences-Friction, Mantes-la-jolie, 2005 (photo personnelle) |
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