samedi 30 septembre 2006

Loretta LUX

Loretta lux
corps et paysage

 La  petite fille  dont le regard s’oublie dans une sorte de mélancolie pose soigneusement au centre d’une photographie et d’un paysage étrangement symétrique. Le ton laiteux du visage vaguement bouffi est un écho au moutonnement du ciel. On peut difficilement ne pas remarquer que la petite fille de The Rose Garden est vêtue très exactement des couleurs roses et vertes du jardin qui l’entoure. Ce vêtement est très soigné, lui aussi ;  les plis tombent parfaitement, la boucle de la ceinture brille, les broderies accusent la symétrie. Mais la tête est ébouriffée.
  Loretta Lux est une artiste née en 1969 à Dresde et qui a grandi dans cette ville de l'ex-République Démocratique Allemande. Elle y a étudié la peinture et s'est tournée tardivement vers la photographie.

  Le choix de cette artiste va obligatoirement en incommoder certain(e)s, mais également en plonger d’autres dans le ravissement, l’émerveillement, le trouble. Car en effet, il se passe indéniablement quelque chose d’un peu inhabituel lorsque l’on commence à regarder ces images. Le dispositif est sobre : une figure, parfois deux, toujours des enfants (à quelques rares exceptions près), disposés sur un fond, également d’une assez grande sobriété. Il s’agira d’un paysage souvent discret, résumé quelquefois à une simple ligne basse et répétitive, ou d’un intérieur rigoureux et dépouillé.  Les sujets posent apparemment très simplement. Quelques accessoires apparaissent parfois. Alors comment expliquer ce trouble ?
   L’inquiétante étrangeté domine. Nous avons sans cesse l’impression de faire face à des individus proches et lointains, réels et fabriqués, à la fois. Les enfants photographiés sont de vrais modèles qu’elle sollicite dans son entourage. Elle les contraint à adopter des poses figées, académiques en refusant le naturel. Les visages évitent systématiquement le sourire ou la moindre expression qui traduirait une proximité de pensée ou tout simplement un échange affectif. Les regards sont absents ou ailleurs.
  Loretta Lux va habiller ses modèles comme on habille des poupées.  Ces vêtements un peu empesés, d’une autre époque, d’un charme un peu fané, semblent être là pour que les enfants les habitent. Puis loretta Lux va installer ces "poupées" ,  qu’elle aura préalablement très légèrement déformées numériquement,  sur des fonds importés qui seront des paysages épousant la couleur de ses sujets ou des  intérieurs factices travaillés de la même façon. L’élargissement léger de la taille de la tête ou des yeux, le rétrécissement discret du corps ou de l’envergure des épaules vont conférer à ces modèles une allure étrange.
  Loretta Lux se situe à la marge. Le monde dans lequel elle a vécu (son paysage mental), sa connaissance des maîtres anciens, mais aussi de l'esthétique du réalisme socialiste qu'elle a fréquenté, doivent contribuer vraisemblablement  à l'émergence de formes proches d'une sorte d'enchantement désenchanté.
liens sur Loretta Lux :
*site de Loretta Lux
*Yossi Milo Gallery
*Photoarts.com*rétrospective au Fotomuseum den Haag, 2006
photographie 1  : "The Rose Garden" Ilfochrome  © 2001 Loretta Luxphotographie 2  : "The Blue Dress" Ilfochrome  © 2001 Loretta Lux

Commentaires

Curieuses petites poupées aux regards absents. si lointains et si proches à la fois... auraient -elles quelque chose à nous dire dans ce silence oppressant ?  Serait-ce le "Shining" ?
Commentaire n°1 posté par Cendre le 02/10/2006 à 09h41
Peut-être, peut-être...
Voir, chronique sur le double (photogramme de Shining) :

samedi
17 juin
Commentaire n°2 posté par holbein le 02/10/2006 à 22h38
Diane Arbus...

La gémellité peut être fascinante. Nous avons tous plus ou moins une double personnalité. Les gémeaux, eux, sont doublement doubles.

Et faisait peur il y a deux siècles. On croyait qu'ils étaient l'oeuvre du malin...
Commentaire n°3 posté par Cendre le 04/10/2006 à 12h24

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