mardi 30 janvier 2007

NICEPHORE le Patriarche

L'Image



Si l'on supprime l'image, ce n'est pas le Christ mais l'univers entier qui disparaît.

Nicéphore le Patriarche

cité par Régis DEBRAY dans
Vie et mort de l’image, Éditions Gallimard, 1992
 p 75


lundi 29 janvier 2007

Franz KAFKA

L'Image

4 mai

Sans cesse l'image d'un large couteau de charcutier qui, me prenant de côté, entre promptement en moi avec une régularité mécanique et détache de très minces tranches qui s'envolent, en s'enroulant presque sur elles-mêmes tant le travail est rapide.

Franz Kafka
Journal de Kafka
année 1913
Éditions Bernard Grasset, Paris,1954 (réédition 1977), p 275

dimanche 28 janvier 2007

W.J.T. MITCHELL

L'Image


La différence la plus fondamentale entre les mots et les images semblerait être la frontière physique, «sensible», entre les domaines de l’expérience visuelle et auditive. Quoi de plus fondamental que la nécessité brute de la vision pour juger d’un tableau, et de l’ouïe pour comprendre le langage ? Même le légendaire fondateur de la tradition d’ut pictura poesis, Simonide de Céos, reconnaît qu’au mieux, «la peinture est poésie muette». La peinture peut aspirer à l’éloquence des mots, mais elle ne peut parvenir qu’au genre d’articulation du langage dont disposent les sourds-muets, le langage des gestes, des signes et expressions visibles. La poésie, en revanche, peut aspirer à  devenir une «image parlante», mais il serait plus exact, pour qualifier ce qu’elle parvient réellement à être, de reprendre la formule de Léonard de Vinci : un genre de «peinture aveugle». Les «images» de la poésie peuvent parler, mais nous ne pouvons pas les voir réellement.

W.J.T.  Mitchell
Iconology
University of Chicago Press
Chicago et Londres, 1986, p 116

samedi 27 janvier 2007

Marie-José MONDZAIN

L'Image

La mimésis est l'acte par lequel l'image rejoint l'image, puisque c'est l'image qui est le prototype. L'image s'est faite chair. Dès lors, que sera la chair de nos images ?

Marie-José Mondzain
Image, icône, économie
Éditions du Seuil, Paris, 1996, p 112



Commentaires

-Tout d’abord, si comme l’énonce Bergson, il y a image lorsque j’ouvre les yeux et éclipse de cette dernière lorsque je les clos, semble-t-il, quelque chose de l’image était déjà mis en place avant cela comme condition même de la visibilité pour le sujet. L’image comme source où s’origine la possibilité de voir. 

> la psychanalyse et l’enfant, la construction de la subjectivité. Freud et la notion d’image intra-utérine qui se forme à partir de ressenti cinesthésique. Dolto et la notion d’image inconscient du corps. Lacan et le stade du miroir.

> la phénoménologie, Merleau-Ponty les rapports sujet/monde, sujet qui se voit et qui est vu, qui se voit voyant, se voit être vu etc.
Commentaire n°1 posté par pop corn le 27/01/2007 à 11h42

vendredi 26 janvier 2007

Grégoire Le Grand

L'Image


Adorer une image est une chose ; apprendre en profondeur, au moyen des images, une histoire vénérable en est une autre. Car ce que l’écriture présente au lecteur, les images le présente aux illettrés, à ceux qui ne peuvent percevoir que visuellement parce que, dans les images, les ignorants voient l’histoire qu’ils devraient entendre et ceux qui ne connaissent pas leurs lettres découvrent que, d’un certaine manière, ils peuvent lire. Par conséquent, et surtout pour les gens du commun, les images sont l’équivalent de la lecture.

Pape Grégoire Le Grand (VIe s)
Synode d’Arras, chap XIV, In Sacrorum Nova et Amplissima Collectio,
Éd. J.D. Mansi, Paris et Leipzig, 1901.
Cité par Umberto Eco dans Il problema estetico di Tommaso d’Aquino, Fabbri, Milan, 1970

jeudi 25 janvier 2007

Hervé GUIBERT - L'image

L'Image


Je ne saurais pas vous dire cela plus simplement : l'image est l'essence du désir, et désexualiser l'image, ce serait la réduire à la théorie...

Hervé Guibert
L'Image fantôme
Éditions de Minuit, 1981, p 89


Commentaires

Tiens, ça me rappelle ce qu'on disait il y a peu..
Commentaire n°1 posté par pop corn le 26/01/2007 à 22h38

mercredi 24 janvier 2007

David SHRIGLEY - Yvon Lambert

David Shrigley
galerie Yvon Lambert, jusqu'au 27 janvier


Organisation de la vie d’artiste : « Je me lève vers 9.00 du matin, je me couche à minuit et entre-temps je suis éveillé. » (dixit David Shrigley).
 
Le 24 octobre, j’écrivais dans un billet intitulé Hate :
«David Shrigley est un type de près de deux mètres de haut. Une vision de périscope déformant sur le monde. Artiste écossais déguisé en panoptique-déconnant, il joue les raccourcis féroces et organise les dérèglements. Fout des courts-circuits dans les images à l'aide des mots (ou c'est peut-être bien le contraire ; ou l'inverse du contraire, ou le contraire dans l'autre sens. Justement, à ce propos, le non-sens c'est  son affaire).»
 
D.S. c’est ça. Mais c’est encore totalement autre chose. Les dessins qu’il accroche aux cimaises des galeries sont maladroits. Mais une maladresse d’une grande maîtrise. La maladresse élevée au rang de savoir-faire !
Il écrit dans ses dessins. Parfois l’écriture remplace complètement le dessin. C’est mal écrit. Les mots sont raturés, biffés, hésitants, ratatinés au bout de la page. Et ce qu’ils racontent ces mots c’est amusant et franchement sinistre à la fois,….quelquefois («des fourmis baisent dans ta bière»). C’est tendre et laid, d’autres fois («viens jouer à saute-mouton»).
C’est souvent étrange et décapant. Nos petites phobies d’enfants que l’on traîne jusque dans nos têtes d’adultes, il les épingle, mine de rien. Nos petites habitudes étriquées de la mince folie du quotidien, tiens, tiens…non, ce petit avorton mal foutu, aux orbites creuses, aux bras d’insecte, ça ne me ressemble pas (ouf !). C’est inquiétant, radical et léger. Une cruauté de l’ordinaire. Un banal de l’absurde. Des traits grossiers qui capturent le bancal. Mais ça fait rire.




Ca fait rire comme ce petit film d’animation très court, projeté au sous-sol de la galerie (Le Studio) : la petite histoire cruelle et décalée d’un type qui va à la laverie et met son cheval dans la grosse machine à laver. Le gérant lui fait remarquer le panneau : pas de chevaux dans les machines à laver ou dans les sèche-linge». Lui, ne veut pas interrompre le cycle de lavage pour ne pas perdre son argent. Menace du patron, etc.
Le dessin est le même, enfantin, mal proportionné, d’une radicalité dans la simplicité. En revanche le son est extrêmement soigné.
C’est drôle. Absurde et drôle.


Ce type ne peut pas le faire exprès. Mais bien sûr qu'il le fait exprès. Ou plutôt, peut-être qu’il ne peut pas faire autrement, alors il en remet ; il cultive le raté, l’énorme, le mal foutu, le trait grossier, à l’image de ce qu’il raconte sur son incapacité à bien dessiner les femmes dans le magazine berlinois Mono.kultur : « C’est bien plus facile de dessiner des avortons que des gens très beaux. Je ne suis pas doué pour dessiner les femmes ; du coup j’ai fini par dessiner beaucoup d’hommes difformes.»
David Shrigley sévit à nouveau chez Yvon Lambert : YOU AGAIN ! Et c'est un réel bonheur.
photographies de l'auteur



A la galerie Yvon Lambert (Le studio) jusqu'au 27 janvier 2007



mardi 23 janvier 2007

Paul VIRILIO

L'Art à perte de vue

Avant le visible, il y a le caractère profane du pré-visible, mais, après le visible, ne subsistent que l'imprévisible, l'inattendu et la révélation de l'accident de la connaissance.

Paul Virilio
L'Art à perte de vue
Éditions Galilée, 2005, p 102





Commentaires

Le monde de demain, quoiqu'il advienne nous appartient, la puissance est dans nos mains, alors écoutes ce refrain, N.T.M.
Commentaire n°1 posté par rodolphe le 30/07/2007 à 21h34
La conscience de l'inconscience de la vie est le plus viel impôt payé à l'intelligence
F. Pessoa - Fragments d'un voyage immobile
Commentaire n°2 posté par Ch le 31/07/2007 à 22h05
Bel aphorisme de Pessoa...
Commentaire n°3 posté par holbein le 02/08/2007 à 09h29

lundi 22 janvier 2007

Gary HILL - Frustrum

         Gary Hill

Fondation Cartier, Paris
L’espace est plongé dans une sorte d'obscurité vague. Le son est fort, aléatoire, et nous parvient déjà de l’autre salle. Un son de claquement, vif, très puissant et sec. Agressif .
Le dispositif que nous découvrons en entrant dans l’espace de Frustrum  est imposant aussi bien du point de vue de sa forme, de son format que de sa thématique :
 Un immense aigle brun, image de synthèse animée, gesticule, emprisonné dans un pylône électrique placé à l’exact milieu d’un vaste et impressionnant  écran à fond noir. Image parfaite, métallique, symétrique. Deux cables électriques sont tendus de chaque côté de ce triangle de métal. L’aigle se débat, bouge la tête, frappe de ses ailes les cables qui ondulent violemment et dangereusement en produisant un bruit énorme, une sonorité d’une égale violence de celle que nous voyons dans cette image projetée. Des bruits de fouet, qui claquent, amplifiés, inquiétants, assourdissants.
Un très large bassin fait face à cet écran : une surface d’huile noire reflète l’image de l’aigle qui à chaque claquement va voir son reflet se déformer réellement et de manière subtile du fait de l’onde sonore strillant l’espace.
Une lumière dorée, d’un jaune incandescent, un rectangle chaud et vif, une parcelle  de beauté étrange se détache au centre de cette mer d’huile noire et rectangulaire. Il s’agit d’une sculpture en or. Du bord du bassin, l’on perçoit un texte inscrit dans le métal précieux ; un texte illisible.
Le petit escalier latéral qui mène à l'étage supérieur nous conduit directement à l’écran qui révèle l’image en gros plan de cette sculpture d’or, nous permettant ainsi de lire ce qui y est gravé :


FOR EVERYTHING WHICH IS VISIBLE IS A COPY OF THAT WHICH IS HIDDEN



Il s'agit là d'une installation somptueuse, d'une grande puissance alliant les sens à l'intelligence. Cette œuvre, d'une rigueur, d'une exigence impressionnantes, qui utilise des matériaux symboliquement forts, exerce une énorme pression sur l'imaginaire. Ses conditions de réception sont extrêmement bien pensées.

La Fondation Cartier présente deux installations de Gary Hill, spécialement produites par l'artiste pour la circonstance. L'une est Frustrum, l'autre s'intitule Guilt, une sorte de jeu sur le point de vue et la symbolique, mettant en scène des lunettes astronomiques pointées sur des pièces d'or.

Une autre artiste est présentée en ce moment boulevard Raspail : il s'agit de Tabaimo, une jeune artiste japonaise.

Ces expositions se terminent le 4 février 2007.










photographies extraites du site de la Fondation Cartier et du site paris-art.com











dimanche 21 janvier 2007

Agnès VARDA -Panthéon

         Agnès Varda au Panthéon

Une création d'Agnès Varda, qui est une commande publique du ministère de la Culture.
L'installation, pratique de l'art contemporain , née à la fin du  XXe siècle, officiellement admise pour la célébration d'un événement à caractère historique, important et grave. Les formes que prennent les pratiques artistiques sont intégrées par l'institution.
  
"Les Justes" de la cinéaste Agnès Varda au Panthéon

L'hommage de la Nation rendu le 18 janvier par le président de la République aux Justes de France au Panthéon est concrétisé par une inscription dans la crypte, et une création artistique, dans la nef, qui a été confiée à Agnès Varda. Le public est invité à venir découvrir l'une et l'autre, du 19 au 22 janvier, de 10 heures à 17 heures. L'entrée est gratuite.
Autant que le texte officiel, l'installation de Varda incite au recueillement. Au coeur de l'édifice, des centaines de photographies sont posées à même sur le sol, ou dressées comme des livres ouverts. Ce sont des portraits de certains de 2 600 Justes de France identifiés, ces hommes et ces femmes qui sauvèrent des Juifs des camps d'extermination, ou tentèrent de le faire, bravant les risques encourus. Au milieu de ceux dont les noms sont écrits, on trouve des visages non identifiés, qui représentent les anonymes, les Justes inconnus.

Surplombant ce majestueux plateau circulaire, quatre écrans sont accrochés, qui diffusent tous les quarts d'heure un double film de dix minutes. D'où que l'on soit, on voit deux de ces écrans, diptyque évoquant l'Occupation allemande, les rafles, fuites, mises à l'abri d'enfants menacés. D'un côté, une version en noir et blanc, comme un film d'époque, de l'autre la même version en couleur. Pas tout à fait la même version, en fait. Agnès Varda filme les mêmes scènes mais en changeant d'angle. La version couleur est dotée d'inserts, troncs d'arbre, pierres usées, portes entrouvertes.

Ponctuellement, on voit sur un écran le visage d'un Juste, et sur l'autre écran le visage du comédien qui l'a évoqué. Le travail d'Agnès Varda est magnifique. Le double film fait éprouver des "sensations fragmentées", percevoir les approximations de la mémoire. Varda assène des images-clés (croix gammée, bottes, étoile jaune, tampons administratifs), des sons (chiens, sifflets, train), privilégie les gestes (un prêtre signe un certificat de baptême), des lieux (caves, greniers, fermes). Jusqu'à cette fin, poignante, suggérant que certains furent dénoncés.


Jean-Luc Douin
Article paru dans l'édition du Monde  du 20.01.07




La scénographie et les écrans diffusant l'œuvre d'Agnès Varda resteront en place 3 jours pendant l'ouverture gratuite au public du Panthéon.
photographies de l'auteur

samedi 20 janvier 2007

Marcel BROODTHAERS - Monde poétique

(carte du )


Marcel Broodthaers :

Carte du Monde Poétique, 1968
Papier sur toile.
Signé et daté en bas à droite.
116 x 181 cm
© VBK, Wien 2006
 


«Toute réussite d'image met en défaut la théorie.»


Marcel Broodthaers
 déclaration que l'on retrouve en exergue de plusieurs de ses expositions *
photographie :
Marcel Broodthaers
extraite du site du Kunsthaus Graz


*
cité par Bernard Marcadé dans Il n'y a pas de second degré-Remarques sur la figure de l'artiste au XXe siècle, Éditions Jacqueline Chambon, 1999, p 45


vendredi 19 janvier 2007

Marcel BROODTHAERS - La Pluie.

     Marcel Broodthaers
La pluie (projet pour un texte)

Il s'agit d'un petit film de Marcel Broodthaers d'une durée de deux minutes, tourné en 16 mm. (photogrammes du film ci-dessus)
Il s'intitule La Pluie (projet pour un texte).
Daté de 1969 /2' /16mm/nb/ silencieux.

Dans cet autoportrait l'artiste essaie d'écrire un texte sous une averse et finalement renonce, tandis que l'écriture, délayée par la pluie qui tombe, se transforme en dessin. On est dans l'absurde et la poésie.

Ce film est présenté dans l'exposition Le Mouvement des images au Centre Georges Pompidou, jusqu'au 29 janvier.
 

jeudi 18 janvier 2007

Marcel BROODTHAERS

Objets, mots




Marcel Broodthaers :
Fémur d'homme belge et Fémur de la femme francaise (1964/65),

© VG Bild-Kunst, Bonn 2005
 

Irmeline Lebeer :
Les objets fonctionnent-ils, chez vous, comme des mots ?
Marcel Broodthaers :
J'utilise l'objet comme un mot zéro.  *

* déclaration de Marcel Broodthaers de 1974


Irmeline Lebeer
L'art ? C'est une meilleure idée ! -entretiens-
Éditions Jacqueline Chambon, 1997, p 149
photographie :
- Marcel Broodthaers
extraite du site : Image&Narrative



Commentaires

L'idée fait son chemin... ;-)
Commentaire n°1 posté par holb le 19/01/2007 à 09h22
Sans doute un hommage à Nougaro :
"Armstrong, un jour, tôt ou tard On n'est que des os Est-ce que les tiens seront noirs ? Ce serait rigolo"
Non ?????
;-)
Commentaire n°2 posté par laurence le 18/01/2007 à 13h45


mercredi 17 janvier 2007

Marcel BROODTHAERS - Andy WARHOL

Animaux et Marilyns
ni vrai ni faux
Marcel Broodthaers : Les animaux de la ferme, 1974, lithographie.
(penser à lire la légende sous chaque animal)

Andy Warhol : Marilyn, sérigraphie sur toile, 1964.

  L'ironie possède une dimension d'autocritique, bien dans la tradition belge de Broodthaers ou Panamarenko. Les moules et les frites de Marcel Broodthaers constituent bien l'antidote ironique et provinciale aux boîtes Campbell's soup et de Coca-Cola du Pop Art américain alors régnant, mais ils se font aussi, du même coup, les emblèmes du refus européen de toutes les formes et d'héroïsme et d'impérialisme artistiques.



Bernard Marcadé
Il n'y a pas de second degré-
Remarques sur la figure de l'artiste au XXe
siècle
Éditions Jacqueline Chambon, 1999, p 248
photographies :
- Marcel Broodthaers
Les animaux de la ferme A, 1974, lithographie,
82 x 61 cm
Heidelberg, Editions Staeck. Groeningemuseum, Brugge. photo: J. Termont m


- Andy Warhol :
 Marilyn,
sérigraphie sur toile, Galerie Leo Castelli, New York, 1964.



Commentaires

J'ai un gros faible pour la Maserati et la Chrysler. A côté de ces superbes bovins, les Marilyn coloriées de Warhol ressemblent à des papillons épinglés dans une boîte d'entomologiste. Je ne connaissais pas Broodthaers, merci pour cette savoureuse découverte !
Commentaire n°1 posté par Caroline le 17/01/2007 à 18h13
Marcel Broodthaers est quelqu'un que j'aime beaucoup. Très décapant. Joue avec les mots. Pas belge pour rien... Il est bien dans cette tradition.
Il y a actuellement un petit film de lui dans l'exposition «Le mouvement des images». Très beau. Poétique et drôle. Ca s'appelle «La pluie».
Commentaire n°2 posté par holbein le 17/01/2007 à 23h37



mardi 16 janvier 2007

Andy WARHOL - Marcel BROODTHAERS

Soupes et moules
ni vrai ni faux


Les soupes sont fausses, les moules sont vraies.

Andy Warhol :  boîte de
soupes Campbell, sérigraphie sur toile, 1964.
Marcel Broodthaers : Casserole et moules fermées, assemblage, 1964.

  L'ironie possède une dimension d'autocritique, bien dans la tradition belge de Broodthaers ou Panamarenko. Les moules et les frites de Marcel Broodthaers constituent bien l'antidote ironique et provinciale aux boîtes Campbell's soup et de Coca-Cola du Pop Art américain alors régnant, mais ils se font aussi, du même coup, les emblèmes du refus européen de toutes les formes et d'héroïsme et d'impérialisme artistiques.



Bernard Marcadé
Il n'y a pas de second degré-
Remarques sur la figure de l'artiste au XXe
siècle
Éditions Jacqueline Chambon, 1999, p 248
photographies :

- Andy Warhol, Campbelll's soup,
sérigraphie sur toile, Galerie Leo Castelli, New York, 1964.

- Marcel Broodthaers
Casserole et moules fermées sculpture :coquilles de moules, pigment et résine de polyester sur pot en métal peint, 305 x 279 x 248 mm,1964, Tate Gallery


Commentaires

On parle de la soupe, j'espère ?  ;-)
Commentaire n°1 posté par holbein le 17/01/2007 à 23h42
Le prêt à bouffer du bouffon du roi !
Commentaire n°2 posté par Cendre le 17/01/2007 à 13h32


lundi 15 janvier 2007

Wim Delvoye 2.

Panem et Circenses III
ni vrai ni faux
Wim Delvoye est un artiste qui produit généralement des œuvres drôles, surprenantes, et d'une grande exigence technique. Une sorte de contagion se produit d'un objet à l'autre dans ses réalisations : ici nous identifions clairement les cages d'un terrain de football.
L'objet est courant, voire trivial.
Mais cet objet si courant, auquel nous dédions une fonction évidente, non négociable, est décoré, tapissé le plus soigneusement possible de vitraux. Des vitraux véritables, fabriqués par de véritables artisans. On connaît la fonction attribuée aux vitraux, leur dimension sacrée, liée à un espace voué au recueillement, associée à un lieu de culte. Confrontation de deux mondes, de deux fonctions à priori éloignées : la dimension sacrée est abolie (...?) du fait de la présence de l'objet sportif ; la dimension sportive l'est également puisque la violence de la balle pénétrant dans l'espace des cages ne laissera aucune chance aux vitraux qui rendra, de toute façon, dangereuse (et aberrante) la pratique de ce sport d'équipe...

En transformant une planche à repasser en écusson, en tatouant une peau de cochon, ou de poulet, l’artiste ne fait pas simplement œuvre provocatrice. Ces gestes ouvrent un espace pour la signification, ils rendent visibles l’impensé de formes et de fonctions épuisées par leur usage. Ainsi ces buts de football aux allures de vitraux de brasserie ou d’église soulignent le caractère quasi religieux du football mais aussi leur dimension sexuelle («Ce but, c’est pour pénétrer. C’est quelque chose qu’on traverse, qu’on perce *…»)



Bernard Marcadé
Il n'y a pas de second degré-
Remarques sur la figure de l'artiste au XXe
siècle
Éditions Jacqueline Chambon, 1999, p 246

* «Wim Delvoye : entretien avec Nestor Perkal» in Vim Delvoye, Musée départemental de Rochechouart, 1995, p 23
photographie :

-Wim Delvoye, Panem et Circenses III, 1989,
métal peint, verre transparent et coloré, verre coloré peint, plomb,
209 x 304 x 110 cm, FRAC des-Pays-de-la-Loire
,
©Wim Delvoye extrait du site exporevue.com



Commentaires

J'avais jamais vu le foot sous cet angle.... dommage que la coupe du Monde soit passée ;-)
Commentaire n°1 posté par laurence le 15/01/2007 à 10h29
Ces temps-ci, je fais équipe avec les Belges  : j'adore leur façon de voir les choses !  :-)
Commentaire n°2 posté par holbein le 15/01/2007 à 18h34

dimanche 14 janvier 2007

Wim DELVOYE

Cloaca
ni vrai ni faux
«Arrhe est à art ce que merdre est à merde».Marcel Duchamp

Un petit emballage translucide et soigné. Quelques indications extérieures à la fois manufacturées et manuscrites. Ce que contient cet emballage est manifeste. Nous savons tous ce que c'est. C'est «naturel».
 Et bien non, précisément. Cet excrément est confectionné de la manière la plus artificielle possible. Il s'agit du produit d'une machine à fabriquer du rebus organique, un «cloaca». La machine est perfectionnée et fonctionne très bien. C'est l'œuvre d'un artiste belge, Vim Delvoye qui est l'auteur d'un certain nombre d'autres œuvres très étonnantes et qui nous font réfléchir sur nos pratiques et la représentation des objets qui nous entourent.

  Nombre d’œuvres de Wim Delvoye restent d’ailleurs hantées par la question de l’analité : la série des Chantiers met en scène des canalisations souterraines joliment présentées sur des piédestaux en céramique, et surtout la mosaïque réalisée par l’artiste pour la Documenta IX de Kassel en 1990-1992, utilisant comme motif l’image des excréments de l’artiste. (…) Beaucoup d’artistes de notre temps se sont intéressés au «régime intestinal» de l’art, partie prenante de cette «recherche de la fécalité», caractéristique pour Antonin Artaud des fondements théologiques de notre humaine condition.
Cette perspective possède en effet l’avantage de replacer, généalogiquement, la question du jugement et du goût dans la sphère où elle s’est physiquement constituée : celle du corps, et plus singulièrement encore, celle de ses orifices réputés les plus honteux. Freud l’a brillamment démontré, la primauté occidentale du visuel s’est instaurée sur le refoulement de l’olfactif.



Bernard Marcadé
Il n'y a pas de second degré-
Remarques sur la figure de l'artiste au XXe
siècle
Éditions Jacqueline Chambon, 1999, p 246
    
 Wim Delvoye fait généralement des choses surprenantes, d'une grande exigence  technique et toujours drôles. Nous en reparlerons.
photographie :

-Cloaca
©Vim Delvoye extrait du site cloaca.be


Commentaires

j'aime bien la fusée gothique, la machine à fabriquer des excréments.
c'est Jules Verne, tout ça.
voyage dans le temps et inventivité.
Commentaire n°1 posté par wattiaux lyse le 10/06/2009 à 00h33

samedi 13 janvier 2007

Robert LONGO

 Robert Longo
ni vrai ni faux
 «On dirait que tu serais mort, mais en fait, ce serait pour de faux» *
Grands dessins. Très grands dessins au fusain et crayon. Dépassent l’échelle 1. Et contrairement aux apparences, ça n’est pas de la photographie. Et on n’est pas non plus dans l’hyperréalisme des années 70.
Robert Longo est inspiré par le cinéma. Les grands films (américains notamment, mais pas seulement car Rainer Werner Fassbinder l’a pas mal  inspiré également).
En fait, surtout les films où «ça meurt beaucoup». De mort violente. C’est le geste, la posture du moment qui l’intéressent, Longo. Et, pour diriger ses modèles, il s’y prend, comme le ferait un cinéaste. Il va les chercher, ses acteurs, les fait monter sur un toit d’immeuble (tu sais, comme dans les films où il y en a un qui court après l’autre et l’autre monte, monte monte toujours plus haut dans les étages du gratte-ciel pour finalement aller se réfugier sur les toits. Et là, généralement c’est sa fête : il se fait descendre.) Bon, Longo, il dirige le type vers les hauteurs, en terrasse (lui, Bob, à la différence,  il est pas menaçant). Et là, il lui balance (réellement) des projectiles, some bullets ; en fait c’est souvent des balles de tennis. C'est «pour de faux», je te l'ai dit, lecteur. Le bonhomme est touché, perd l’équilibre, amplifie le mouvement comme l’acteur du western ou du film noir. Ce moment, ça le passionne Longo (like  a child) et il en fait des prises de vue. Ensuite il va transposer ce travail graphiquement : il passera tout ça  au fusain et crayon sur de grands supports blancs (2,50 X 1,50 m en général), en prenant soin de bien détourer la silhouette du type qui s’écroule.
Le résultat est surprenant.

 On peut voir certaines de ses œuvres actuellement dans l’exposition Le Mouvement des images (Centre Georges Pompidou, site Beaubourg) dont je t’avais parlé, ici même, il y a longtemps. Magnifique expo.

Le Mouvement des Images, c'est jusqu'au 29 janvier.
Dépêche-toi :«Bing ! T'es mort.»
* (sic) : un petit garçon, dans une cour d'école (2007, ou 1967, ou 77, ou...)
photographies :

-Men in the cities, 19080-99,
©Robert Longo, Triptyc  drawings for the Pompidou, site insecula
-Robert Longo, Untitled (from Men In The Cities), 1981, Collection Metro Pictures, site exporevue.com
- photographies extraites du site de la
LipanjePuntin artecontemporanea gallery, Italiea



Commentaires

L'autre jour, j'ai accompagné la classe d'un de mes fils (6 ans) au Musée d'Art Moderne. Devant la Danse de Matisse, le guide a fait reproduire aux enfants les postures des danseurs ... Ils ont gesticulé, chuté et se sont bien amusés ... comme sans doute le modèle de ces dessins !
Commentaire n°1 posté par Caroline le 13/01/2007 à 14h05
«T'as pas faux du tout ; et même : tu as vu juste !»
En effet, nous qui passons notre temps à fabriquer des images (comme Robert), nous restons de grands enfants !
Commentaire n°2 posté par holbein le 13/01/2007 à 23h28