dimanche 28 janvier 2007

W.J.T. MITCHELL

L'Image


La différence la plus fondamentale entre les mots et les images semblerait être la frontière physique, «sensible», entre les domaines de l’expérience visuelle et auditive. Quoi de plus fondamental que la nécessité brute de la vision pour juger d’un tableau, et de l’ouïe pour comprendre le langage ? Même le légendaire fondateur de la tradition d’ut pictura poesis, Simonide de Céos, reconnaît qu’au mieux, «la peinture est poésie muette». La peinture peut aspirer à l’éloquence des mots, mais elle ne peut parvenir qu’au genre d’articulation du langage dont disposent les sourds-muets, le langage des gestes, des signes et expressions visibles. La poésie, en revanche, peut aspirer à  devenir une «image parlante», mais il serait plus exact, pour qualifier ce qu’elle parvient réellement à être, de reprendre la formule de Léonard de Vinci : un genre de «peinture aveugle». Les «images» de la poésie peuvent parler, mais nous ne pouvons pas les voir réellement.

W.J.T.  Mitchell
Iconology
University of Chicago Press
Chicago et Londres, 1986, p 116

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