mardi 20 mars 2007

David LYNCH - The Air Is on Fire .5

David Lynch
The Air Is on Fire

du 3 mars au 27 mai 2007


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«The Air Is on Fire» ("L'Air est en feu").
« Ce sont juste quelques mots que j'avais écrits sur un dessin, et qui peuvent faire surgir mille images chez chacun.»

David Lynch

David Lynch expose autre chose que du cinéma. Cela se passe actuellement, dans cette magnifique exposition qui a ouvert ses portes à la Fondation Cartier à Paris. En montrant ses dessins, ses peintures, ses sculptures et bricolages, installations et films d'animation, il va contribuer à relancer le débat sur la question du sens de son œuvre. Que doit-on comprendre ? Comment aborder ce monde si particulier ?


En effet le monde de Lynch est complexe. Les films que l'on connaît de lui ont montré sa capacité et sa
volonté de s'écarter systématiquement du schéma narratif. Il n'a cessé de casser les codes de la narration. Le film ne doit pas être une histoire que l'on raconte en filmant des événements qui s'enchaînent et s'organisent de manière linéaire, mais le monde qui est dressé devant nous doit solliciter nos sensations, notre perception, stimuler notre imagination, inviter à une disponibilité qui va s'avérer féconde si nos sens sont en éveil. Il en est ainsi lorsque l'on regarde un tableau.



«Le cinéma n'est pas fait uniquement pour raconter des histoires, mettre en scène des mots et des dialogues, mais aussi pour créer une ambiance. Ce que je vois (...) c'est cette abstraction possible que le film partage avec la peinture. Aller plus loin dans l'abstraction, c'est aller vers une réalité plus profonde, qui existe en parallèle des autres. Si on vient de la peinture, on sait que l'histoire d'un film peut contenir une abstraction.»


David Lynch
Beaux Arts Magazine
entretien avec Emmanuelle Lequeux, mars 2007, p 100
David Lynch répètera à l'envi qu' «il faut faire confiance à nos sens». Il ne s'agit pas d'aller envisager ses films comme des histoires policières qui seraient fondées sur une trame, et comporteraient une intrigue, une succession d'épisodes (nous menant parfois sur de fausses pistes) puis aboutissant à une chute avec identification d'un mobile et d'un coupable. Il faut accepter, d'emblée, de remettre en question les codes habituels et de considérer l'œuvre (appelons-ça un film, en l'occurence) totalement différemment.
Le contact avec les œuvres de Lynch s'enrichira si l'on se laisse porter par différentes dimensions qui ne relèvent pas uniquement de la stricte signification que l'on peut donner aux choses et aux événements et on y gagnera en essayant de combiner cette logique (que l'on cherche légitimement à faire fonctionner et à appliquer) aux sens, à nos sens, à notre intuition, à notre capacité à produire des associations d'images ou de sons, à ce que l'on met en place dans les rêves, notre imaginaire ; à notre intelligence sensitive.
Mais attention, sans qu'il s'agisse pour autant de verser dans un mysticisme ou une magie de pacotille. Lynch est quelqu'un d'intègre, quelqu'un qui a les qualités requises pour ne jamais tomber, ni entraîner les visiteurs de ses œuvres, dans ce travers.


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Dans le magazine art press de février 2007 Stéphane Delorme, dans un excellent article, insiste sur la dimension de l' «affect» dans le cinéma de David Lynch : «La pierre angulaire est l'affect. D'abord l'affect désastreux qui précipite la chute et la hantise ; ensuite les affects multiples déchaînés par le jeu des hantises.»*
 Stéphane Delorme développe l'idée que les films de Lynch
, fondés sur l'affect,  racontent finalement  des histoires simples :


«Qu'est-ce qu'un film de Lynch ? Contrairement aux idées reçues, ses films avancent droit et sous la luxuriance visuelle, sonore, narrative, racontent des histoires simples. Lost Highway : un homme n'aime pas sa femme ; Mulholland Drive : une femme aime une femme ; à partir de ce postulat, le film cassé en deux sombre dans sa version panique et donne naissance aux démons.»*

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 Lynch va effectivement organiser «une ronde d'images autour de l'affect»*. Ses images ont été puisées à des sources variées : le monde de Francis Bacon y est identifiable. On y sent un attachement, une fascination, quelque chose de l'ordre d'un bouleversement. David Lynch sait jouer sur le renvoi à une sorte de mythologie personnelle peuplée d'anecdotes fondatrices ; que l'on se rappelle l'épisode  de sa décision de créer une toile mouvante :
il avait en effet l'intention de réaliser un tableau en mouvement. On raconte qu'un jour il vit dans son atelier une de ses toiles trembler fébrilement sous l'effet du vent. Il eut l'idée de réaliser une peinture mouvante et ce fut «Six Men Getting Sick» (1967) un petit film d'animation. Ce qui déclencha son désir de continuer à fabriquer des images qui bougent.
Cette anecdote «fondatrice» de la démarche artistique, peut être perçue comme une commodité et
fait indéniablement penser à ce que racontait Kandinsky  de sa prise de conscience de l'abstraction sur la base d'un événement, également,  personnel :


«J'arrivais chez moi avec ma boîte de peinture après une étude, encore perdu dans mon rêve et absorbé par le travail que je venais de terminer lorsque je vis soudain un tableau d'une beauté indescriptible, imprégné d'une grande ardeur intérieure. Je restai d'abord interdit, puis je me dirigeai rapidement vers ce tableau mystérieux sur lequel je ne voyais que des formes et des couleurs et dont le sujet était incompréhensible. Je trouvai aussitôt le mot de l'énigme : c'était un de mes tableaux qui était appuyé au mur, sur le côté.»**


Nous restons dans les affects. Vassily Kandinsky fait également partie du panthéon de David Lynch...

A David Lynch, affectueusement.

fin


«The Air Is on Fire», exposition à La Fondation Cartier pour l'art contemporain

du 3 mars au 27 mai 2007



illustrations :

1.
photographie de l'auteur
2.
photographie de l'auteur
3.
photographie : Patrick Griès, extrait du site de la Fondation Cartier
4.
Le réalisateur américain David Lynch à Los Angeles, le 21 janvier 2007. AFP/ROBYN BECK


textes :

* art press magazine, février 2007, p 19
** Vassily Kandinsky, Regards sur le passé, 1913-1918, trad. in Regards sur le passé et autres textes, 1912--1922, édition établie et présentée par Jean-Paul Bouillon, Paris, Hermann, 1974




 

Commentaires


et si on noyait votre "affectueusement" dans un Love Me Tender pour le plus wild at heart des sailors!
une Lula de sa génération
Commentaire n°1 posté par Ch le 21/03/2007 à 01h14
"Love Me Tender..."
and Walk on the wild side !
Commentaire n°2 posté par holb le 02/04/2007 à 22h31

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