David RosenfeldLes Antérieures. Les Contemporaines galerie Alain Gutharcjusqu'au 21 juillet 2007 |
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«Si le regard du modèle se pose sur moi (une photographie trop directe), s'il n'a plus la gravitation qu'il me
promettait (l'errance du regard), alors je ne trouve plus le chemin de la grâce. Il faut que le regard du modèle s'égare pour que je m'égare à mon tour, devant l'image.»
David Rosenfeld* |
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David Rosenfeld montre actuellement, à la galerie Alain Gutharc à Paris, ses deux dernières séries de photographies, Les Antérieures et Les Contemporaines, après une présentation de son travail à l'École supérieure d'art et de design d'Amiens en mai 2007. La démarche de cet artiste relève de la plus grande exigence. Il s'agit d'une démarche que l'on pourrait qualifier de soustractive : il fera des milliers de prises de vue pour n'en retenir que quelques dizaines. Son travail consiste à élaguer, à extraire le surperflu, à désencombrer, à soustraire de la matière du brut comme le ferait un sculpteur. Et d'ailleurs la proximité de ce travail de photographe et de celui du sculpteur reste extrêmement frappante lorsque l'on visite l'exposition. La tête du modèle est «posée» : elle pose, s'absente dans la pose, et repose à la manière d'un Brancusi. Le motif du basculement est là pour nous indiquer subtilement la matérialité de l'objet photographié, pour lequel nulle psychologie n'est requise. David Rosenfeld, dans l'accumulation de ses prises de vue, attend le moment d'oubli, d'évanescence, l'informulable de l'instant qu'il va fixer parmi tant d'autres. Ce travail est le contraire d'une production à la mode, d'une esthétique du sensationnel ou du spectaculaire qui ont eu tendance à envahir les espaces qui montrent habituellement de la photographie. |
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Le photographe, même si ses goûts personnels vont plutôt du côté d'une certaine photographie américaine exigeante (Diane Arbus, Ralph Eugene Meatyard, Walker Evans ou encore Richard Avedon), connaît bien ses contemporains. Et Dominique Baqué, dans la remarquable préface qu'elle fait au catalogue de l'exposition d'Amiens, indique non sans humour, que pour lui la photographie «plasticienne» est exclue : «C'est que Rosenfeld, écrit-elle, solitaire, insulaire, s'en moque et construit une œuvre étonnament personnelle tant elle échappe à tout courant, toute mouvance et, bien plus encore, à tout effet de mode. Intemporelle, à sa manière, comme ses modèles, dont les visages semblent traverser l'Histoire, rétifs à tout ancrage dans la contemporanéité.»* Plus loin, dans le même texte, Dominique Baqué note : «Rosenfeld, au fur et à mesure qu'il multiplie les prises de vue, jusqu'à n'en plus pouvoir -jusqu'à la zone blanche du regard et, je le suppose, jusqu'à l'épuisement ébloui du modèle -, induit à l'intérieur de chaque série d'infimes variations que seul un regard extrêmement attentif peut saisir. D'où l'effort requis, et consenti, par le regardeur : ici une boucle de cheveux a chu, le regard s'est très légèrement abaissé ; là le cou a pivoté de quelques centimètres, le visage s'est à peine redressé ; ailleurs encore, le modèle semble avoir étrangement vacillé, et son regard comme «glissé»... * Cette œuvre, on l'aura compris, exige énormément de celles et ceux qui souhaitent l'aborder dans toute sa complexité et dans toute sa richesse. Il convient de prendre le temps ; le temps du silence et de la délectation. |
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* Catalogue de l'exposition Les
Antérieures et Les Contemporaines, qui s'est tenue à l'École supérieure d'art et de design d'Amiens en mai 2007. Extrait du texte L’Errance et la grâce, 2006, Dominique Baqué
-image : Les Antérieures 1 ©David Rosenfeld, catalogue de l'exposition de l'Esad, Amiens, mai 2007 -photographies de l'auteur, galerie Alain Gutharc |
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www.david-rosenfeld.com | |||||||||
galerie Alain Gutharc, 7 rue St-Claude, Paris 75003 jusqu'au 21 juillet 2007 |
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Commentaires |
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Pour ce qui concerne Dominique Baqué, il s'agit bien d'une femme, évidemment ! J'ai eu l'occasion de la croiser plusieurs fois et de l'entendre dans des conférences : c'est quelqu'un de vraiment bien.