lundi 3 juillet 2006

Kamikaze girls

Kamikaze Girls
réalisé par Tetsuya Nakashima
Avec Kyoko Fukada, Anna Tsuchiya
Bouche tordue registre manga, regard mauvais, elle mâche son chewing-gum, crache toutes les deux minutes : non c’est pas la nénette à Spider-man (celle de l’autre film en costumes) et son déguisement de Marie-Antoinette. Elle, son nom c’est Ichiko. Chef de bande. Yanki. Costume kamikaze avec broderies. L’autre, en bas, qui s’est déguisée frenchie (mais tendance rococo) c’est sa copine Momoko. Alors voilà. Tu décides d’aller voir un film (japonais) simplement pour la tronche délirante des deux nanas qui figurent sur l’affiche et un peu pour le résumé. Tentant. Et là, franchement, t’es pas déçu. A peine calé dans ton fauteuil, ça démarre à 200 à l’heure : la campagne. Couleur bonbon acidulé. Grosse vitesse du scooter monté par une sorte de baby-doll version soleil levant.
A fond. Intersection. Petit camion blanc surchargé de choux et légumes. Ca se percute. Violent. Très violent. Tout s’éclate dans tous les sens. La baby-doll, plutôt que de s’écrabouiller et d’encombrer la rubrique des faits divers, s’envole, s’envole, s’envole dans un beau ciel bleu et impossible. Ralentis. Détails sur son visage serein qui remplit l'écran, la caméra s'attarde sur les petites billes d’acier chromé qui glissent et cheminent tout doucement de ses poches, longs plans calmes sur la trajectoire des choux qui volent eux aussi et retombent gracieusement. Magique. Féérique. De toute beauté. La poésie à l’état pur. Tu te laisses embarquer (musique à l’appui). Et puis, tout d’un coup, CRAC ! La fille retombe violemment dans…la benne du camion encore remplie de vegetables qui amortissent sa chute.
Pas démontée la petite nana, elle saute du camion (autour, faut signaler que c’est le chaos complet, une sorte d’Hiroshima bis), elle ramasse son scooter encore fumant, l’enfourche et continue sa route plus vite que jamais.
Mais, là, je crois que je t’ai raconté la fin. Enfin, non, c’est l’épisode délirant qui va déclencher toute la dernière partie du film qui est encore plus délirante. C'est une reprise de la séquence initiale.
Alors, tout le début de ce que je t’ai raconté (la nana sur le scooter, l’accident qui pardonne pas, le vol plané en hauteur dans le ciel, c’est ça le début de film. Quand tu débarques dans les belles images planantes, tu te dis, elle est morte et les ralentis, c’est du symbolique, comme si on prenait l’histoire par la fin. Et c’est vraiment bien fichu parce que la lolita, en voix off, elle te dit : reprenons les choses par le commencement et elle t'explique que son rêve à elle, la baby-doll japonaise de 2005 c’est de vivre en France au XVIIIème siècle. Et là, tu te promènes avec elle dans les tableaux de Fragonard, de Boucher, de Watteau, un monde kitsch, surchargé, rococo, rose bonbon avec polissonneries, orgies à tous moments, vie futile, etc. Et tout ça traité sur un mode ébouriffant et drôle.



petit clic, comme d'habitude, si tu veux pas t'esquinter les yeux
Là c'est le synopsis que je pique à AlloCiné. com
(on gagnera du temps) :


Fanatique de la période Rococo, des robes à froufrous et d'ombrelle fantaisie, rien ne prédestinait la charmante Momoko à rencontrer celle qui deviendra l'espace d'un été son inséparable amie : l'intrépide Ichiko, chef des Ponytails, un gang de filles en scooters.
Habitant en compagnie de sa grand-mère et de son escroc de père - contrebandier de Versace et yakuza repenti -, Momoko l'introvertie passe ses ternes journées à rêver et à broder. Ses visites dans sa boutique de vêtements préférées sont ses seuls moments de répit.
Son existence paisible va se voir interrompue par l'intrusion subite de l'inquiétante Ichiko. Cette jeune fille dure et grossière va s'immiscer petit à petit dans la vie de la douce et rêveuse Momoko.
Contre toute attente, ces deux jeunes filles vont se lier d'amitié et faire face aux espoirs et aux déceptions de l'âge adulte imminent...

Mais ce petit résumé ne dit pas l'essentiel. Il aurait même tendance à affadir l'état d'esprit plus que décapant (j'hésite à le laisser ce petit résumé qui joue contre son camp, il me semble. Mais enfin...). Une des dimensions extraordinaires de ce film c'est son rythme et surtout son montage. La réalisation est extrêmement dynamique et toujours inventive, les plans et le montage sont surprenants. On t'amène là où tu pensais pas aller. Les extravangances "les plus extravagantes" sont d'une grande cohérence, tant ça fout le camp dans tous les sens tout en restant infiniment maîtrisé. Le propos est systématiquement décalé. On a même droit à un insert qui est un petit film d'animation plastiquement éblouissant et qui sert à légitimer un raccourci dans l'explication ! Tu vois, qu'elle dit la baby-doll : "j'essplique, mais comme c'est trop long je te le fais en manga". Et vvvouououtttt, ça décroche dans du super speed avec graphismes éblouissants et couleurs saturées avant de se recouler dans le quotidien (qui fait pas quotidien du tout). La bande son est au diapason et si t'as la chance d'avoir les neurones en forme ce soir là, écoute les chansons (souvent en français), essaie de lire les sous-titres (qui sont travaillés graphiquement eux aussi : Versace pour pas dire son nom c'est v$§rs&Ÿce, ou à peu près), regarde les décors dans leur surcharge et leur détail, n'oublie surtout pas d'apprécier les grimaces et les clins d'oeil ; je te parle même pas de la finesse des broderies sur la(es) robe(s) de la Lolita mais aussi (ouais, ouais) sur le costume de guerre des gangs de la violente Ichiko. Il y a d'ailleurs un épisode qui m'a fait hurler de rire c'est la super broderie qui a demandé un temps considérable sur le costume bleu d'Ichiko : une grosse Fôte d'orthographe figure dans le texte brodé et le réalisateur barre numériquement l'erreur grossière avec force "pouèt, pouèt" dans la bande son. Ce qui rend Ichiko morte de honte. Ah, ce que j'ai oublié de te dire c'est que c'est la broderie qui constitue le fil rouge (si j'ose dire) de ce film. Tout tourne autour de la broderie. Je t'ai dit : déjanté.
Mais, faut pas croire, c'est un film tendre. Les registres de l'amitié forte et de l'amour sont explorés : on voit Momoko tomber dans les pommes (pommes d'amour, évidemment) pour un couturier, maniéré, touchant, extravagant. On voit aussi la violente Ichiko pleurer à chaudes larmes (il est interdit de pleurer en public, c'est le code) pour une sorte de rocker à banane exubérante et à chaussures vernies qui fait penser (en plus déjanté encore, c'est vous dire) aux Leningrad cow-boys de Kaurismaki.
Et là, on a affaire à une galerie de personnages hors catégorie : la grand mère borgne, infantile, drôle, touchante et reptilienne dans ses gestes lorsqu'elle attrape au vol, sans regarder, papillons et libellules pour les mettre dans sa poche... Le père (papa-looser) éternel enfant, irresponsable, yakuza foireux et délirant. La mère, hystérique, candidate aux concours de beauté. Et Momoko, elle-même, qui, petite fille de sept ans est celle qui réfléchit pour tout le monde et profère des paroles d'une grande portée (philosophique ?), au moins d'une grande sagesse.


On pourrait songer à une gaudriole, à une comédie 100 000 volts (ou à 100 balles, c'est comme tu veux), à un prototype débridé prêt à te planter dans le premier fossé. Mais là, il faudrait être vraiment aveugle pour s'arrêter à ce niveau de lecture tant les perches tendues par Tetsuya Nakashima sont nombreuses, aussi bien dans l'invention plastique que dans les références, la critique ou le propos lié à la situation de ces japonais(e)s pris entre plusieurs cultures (et leurs sous-cultures). En effet, sur un mode extrêmement drôle, ce qui taraude cette jeunesse, parfois caricaturale dans son apparence, est évoqué ici.

Ce film a eu un tel succès au Japon qu'il a généré une suite en manga.

Et banzaï !

Tu serais pas amoureux, toi ? (Ichiko, Momoko, entre vous deux mon coeur balance...Quand même, j'adore le nez, de profil, d'Ichiko, la fausse méchante...)
photographies extraites du site AlloCiné.com



Commentaires



J'ai trouvé : "Monsieur qui va où il ne pensait pas aller et raconte des histoires déjantées mais vraies? un peu intello mais tendres... mais qui ne doit pas faire ça tous les jours, c'est mauvais pour le coeur"...c'est pas du Lega..mais je crois que l'aphorisme pourrait faire 20 lignes tellement l'histoire de ton film est folle...
Bonne journée.
Commentaire n°1 posté par Lyliana le 04/07/2006 à 09h12
Adorable et bien vu, Lyliana. Un oeil. Tu as l'oeil !
Effectivement : ne pas faire ça tous les jours car le coeur : on n'en a qu'un !
Commentaire n°2 posté par holbein le 04/07/2006 à 10h08
Voilà, le post est arrivé trop tard pour hier soir ;-) Du coup, je suis allée voir Profession : Reporter, de Michelangelo A. (le véritable titre, c'est the Passenger, mais je suppose qu'à l'époque, 1975, on laissait jamais les titres en VO). Sans regret !  Mais le post est vraiment tentant, donc prochain film : Kamikaze girls : Merci !
le code à taper, c'est MK2, c'est fait exprès ????
Commentaire n°3 posté par laurence le 04/07/2006 à 13h34
MK2, MK2...Et ouais, rigueur et cohérence.
Profession reporter : très bien. Très très bien.
Commentaire n°4 posté par holbein le 04/07/2006 à 17h38
Oui, superbe. Et le plan final, lorsque la caméra filme de la chambre d'hôtel la place du village : à tomber !!
Commentaire n°5 posté par laurence le 05/07/2006 à 10h07

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