Pontus Hulten
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Pontus Hulten hors cadre
L'inventeur du musée «moderne» est décédé jeudi à 82 ans.
Par Gérard LEFORTarticle du quotidien Libération : samedi 28 octobre 2006 Pontus Hulten, né Carl Gunnar Pontus Vougt Hulten en juin 1924, mort dans la nuit du 25 au 26 octobre, était au physique une importante stature de Suédois moustachu. Au figuré, il était encore plus baraqué, tant sa carrière fut synonyme de très grande carrure de l'art contemporain. Défricheur inventeur, fédérateur, tous ces qualificatifs sont adéquats mais n'arrivent pas à cerner les variations de son intense activité. Pour les Suédois, il restera le directeur du Moderna museet de Stockholm, qu'il dirigea de 1957 à 1972. Le petit musée devient vite grand, quand Pontus Hulten y invite la fine fleur à peine éclose du «nouveau réalisme» (Tinguely, Saint Phalle...) et de l'art cinétique (dès 1955 dans la galerie parisienne de Denise René, il signait avec Vasarely une expo intitulée «le Mouvement»). Happenings. Mais c'est dans son «art d'exposer» qu'il innove : des manifestations qualifiées à l'époque d'expérimentales. Dans «le Musée de vos désirs», il fait participer le public au choix de la collection. Dans «Sculptures pour aveugles et non aveugles», on tâtonne les oeuvres dans le noir et le catalogue est imprimé en braille. Dans «American Pop-Art, 107 formes d'amour et de désespoir» (1964), le ballet de Merce Cunningham danse au milieu de sculptures, John Cage joue du piano devant un tableau de Sam Francis, tandis que Rauschenberg donne des happenings. Par son truchement arrivèrent aussi à Stockholm les peintres américains d'avant-garde (dont Jasper Johns en 1961), ou Bacon en 1965. Mais pour les Français et, en tête, les Parisiens, Pontus Hulten rime avec Beaubourg. Appelé en 1973 par Robert Bordaz pour diriger le musée d'art moderne du centre Pompidou, Pontus Hulten va comme de coutume déborder du cadre en réalisant de 1977 à 1979 les trois glorieuses de l'exposition temporaire : «Paris-New York», «Paris-Berlin», «Paris-Moscou». Mémorables tant elles bousculaient les traditions de la monographie avachie, ou de la thématique factice. Pionnier aussi dans sa façon de fédérer tous les départements d'un musée d'art moderne (cinéma, bibliothèque, design, architecture, revues parlées), Pontus Hulten déclarait : «Les expositions sont la vie d'un musée, la collection en est la colonne vertébrale.» A Beaubourg, il va poursuivre sa politique pointue d'acquisitions, tout en maintenant le lien de ses amitiés : le fameux bassin du plateau Beaubourg où tournicotent les sculptures du couple Tingely-Saint Phalle doit beaucoup à son obstination. Haut vol. Quant au souci du public qui ne fut jamais celui de la démagogie, on doit aussi à Pontus Hulten, entouré il est vrai d'une équipe de choix (François Barré, Françoise Cachin, Germain Viatte...), que le Centre ouvre ses portes jusqu'à 22 heures (une révolution !). Ultérieurement, il dirigea le Museum of Contempory Art de Los Angeles, puis devint directeur du Palais Grassi de Venise pour deux expos de haut vol : «les Futurismes» en 1985 et «Archimboldo» en 1986. En 1990 on le retrouve au Kunst und Ausstelung à Bonn, puis en 1994, à la direction artistique du Musée Jean-Tinguely de Bâle. Le musée fut la grande passion de Pontus Hulten sous la seule condition qu'il soit «un véritable instrument critique doué de sens». Une modernité plus que jamais à méditer. |
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article du quotidien Libération : samedi 28 octobre 2006 |
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