jeudi 15 juin 2006

Roger Ballen, noir et blanc

Rogen Ballen,
la photographie et le double

Une exposition vient de se terminer
le 21 mai 2006 : celle du photographe sud-africain, Rogen Ballen. C'était à la Bibliothèque Nationale de France, sur le site Richelieu.

Ce travail est fascinant pour toutes sortes de raisons et il y aurait tant à dire sur chacune de ces photographies ainsi que sur l'ensemble de ce corpus constitué d'oeuvres si particulières et que nous découvrons année après année.
Les hommes et les femmes que cet artiste photographie sont des Africains, mais blancs (essentiellement) ; et des blancs pauvres. Ce qui n'est pas si courant en Afrique. Ces êtres à la marge occupent des corps généralement dégradés à l'instar du décor dans lequel Roger Ballen les fait poser. Ces corps sont tordus ou vautrés mais le dispositif du photographe fait qu'ils sont systématiquement en harmonie parfaite avec ce qui les entoure.
Le bestiaire qui habite ces images appartient lui-aussi à un registre très décalé : lapin paraissant empaillé, chiots quasi foetus, poulets morts, rats, dinosaure en plastique ou porc de compagnie sur les genoux d'un homme qui lui ressemble étrangement, comme s'il était son double.
Et justement, ce thème du double traverse de manière trouble les images si étranges de Ballen; la photographie qui ouvrait véritablement l'exposition était celle intitulée "Dresdie and Casie, twins" (en haut), 1993. Le ton est donné : deux hommes jumeaux, au regard absolument inquiétant, aux oreilles démesurément décollées, la bave coulant de leur bouche, maculant ainsi leur chemise déjà sale, sont photographiés côte à côte, plantant sauvagement leurs yeux dans les miens. Le tirage photo est très grand et d'une grande qualité. L'effet de présence, dû à la frontalité est radical.
Il faut dire que dans le sas de cette exposition était présentée "Cathleen and Coleen, Roselle, New Jersey", la célèbre photographie de Diane Arbus représentant deux fillettes, elles-mêmes jumelles, et également de manière frontale. La fraîcheur du visage de ces fillettes ne parvient pas, toutefois, à débarrasser cette image d'un vague côté tératologique, tant le double est parfait, les robes sont noires et identiques et la frontalité de la pose fonctionne comme une barrière. Les images du double, notamment en photographie (qui est déjà le médium du double), occupent une place très particulière et savent déranger et perturber comme aucune autre.
Le double aurait-il la vocation de créer des monstres?
photographie des jumeaux extraites du site de la BNF
photographie de l'homme au cochon extraite du site de la galerie de Robert Klein
photographie de Diane Arbus extraite du site Artnet



Commentaires

De manières différentes mais très troublantes, les photographies que vous nous donnez à voir dans ces deux derniers billets nous interpellent fortement.
Par une non conformité par rapport à ce qu'on attendait qu'ils fussent ? J'espère toujours me défaire de cette projection qu'on peut opérer sur les êtres , de ces "préjugés" en fait (je pense à Mondrian; trop sage)...pas si facile d'être "large d'esprit"...
Commentaire n°1 posté par Lyliana le 16/06/2006 à 11h32
C'est vrai qu'on va peut-être chercher "la conformité" dans la photographie (censée être fidèle, "vraie", etc.) et le double nous renvoie à nous-mêmes et à une autre complexité.
Commentaire n°2 posté par holbein le 17/06/2006 à 09h59
La question qui clos ce bilet pourait être "doublée" de: Quel intérêt il ya -t'il à représenter le "double" ?
Commentaire n°3 posté par Amazone le 19/06/2006 à 14h59
marde j'ai lâcher une faute d'orthographe indigne.
Commentaire n°4 posté par Amazone le 19/06/2006 à 15h02
Quel intérêt il ya -t'il à représenter le "double" ?

Quel intérêt d'aller faire un autoportrait?
etc.
La question est difficile. Je pars d'un constat, d'un truc récurrent, et puis après, il faut se dire que les choses ne sont pas aussi simples (même dans la tête de l'artiste). Mais le constat est indéniable.
Commentaire n°5 posté par holbein le 19/06/2006 à 15h12
Ces jumeaux D&C me font penser à Benji, du Bruit et la Fureur de Faulkner. Le double de Benji c'est-y Absalom?
Commentaire n°6 posté par Amazone le 20/06/2006 à 17h44
Côté Faulkner ; c'est juste. Description du rustre, de l'enraciné...
Commentaire n°7 posté par holbein le 20/06/2006 à 21h43
vu à la librairie de la MEP plusieurs bouquins sur le sujet ; j'ai retenu : "l'ère du double, acte du colloque sur la gémellité " (avec une très belle photo en couverture) organisé par la MEP, justement, et un livre  photo, "jumeaux et jumelles" (photos pas terribles...) sur le même thème... pour ma part, j'ai un frère jumeau : c'est plutôt les "sans" qui me paraissent étranges ;-)
Commentaire n°8 posté par laurence le 01/07/2006 à 23h37
J'apprécie l'inversion du regard ou du point de vue : "c'est plutôt les "sans" qui me paraissent étranges" !... On a toujours à apprendre en le pratiquant.
Je ne connais pas les livres dont tu parles: j'irai faire un tour à la MEP.
Commentaire n°9 posté par holbein le 02/07/2006 à 09h09
Beautiful exhibition of photographer Roger Ballen at BNF, Paris. Caroline-Christa, Paris
Commentaire n°10 posté par Caroline-Christa Bernard le 31/07/2008 à 21h08

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