Rogen Ballen, la photographie et le double |
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Une exposition vient de se terminer le 21 mai 2006 : celle du photographe sud-africain, Rogen Ballen. C'était à la Bibliothèque Nationale de France, sur le site Richelieu. Ce travail est fascinant pour toutes sortes de raisons et il y aurait tant à dire sur chacune de ces photographies ainsi que sur l'ensemble de ce corpus constitué d'oeuvres si particulières et que nous découvrons année après année. |
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Les hommes et les femmes que cet artiste photographie sont des Africains, mais blancs (essentiellement) ; et des blancs pauvres. Ce qui n'est pas si courant en Afrique. Ces êtres à la marge occupent des corps généralement dégradés à l'instar du décor dans lequel Roger Ballen les fait poser. Ces corps sont tordus ou vautrés mais le dispositif du photographe fait qu'ils sont systématiquement en harmonie parfaite avec ce qui les entoure.
Le bestiaire qui habite ces images appartient lui-aussi à un registre très décalé : lapin paraissant empaillé, chiots quasi foetus, poulets morts, rats, dinosaure en plastique ou porc de compagnie sur les genoux d'un homme qui lui ressemble étrangement, comme s'il était son double. |
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Et justement, ce thème du double traverse de manière trouble les images si étranges de Ballen; la photographie qui ouvrait véritablement l'exposition était celle intitulée "Dresdie and Casie, twins" (en haut), 1993. Le ton est donné : deux hommes jumeaux, au regard absolument inquiétant, aux oreilles démesurément décollées, la bave coulant de leur bouche, maculant ainsi leur chemise déjà sale, sont photographiés côte à côte, plantant sauvagement leurs yeux dans les miens. Le tirage photo est très grand et d'une grande qualité. L'effet de présence, dû à la frontalité est radical. Il faut dire que dans le sas de cette exposition était présentée "Cathleen and Coleen, Roselle, New Jersey", la célèbre photographie de Diane Arbus représentant deux fillettes, elles-mêmes jumelles, et également de manière frontale. La fraîcheur du visage de ces fillettes ne parvient pas, toutefois, à débarrasser cette image d'un vague côté tératologique, tant le double est parfait, les robes sont noires et identiques et la frontalité de la pose fonctionne comme une barrière. Les images du double, notamment en photographie (qui est déjà le médium du double), occupent une place très particulière et savent déranger et perturber comme aucune autre. Le double aurait-il la vocation de créer des monstres? |
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photographie des jumeaux extraites du site de la BNF | |
photographie de l'homme au cochon extraite du site de la galerie de Robert Klein | |
photographie de Diane Arbus extraite du site Artnet Commentaires |
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Par une non conformité par rapport à ce qu'on attendait qu'ils fussent ? J'espère toujours me défaire de cette projection qu'on peut opérer sur les êtres , de ces "préjugés" en fait (je pense à Mondrian; trop sage)...pas si facile d'être "large d'esprit"...
Quel intérêt d'aller faire un autoportrait?
etc.
La question est difficile. Je pars d'un constat, d'un truc récurrent, et puis après, il faut se dire que les choses ne sont pas aussi simples (même dans la tête de l'artiste). Mais le constat est indéniable.
Je ne connais pas les livres dont tu parles: j'irai faire un tour à la MEP.