mardi 30 mai 2006

La Force de l'art, une oeuvre...(5)


UNE MANIFESTATION TRIENNALE,
200 ARTISTES,
7 000 m2 SOUS LA NEF DU
GRAND PALAIS, jusqu'au 25 juin
15 POINTS DE VUE SUR L'ART D'AUJOURD'HUI
Cette Force de l'art montre également de la peinture. J'ai choisi de parler d'un certain type de peinture. Cette peinture est organisée et destinée à être regardée de manière très singulière. Il s'agit de la pièce de Gérard Garouste intitulée Ellipse. Elle est datée de 1999-2001.
Le travail se présente sous la forme d'une haute constuction de métal
et de bois de plus de 7 mètres, tendue de toile peinte à l'acrylique.
Cette oeuvre est présentée par le critique d'art Richard Leydier dans la section Vision(s)-peinture en France. Ellipse est une sorte de "sculpture de peinture" dans laquelle on pénètre par un couloir central étroit qui débouche sur une distribution d'alcôves peintes.
Richard Leydier déclare : Tandis qu’on observe depuis quelque temps, au niveau international, un regain d’intérêt pour une peinture dite "figurative", on peine à former une image claire de la scène picturale en France au cours de ces quinze dernières années.
Dans ce travail de peinture, Garouste est inspiré par Goya. Le problème de l'originalité ne l'intéresse pas. Il s'agit pour lui de s'approprier la thématique et de dépasser la référence.
Dans un entretien à MagArts, il déclare :

Dans Ellipse, j'ai tout pris à Goya : la composition, les ânes, les sorcières, les chaises...

Emprunt rétinien, si l'on peut dire car Ellipse n'est pas une satire, comme ont pu l'être les gravures de Goya.
(un clic sur les images pour les agrandir)

Les Caprices de Goya sont des gravures elles-mêmes inspirées par des citations populaires, une sorte de clin d'œil du peintre au langage de son époque.
 
Ces gravures m'ont amusé et j'ai joué avec elles en complicité avec Goya. Rencontre d'images qui constituent ma mythologie personnelle dans l'espace de la tente : lion, âne à l'Est, loup, taureau à l'Ouest, mandragores au Sud. Tous les personnages de l'installation sont des « antipodes », c'est-à-dire des personnages à l'envers, contraires, étrangers.
Le problème de l'originalité ne m'intéresse pas. Pour Goya, je me suis approprié ses images pour ensuite les dépasser. Le sujet de ma peinture : comment, de la représentation ludique d'une série de fables, on arrive à un jeu d'interprétation et, en même temps, il s'agit aussi d'un parcours initiatique d'un passage de la Bible, « La bénédiction de Jacob ».

Ce travail de Gérard Garouste me plaît pour différentes raisons : l'oeuvre de ce peintre s'inscrit à la fois dans une tradition, une connaissance fine et documentée de la peinture mais ce qu'il fait de cette tradition le propulse au delà ; la forme qu'il donne à sa peinture prend place dans une recherche, une volonté de renouveler les formes même s'il dit que l'originalité ne l'intéresse pas.
L'univers qu'il met en place relève du merveilleux, rappelle à la fois le monde de l'enfance, du rêve et des croyances populaires. Le fait de présenter son travail comme une installation décuple l'intérêt que l'on peut éprouver face aux peintures puisque le corps du regardeur est impliqué dès le moment où il pénètre dans la structure. Les points de vue deviennent variés, mobiles, non figés, à l'inverse de celui que l'on peut entretenir face à une peinture traditionnelle. Enfin, indéniablement, ce peintre montre des qualités non seulement dans la pratique purement technique du médium qu'il a choisi d'utiliser que dans la façon d'agencer les couleurs et les figures mais aussi dans l'expression qu'il sait mettre en place afin de mieux transmettre son univers à ceux qui veulent bien regarder sa peinture.


Suite dans le prochain billetphotographies de l'auteur



Commentaires




robotic art from spain



ximo lizana
Commentaire n°1 posté par anne hidalgo le 31/05/2006 à 21h50
Un hyperréaliste français à découvrir.

Bonne visite.


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Commentaire n°2 posté par Gilles ESNAULT le 02/08/2006 à 21h51

La Force de l'art : l'art contemporain, c'est sympa...(4)

UNE MANIFESTATION TRIENNALE,
200 ARTISTES,
7 000 m2
SOUS LA NEF DU
GRAND PALAIS, jusqu'au 25 juin
15 POINTS DE VUE SUR L'ART D'AUJOURD'HUI
Cette Force de l'art va constamment osciller et hésiter entre une affirmation défensive liée à son titre sous forme de slogan (voir billet La Force de l'art, un titre...) et une volonté de rendre présente la notion de jeu, d"entertainment" (comme on dit), de participation ludique ou de proximité via des "objets sympas".

L'art contemporain serait un grand terrain de jeu, un parc d'attractions pour riches ou pour gens branchés (ou les deux, peut-être...).
Suite dans le prochain billet
illustration : Gérard Deschamps, série pneumostructures, 2004photographie de l'auteur



Commentaires

J\\\'ai eu l\\\'occasion de voir le travail de Gérard Deschamps, l\\\'année dernière à Sélest\\\'Art, C\\\'est ludique, les ustensiles de plage qui composent les Pneumostructures, sont les instruments d\\\'une nouvelle servitude (in)volontaire, l\\\'écho des modes de vie que le capitalisme nous impose, transformant le quotidien dans le sens de ses intérêts immédiats, standartisant les existences par le biais du concept marketing "il faut bien s\\\'amuser"  C\\\'est un mot d\\\'ordre, un impératif catégorique, il faut consommer. Nos comportements eux-mêmes sont standartisés. Les bouées, ballons, piscines de plastique  sont les objets standartisés de nos comportements formatés, la fabrication artificielle de nos désirs, normés et formatés.
Commentaire n°1 posté par La dilettante le 30/05/2006 à 14h51
Voilà une expo qui va en plus plaire à mes zozos (et qui ne se terminent pas tout de suite).
Commentaire n°2 posté par Vroumette le 30/05/2006 à 22h19
>Vroumette : je t'avais promis...(y en aura d'autres)
>la dilettante : sur la fabrication artificielle, normative des désirs, sur la société de consommation (etc) : c'est un fait, alors pourquoi en rajouter ? L'objet d'art doit incarner une dimension supplémentaire. Ces objets de Gérard Deschamps, à mon avis, ne remplissent pas ce rôle, mais, c'est des trucs "sympas".
Commentaire n°3 posté par holbein le 31/05/2006 à 14h25
Eh oui, c'est sympa, à voir avec les zazous aussi. Mais l'art n'a pas a être sympa, ni beau, c'est bien au delà. Une foire d'art peut être agréable avec des enfants, mais n'est aucunement un parc d'attraction., une garderie. Chaque chose a sa place.

Eh oui, pourquoi en rajouter?

Sur ce sujet superbe conférence de Baudrillard , la violence faite à l'image.En voici le lien

Commentaire n°4 posté par mitsou le 04/06/2006 à 19h32
>Mitsou : je n'ai pas encore eu le temps d'écouter le contenu de contribution de Jean Baudrillard mais je me réjouis à cette idée, et merci pour le lien.
Nous sommes d'accord avec le fond du billet : une exposition, d'art contemporain ou non, n'est pas un parc d'attractions (les parcs d'attractions, précisément, sont faits pour ça : jouer leur rôle bien spécifique de parc d'attractions). Et les petits zazous sont pas tous des imbéciles : ils peuvent aussi aimer les oeuvres d'art, et pas nécessairement aux forceps ! C'est notre boulot de leur faire distinguer une exposition d'oeuvres d'art d'un Disneyland. Ce qui ne veut pas dire (et au contraire) qu'on s'interdise le plaisir et le jeu dans le rapport aux oeuvres.
Commentaire n°5 posté par holbein le 05/06/2006 à 09h43
Gerard Deschamps a travers ses "pneumostructures" critique avec justesse la siciete de consommation et des loisirs dans laquelle nous sommes .ces oeuvres issues de la société industrielles sont a l image de celle ci :standardisees a des millions d exemplaires faisant de nous des etres impersonnels,robotisés, infantiles ,voulant vivre l instant présent  en niant le futur a l instart de ces oeuvres non perenne.C est gai ,plein de couleurs,bref de vie.Une des plus belles oeuvres de "la force de l art ".Andy Wharol aurait aimé.
Commentaire n°6 posté par bouchaib michel le 20/06/2006 à 13h56
On est d'accord sur la démarche "critique de la société de consommation","critique de la société du loisir obligatoire", etc. : l'artiste cerne puis s'approprie un travers de la société, va le reproduire à l'identique, l'exagérer un peu. Quand on parle de critiue de... on est censé rejeter, ne pas s'associer, dénoncer l'affaire, etc. Or là, que se passe-t-il ? L'artiste refabrique les mêmes objets que le type lambda va trouver "beau", "sympa", etc. Ou est la critique? Que devient la dénonciation initiale? On est dans du kitsch et la critique est un prétexte.
Commentaire n°7 posté par holbein le 20/06/2006 à 21h52
Madame, Monsieur
Bien plus qu’un commentaire, je me permets de vous déposer une œuvre d’art versée au catalogue du non-objet "Commentaires" sous le numéro : Pièce com21/octobre/2009
Artiste d’art contemporain, je travaille essentiellement sur rien en collectant tous les événements de ma vie quotidienne d’artiste qui pourraient éventuellement réussir à me permettre de produire une œuvre. Vous avez par cet article réussi quelque peu à rendre plus concrètes mes nombreuses œuvres absentes.
Merci.
Olivier Borneyvski­   
Commentaire n°8 posté par borneyvski le 10/10/2009 à 16h57
Je vous remercie pour m'avoir donné (à mon insu) l'occasion de participer à votre désir de concrétude.
Je constate néanmoins que la Pièce com21/octobre/2009 n'a pas encore été déposée dans vos réserves.
Commentaire n°9 posté par espace-holbein le 11/10/2009 à 15h07

lundi 29 mai 2006

La Force de l'art, un commissaire d'exposition...(3)

UNE MANIFESTATION TRIENNALE,
200 ARTISTES,
7 000 m2
SOUS LA NEF DU
GRAND PALAIS, jusqu'au 25 juin
15 POINTS DE VUE SUR L'ART D'AUJOURD'HUI
Cette Force de l'art qui n’a pas réussi à trouver quelqu’un d’unique pour fédérer toutes les énergies en jeu ( Je crois que Catherine Millet avait été pressentie, sollicitée mais a décliné l’offre) a finalement donné carte blanche à quinze personnes différentes, quinze commissaires d’exposition qui se sont partagés cette lourde tâche d’endosser les responsabilités et donc de faire face à toutes les critiques.
La conséquence positive de cette décision est la diversité des points de vue ; nous ne sommes pas face à un discours unique, à quelque chose qui serait une esthétique d’état.
La conséquence négative est cette impression d’accumulation d’oeuvres, de catalogue dressé sans aucune pensée fédératrice, sans axe réel, un catalogue établi dans l’urgence de la décision. La démarche était évidemment politique (au sens noble du terme, s’entend). J’ai rappelé dans un billet précédent les intentions de cette manifestation, commanditée par l’état français en la personne du Premier Ministre. Les choses se sont toujours déroulées ainsi, à droite comme à gauche. En conséquence il est illégitime de prétendre qu’aujourd’hui les critiques qui sont faites à l’exposition sont politiciennes ; en effet, rappelons que la décision initiale est politique. Cette exposition a d’ailleurs été surnommée “l’expo Villepin” et l’on peut d’ailleurs admirer un portrait de Dominique de Villepin fait par Yan Pei Ming dans l’espace installé par Bernard Marcadé (photographie ci-dessus).
Bernard Marcadé qui est un des quinze commissaires d’exposition est celui qui, à mon goût, a le mieux réussi le difficile pari d’accepter ce défi consistant à rassembler dans l’urgence un panel d’artistes qu’il défend, apparemment, sans compromission, et avec une exigence et un soin extrême dans la présentation et la mise en espace des oeuvres.
J’ai toujours beaucoup apprécié ses partis-pris, le choix des artistes qu’il a défendus et accompagnés, les expositions qu’il a montées ainsi que les ouvrages qu’il a écrits (on peut citer : Il n’y a pas de second degré, Éditions Jacqueline Chambon, ou encore le magnifique Éloge du mauvais esprit, Éditions de la différence-). Le choix est cohérent, rigoureux, conforme à ce que l’on sait de ses goûts ; il répond à une exigence de type patrimonial (voulu par la demande institutionnelle) en la personne d’un artiste de premier plan mais qui reste un artiste très contemporain, accessible et dynamique dans sa démarche comme Christian Boltanski, par exemple ; il présente des artistes impliquant le spectateur dans l’univers du sensible comme Claude Lévêque avec son installation Ende ; il présente également des artistes plus complexes mais reconnus comme Fabrice Hyber ; mais aussi des très jeunes comme Loris Gréaud (que personnellement j’apprécie moins pour avoir vu l’an passé son travail au Plateau). Cet ensemble est fondé sur un engagement à la fois esthétique sensible et intellectuel. La référence à Guy Debord (dans la projection à l’entrée) montre l’exigence du propos. La mise en espace de ces pièces si diverses se révèle d’une particulière intelligence. Bernard Marcadé a fait édifier une structure métallique tendue de draps noirs sur deux niveaux. Ce volume ainsi créé tient compte de l’espace existant mis à disposition. Il est le seul à ne pas subir l’écrasante et magnifique architecture du Grand Palais.
Une autre donnée est extrêmement importante et finement pensée par ce commissaire d’exposition : il n’y a aucune promiscuité dont aurait à souffrir une oeuvre ou bien une autre. Les cartes de France d’Annette Messager sont isolées dans un dais sombre. Il en va de même pour le travail de Boltanski. La pièce de Claude Lévêque, de fait, est présentée seule ; le noir y est total…La tente de Fabrice Hyber (photo ci-dessus) est isolée, tout à fait en haut, etc. L’oeuvre retourne, d’une certaine façon, à sa vocation sacrée ; on est là pour la considérer isolément, la rencontrer, et sans nécessairement y faire participer la dimension mystique. Il en est tout autrement de certaines présentations ou tout se téléscope, où l’on a une perception aléatoire et fugitive des oeuvres et où la dimension "parc d’attraction" prime.
“Je ne crois pas aux fantômes, mais j’en ai peur” écrivait la marquise du Deffand à Horace Walpole. Si l’art ne peut pas transformer le réel, il peut néanmoins contribuer, aujourd’hui peut-être plus que jamais, à faire peser une menace réelle sur un certain nombre de dévoiements contemporains. Bernard Marcadé

J'ai bien sur apprécié d'autres accrochages, d'autres partis-pris comme celui de Daniel Soutif, par exemple, mais on ne peut pas tout évoquer, ici.
D'autres artistes, d'autres peintres m'ont impressionné par la qualité et la présence du travail qu'ils ont présenté ; c'est le cas de Gérard Garouste sur lequel je reviendrai.
illustrations : oeuvres de Yan Pei Ming, Fabrice Hyber, Jean-Luc Vilmouth

Suite dans le prochain billetphotographies de l'auteur



Commentaires

tu pourrais te taire? on en a rien a cirer...ton avis, ton humeur...on s'en fout! tu dois vraiment t'ennuyer! va t'acheter un magazine et fou nous la paix. merci.
Commentaire n°1 posté par tais toi un peu le 12/08/2006 à 18h52
Je recommence le truc n'a pas marcher.
Non justement, moi je suis pas d’accord avec le commentaire du dessus qui dit tais toi.J’ai bien aimer lire ce qui a été écrit sur ce blog par rapport a l’expo la force de l’art.J’y suis aller et il y a téllement de trucs à voir que c’est bien d’avoir des pistes.Les posts (6 ou7,j’ai tout lu) rentre dans le détail et explique vraiment pourquoi c’est bien ou pas. C’est ca que j’ai aimé meme si je suis pas toujours daccord avec les gouts (mais, les gouts, on peut en discuter), par exemple,moi j’aime bien Djamel Tata qui est un peu critiquer dans un autre post mais je trouve que l’intérét des blogs c’est d’échanger des idées et c’est pour ca que je n’aprécie pas que quelq’un dise Tais toi ! dans un comentaire. Ca fait un peu facho(comme le bunker dailleur,que moi meme j’ai détester,et la je suis daccord avec le billet du début)
Commentaire n°2 posté par maxime le 13/08/2006 à 12h21

dimanche 28 mai 2006

La Force de l'art, un lieu... (2)

UNE MANIFESTATION TRIENNALE,
200 ARTISTES,
7 000 m2 SOUS LA NEF DU GRAND PALAIS, jusqu'au 25 juin
15 POINTS DE VUE SUR L'ART D'AUJOURD'HUI



Cette Force de l'art occupe un endroit magnifique : le Grand Palais. L'endroit est somptueux : vaste, lumineux et spacieux. Les volumes sont extraordinaires. Compartimenter cet espace a été nécessaire pour héberger les productions présentées par les quinze commissaires d'expo.
Mais là, l'architecture du Grand Palais révèle sa force : les hauteurs d'accrochage des cimaises, habituelles pour les galeries, deviennent étriquées. Le volume au dessus de leur tête les écrasent. L'oeuvre de Gérard Garouste tente d'échapper à la règle.Seul Bernard Marcadé a décidé de travailler intelligemment son espace en montant un deuxième niveau, ce qui permet d'occuper le volume en hauteur et d'entrer mieux en relation avec l'existant. On reconnaît là l'expérience et la finesse du jugement. La notion de mise en espace devrait être une donnée importante pour un commissaire d'exposition.



Suite dans le prochain billet
photographie de l'auteur

samedi 27 mai 2006

La Force de l'art, un titre... (1)

UNE MANIFESTATION TRIENNALE,
 200 ARTISTES,
 7 000 m2 SOUS LA NEF DU GRAND PALAIS, jusqu'au 25 juin
 15 POINTS DE VUE SUR L'ART    D'AUJOURD'HUI
 Cette Force de l'art est une exposition d'expositions. C'est la première d'une triennale qui se présente comme la juxtaposition de quinze points de vue différents sur la création d'aujourd'hui. Ces points de vue sont le fait de critiques d'art, d'écrivains, de commissaires d'expositions,   de rédacteurs de revues,  de directeurs de musées ou de centres d'art, d'artistes ou bien encore d'historiens d'art  à qui l'on a confié un espace dans cet immense lieu récemment rénové : le Grand Palais. 
  L'intention annoncée est de témoigner de la vitalité de la création artistique française. Cette manifestation est conçue pour prendre place aux côtés de manifestations similaires qui se déroulent déjà aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Une sorte d'état des lieux qui faisait défaut pour rendre compte de l'activité et de la diversité de la scène artistique hexagonale.

J'ai passé quatre heures sur ce site. Je m’y suis rendu sans à priori et finalement en ayant lu assez peu de choses au préalable. Pour ne pas être désagréable je dirai que je suis très partagé car dans la liste des gens exposés, sont présentés un certain nombre d’artistes que j’aime. Mais la perception que j’ai de cette manifestation  reste néanmoins négative.

J’ai l’habitude de fréquenter assez assidûment les galeries et les expositions, notamment celles qui présentent des oeuvres contemporaines. Beaucoup des pièces exposées ici sont loin de m’être étrangères et c’est même un plaisir certain d’en retrouver qu’il était impossible de voir depuis des années. Mais très bizarrement une sensation de malaise m’a habité très rapidement, dès le début de la visite, et ne m’a jamais définitivement quitté. Alors pourquoi ?
Le titre de cette manifestation pose d’emblée un problème : La Force de l’art,  (avec une majuscule à Force dans les documents officiels). Je n’ai encore rien lu pour l’instant qui justifierait ce choix, qui sans doute est légitime du fait des intentions annoncées : il s’agit d’affirmer une position, d’énoncer, grâce à cette vision de catalogue, que la scène artistique contemporaine française existe et qu’elle n’a rien à envier à celle qui se développe  dans le monde anglo-saxon, aujourd'hui nettement plus valorisé et représenté. Ce titre est elliptique ou plutôt incomplet : c’est la Force de l’art français qu’il aurait fallu écrire, mais c’est moins élégant. Entendons-nous, il n’y a aucune honte à défendre des artistes qui travaillent sur le territoire. Du point de vue de la renommée, de l’influence intellectuelle d’une culture ou d’une nation, mais également de manière plus prosaïque, du point de vue commercial. D’autres pays (notamment anglo-saxons) le font de manière très pragmatique mais il me semble que ce titre est le symptôme d’une sorte d’indigence profonde dont la métaphore est le bunker installé à l’extérieur, à l’entrée de cette exposition (Mathieu Briand, ci-dessous).

Du simple point de vue commercial, on peut dire que ce bunker n’est pas ce qu’il y a de mieux  comme tête de gondole. Mais ça, je conçois qu'il s'agit là, de ma part, d'un jugement de valeur. Effectivement, l'oeuvre sert sans doute à illustrer cette notion de Force, liée à son emplacement de type ligne Maginot ; impression de force  également due à son apparence, austère, hostile, noire et menaçante.  
 Mais, il est comme la maison des petits cochons : creux, fragile, fait de petites tôles fines  assemblées au chalumeau (il suffit d’écouter le bruit que ça fait lorsque l’on fait toc toc dessus à l’aide de l’index replié).  Si ceci est une représentation, voire une métaphore de cette Force, on conviendra qu'elle est un peu pathétique. Est-ce ça la Force ? A-t-on besoin d’être menaçant pour montrer ses qualités ? Et puis surtout, que penser d’une exposition -d’art- qui prône comme critère principal, essentiel, quasiment unique, le rapport de Force ? Rapport de Force, réitéré, tant dans ce F majuscule de son titre, dans les lourdes lettres grasses de sa typographie que dans les nombreux rappels de ce titre qui tapissent des milliers de fois les parois extérieures et intérieures de cette exposition.
 C’est peut-être ce manque de générosité qui m’a d’emblée rendu mal à l’aise.

Suite dans le prochain billet
illustration : Annette Messager "faire des cartes de France", 2000photographies du site officiel et de l'auteur

vendredi 26 mai 2006

jeudi 25 mai 2006

SUBVERSION ET SUBVENTION


Excès d’honneur, excès d’indignité.

L’art contemporain, dans sa réception par la critique comme par le public, est décidément voué à ces deux écueils. La critique a renoncé à toute évaluation, le public à toute compréhension, l’esthétique à toute légitimation.

Assurément, arguant de l’introduction d’un urinoir dans un musée par Duchamp, les artistes prétendent décider seuls de ce qui est une oeuvre d’art, grâce à la subversion de tous les critères établis du jugement esthétique.
Cette subversion fait désormais l’objet d’une subvention attentionnée par les musées d’État et les galeries, soucieux de prouver leur libéralisme à une critique aveuglément acquise le plus souvent. Ce jeu ambigu, fait de complicité et d’antagonismes, artistes et institutions s’y livrent depuis les années soixante. Les structures mêmes de l’art en ont été radicalement modifiées.
Plus que jamais, pourtant, bien que l’alliance de la subversion et de la subvention vise à le mettre hors jeu, le jugement esthétique demeure nécessaire. Objet industriel détourné ou dupliqué, intervention militante, proclamation politique, une oeuvre n’est d’art que si la qualité artistique qu’elle ambitionne peut être justifiée et partagée. Symbole, elle est irréductible à un symptôme ; objet de jugement, elle ne relève pas de la simple préférence de chacun.
Il est donc urgent, aujourd’hui, tout autant de prendre les ambitions des artistes en considération que d’élaborer à nouveaux frais une argumentation esthétique attentive à la logique interne de l’oeuvre contemporaine, à la fois profane et distincte du principe de plaisir, exigeante sans prétendre à la vérité absolue, libre d’obligations sociales mais susceptible d’être l’enjeu de critiques rigoureuses.

SUBVERSION ET SUBVENTION Art contemporain et argumentation esthétique
4e de couverture. NRF essais GALLIMARD, 1994
Rainer Rochlitz, philosophe (décédé en décembre 2002)

illustration : Jean-Pierre Raynaud, Objet-drapeau (photo : philippe chancy)



Commentaires

L'Ouest  bleu
L'Est blanc
Le Sud rouge

....

Superbe blog !

Angélique
Commentaire n°1 posté par Ang鬩que le 02/08/2007 à 22h26
Merci, «Les vies d'Angélique» est très bien, également !...
;-)
Commentaire n°2 posté par holbein le 03/08/2007 à 10h34

mercredi 24 mai 2006

Georges Bataille, Michel Leiris

Textes, biographies et citations sont régulièrement soumis à la lecture des visiteurs d'expositions. Lettres peintes directement sur le mur.

Je n'oublierai jamais ce qui se lie de violent et de merveilleux à la volonté d'ouvrir les yeux, de voir en face ce qui arrive, ce qui est. Et je ne saurais pas ce qui m'arrive, si je ne savais rien du plaisir extrême, si je ne savais rien de l'extrême douleur!


Préface de Madame Edwarda, Georges Bataille, 1956

Exposition Hans Bellmer, anatomie du désir
Centre Pompidou
1er mars-22 mai 2006

En un rectangle le noir et blanc tel que nous apparaît l'antique tragédie, Picasso nous envoie notre lettre de deuil : tout ce que nous aimons va mourir et c'est pourquoi il était à ce point nécessaire que tout ce que nous aimons se résumât, comme l'effusion des grands adieux, en quelque chose d'inoubliablement beau...
Michel Leiris
Exposition Dora Maar (salle cycle Guernica, La Femme qui pleure)
Musée Picasso
15 février - 22 mai 2006




Commentaires

Encore moi... J'avais bien noté la phrase de Michel Leiris pensant la glisser à propos dans mon blog...elle était en attente...j'ai été devancée :-)
Bonne fin de journée
Commentaire n°1 posté par Lylian le 24/05/2006 à 16h47
Désolé ! Elle était au chaud dans mon petit carnet... j'espère l'avoir bien notée. D'ailleurs, je crois qu'elle était écrite sans référence ?
Que je ne vous empêche pas de la réutiliser.
J'ai beaucoup d'admiration pour Michel Leiris. Je me plonge, de temps en temps, dans "Miroir de l'Afrique" que j'ouvre au hasard...(dans la collection Quarto Gallimard, c'est un plaisir : papier presque bible et marge généreuse à droite ou à gauche de chaque page).
Bonne fin de journée également.
Commentaire n°2 posté par holbein le 24/05/2006 à 17h12
M'enfin, c'est une manie frustrante de nous parler des expositions une fois qu'elles sont finies !

Le pire, c'est que ça donnait envie d'y aller.
Commentaire n°3 posté par Vroumette le 25/05/2006 à 16h21
C'était deux belles expos, effectivement. J'essaierai d'en annoncer d'autres avant. Il y a celle dont je parle dans le billet précédent : Le mouvement des images, par exemple. Je l'ai survolée mais j'ai vu de très belles choses. Je vais y retourner en m'y attardant. J'en reparlerai.
Commentaire n°4 posté par holbein le 25/05/2006 à 18h46
Merci. J'aime aller à des expos en les ayant décryptées un chouillas auparavant, pour avoir mon regard qui se pose, sur telle ou telle toile ou photographie avec plus d'attention.
Commentaire n°5 posté par Vroumette le 25/05/2006 à 20h51
"Scènes de Bataille" : un autre regard sur Georges Bataille, celui de Philippe Sollers sur http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=278
Commentaire n°6 posté par viktor le 02/11/2006 à 09h05
Effectivement, la relation Bataille/Sollers m'apparaît relativement évidente.
Je ne connais pas le contenu exact de l'intervention de Sollers à ce colloque de Cerisy, mais ce qui me frappe, dans l'intitulé, c'est le jeu de mots (appelons ça comme ça pour faire vite...) sur Bataille, "au Majuscule et au minuscule", qui renvoie à un vocabulaire emprunté au monde de la guerre et dont le mot "avant-garde" a été un des premiers à être utilisé dans ce registre. Sollers, en ce sens, lorsqu'il écrit "Scènes de Bataille", montrerait ou affirmerait sa position "d'avant-garde" (on se souvient de son soutien actif, par le biais de la revue Tel Quel, au groupe Supports-Surfaces, dans les années 70, qui était l'avant-garde de l'époque dans le champ des arts plastiques.)
Commentaire n°7 posté par holbein le 04/11/2006 à 11h49

lundi 22 mai 2006

Le mouvement des images

Musée national d'art moderne jusqu'au 29 janvier 2007

Le Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, renouvelle l'expérience de la présentation thématique de ses collections : Le Mouvement des images- Art et Cinéma, propose une relecture de l'art du XXème siècle à partir du cinéma.

J'ai fait une visite rapide, une visite de reconnaissance. J'y retournerai. J'en rapporte deux oeuvres : une que je connais bien et l'autre que je découvre.
La première a toute mon affection, depuis longtemps. C'est un petit film de Marcel Broodthaers d'une durée de deux minutes, tourné en 16 mm. (photogrammes du film ci-dessus)
Il s'intitule La Pluie (projet pour un texte).
Daté de 1969 /2' /16mm/nb/ silencieux.
Dans cet autoportrait l'artiste essaie d'écrire un texte sous une averse et finalement renonce, tandis que l'écriture, délayée par la pluie qui tombe, se transforme en dessin. On est dans l'absurde et la poésie. J'ai toujours été séduit par l'univers
de Marcel Broodthaers et notamment par ce petit film.

La seconde oeuvre se présente sous la forme d'une installation et est signée Ingo Maurer (photo ci-contre).
Ce sont des Tableaux chinois, je crois (j'irai vérifier). C'est très poétique. Beau. Tout simplement beau. Des poissons nagent dans un vrai bassin rempli d'eau, à leur gré, comme font les poissons. On dirait un Matisse (on n'est pas à Beaubourg pour rien...). Des formes solides et arrondies flottent sur cette eau et une projection qui vient du plafond jette les ombres mouvantes des poissons sur un écran vertical, juste à la hauteur du regard. Le rouge orangé des animaux est devenu gris. C'est esthétique, agréable, reposant.



J'avais eu l'occasion de voir il y a quelques années une oeuvre d'Alain Fleischer qui m'a fait penser à celle d'Ingo Maurer. Il me semble que c'était à l'Espace Electra et j'avais été séduit par la beauté et la poésie qui s'en dégageait. Elle s'appelait Mer de Chine (photo ci-dessous).
Le dispositif était sensiblement différent : une bassine plate dont le fond, je crois, était tapissé d'un miroir. Dans ce bassin, un vrai poisson rouge et la projection d'un film montrant la mer de Chine. Le tout projeté sur un écran. Le poisson évoluait dans la mer animée...Le tout petit et le très grand, le dedans et le dehors, l'ici et le très loin, le familier et l'exotique et puis le mouvement simple du petit poisson que l'on ne se lasse pas de regarder nager dans cette immensité.

Je pense, finalement, que cette oeuvre d'Alain Fleischer était plus intéressante encore que celle d'Ingo Maurer. Le mélange des contraires créait cette poésie. Et puis sur le cartel de l'installation d'Ingo Maurer est inscrit Chaque moment est original. Etait-ce nécessaire de l'indiquer ?

photographies : centre Pompidou, de l'auteur, FRAC de Bourgogne

dimanche 21 mai 2006

L'art en mutation

Le philosophe Yves Michaud s'exprime aujourd'hui dans les colonnes du quotidien Le Monde au sujet de la mutation de l'art. Des propos qui font réfléchir.

Propos recueillis par Emmanuel de Roux
Article paru dans l'édition du 21.05.06
Nous assistons à une mutation de l'art et de la scène artistique. Peut-on en déduire la figure de l'art du XXIe siècle ?

Il est à peu près certain qu'un cycle apparu vers 1800, quand émerge l'artiste romantique, se clôt à la veille de la décennie 1980, avec la fin des avant-gardes. Depuis une vingtaine d'années, deux régimes de l'art coexistent. D'un côté les pratiques anciennes - sculptures, peintures... - continuent. De grandes vedettes comme Jeff Koons, Damien Hirst, Richard Serra, fournissent des oeuvres relativement traditionnelles aux grandes collections. Mais des artistes abordent aujourd'hui des continents jusqu'alors inconnus de la sphère artistique, ou utilisent des technologies inédites.

Quels sont les nouveaux terrains investis par l'art ?
La sociologie, l'entreprise ou l'humanitaire, par exemple. Les exposés de l'Espagnol Rogelio Lopez Cuenca, comme la "Picassisation de Malaga et la Malaguenisation de Picasso", relèvent de la sociologie urbaine mais, dans la forme, entendent se rattacher à l'art. Bruno Latour, sociologue, et Peter Weibel, performeur multimédia, ont présenté en 2002 "Iconoclash", à Karlsruhe en Allemagne, où ils analysaient le poids des images dans le monde contemporain et gommaient la distance traditionnelle entre l'art et son analyse.

L'entrepreneur Bernard Brunon peint, avec son entreprise That's Painting Productions basée à Houston (Texas), les cimaises de certaines galeries et musées et fait valoir sa démarche comme artistique. Yann Toma récupère, lui, une entreprise défunte, Ouest Lumière, pour lui donner une deuxième vie virtuelle. Dans les années 1980, Krzysztof Wodiczko avait inventé un abri mobile pour les SDF. Cette idée a été reprise par Médecins du monde qui a distribué en décembre 2005 des tentes aux sans-abri de Paris.

Ces interventions sont-elles encore de l'art ?
Duchamp avait décrété au début du XXe siècle que c'était l'artiste lui-même qui décidait d'attribuer à un objet le statut de l'art. Le XXIe siècle ne remet pas en cause cette position. Le "ready-made" de Marcel Duchamp - l'urinoir, le porte-bouteilles - est devenu une figure de style populaire. Les choses les plus triviales - un instrument agricole - peuvent être perçues sous un angle esthétique, poétique et exhibé comme tel.

Quelles nouvelles technologies sont et vont être utilisées ?
L'art "biotech" est exploré par des artistes aidés - ou non - de scientifiques. Eduardo Kàc, qui a un laboratoire de biotechnologie à l'école de l'Art Institute de Chicago, a imaginé un lapin transgénique fluorescent avec Louis-Marie Houdebine de l'INRA, un spécialiste du clonage. Le même Kàc opère actuellement des manipulations génétiques sur des bactéries dont les modifications sont transposées en alphabet morse pour être retraduites en paroles bibliques.

L'Australien Oron Catts et le groupe SymbioticA produisent des tissus artificiels pour créer de nouveaux êtres ou organes. A Nantes, en 2003, ils présentaient des morceaux de viandes artificielles qu'ils ont mangés. Le plus aventureux est l'Australien Stelarc qui a adapté sur lui la prothèse d'un troisième bras commandée par d'autres muscles de son corps. Il a également mis au point une sculpture avalable et qui se déplie dans l'estomac, ce qui a d'ailleurs failli le tuer. Il travaille actuellement sur la possibilité de se greffer une oreille artificielle sur le bras.

Internet est également très présent, notamment aux rencontres Ars Electronica de Linz, en Autriche. Des sculpteurs, comme le Canadien Toni Brown, modifient en temps réel des sculptures en fonction de connexions sur des "chats" ou sur des sites pornographiques. D'autres artistes, par exemple Cory Arcangel, détournent des jeux vidéo, comme SIM City, agrandis et projetés sur des écrans en renouvelant l'art du collage.

Ces nouvelles technologies induisent-elles une nouvelle esthétique ?
C'est certain. La vidéo a introduit dans l'art occidental une notion qui lui était en partie étrangère : la beauté fragile des choses qui passent, l'irisation d'une goutte de pluie, le tremblement d'une feuille. Ce que les Japonais appellent le Mono no aware.

La réception de l'oeuvre d'art par le public va-t-elle évoluer ?
Fortement. A commencer par le cadre même de présentation : depuis la seconde moitié du XXe, le musée d'art contemporain est un cube blanc où sont montrées des oeuvres dans la lumière. Ce cube blanc devient une boîte noire, littéralement une boîte de nuit. On y case des écrans, des installations lumineuses et sonores. Du coup, face aux écrans, le visiteur zappe - rares sont ceux qui assistent à une projection de bout en bout. De plus en plus, les visiteurs sont amenés à interagir, en temps réel, face à une oeuvre. Ces nouvelles formes d'art requièrent aussi souvent la présence d'un mode d'emploi qu'il faut lire. On passe donc, saut considérable, de la pure contemplation, à l'explication, à l'intervention et à l'immersion.
Puisque l'oeuvre plastique s'accompagne de plus en plus fréquemment de sons et que la mise en espace devient capitale, on pourrait presque soutenir que c'est l'ambiance, l'environnement, qui engendre l'art plus que l'oeuvre elle-même - la sensation est plus forte que le regard. Ainsi les flux lumineux liés au trafic du port de Saint-Nazaire imaginés par Yann Kersalé.

L'art a été utilisé par les pouvoirs religieux, politiques. Qu'en sera-t-il alors que l'économique prime désormais ?
Les systèmes totalitaires du XXe siècle, nazisme, stalinisme ou maoïsme, avaient bien compris le "bon usage" de l'art total en organisant des défilés géants soigneusement orchestrés sous l'oeil de caméras. Aujourd'hui, c'est au tour des décideurs économiques de s'en servir. L'art est au coin de la rue dans les affiches de Nan Goldin qui vante le réseau ferré d'Ile-de-France, dans la sonnerie de notre téléphone portable, dans le costume fluo des éboueurs ou dans la musique qui nappe les grandes surfaces commerciales. On ne sait plus qui influence l'autre de l'art ou de la société : les CRS sont habillés comme des guerriers de jeux vidéo, et les tenues de camouflage de l'armée sont recyclées par les créateurs de mode. Du coup, il ne reste plus beaucoup de place pour un art réellement engagé puisque tout y est détourné, digéré. Même la provocation est rapidement récupérée.


Sites d'artistes :
- www.ekac.org
- www.stelarc.va.com.au

Ars Electronica : www.aec.at

Centre d'art de Karlsruhe : http://on1.zkm.de/zkm/

A lire :
- L'Art numérique, Edmond Couchot et Norbert Hillaire (Paris, Flammarion, coll. "Champs", 2005).
- L'Art à l'état gazeux, essai sur le triomphe de l'esthétique, Yves Michaud, (Hachette Pluriel, 2004).


photographie : AFP/JEAN-PIERRE MULLER




Commentaires

J'ai lu avec très grand intérêt votre note. Vous y rapportez de manière très synthétique les propos de Michaud et tout est dit. J'attendais les réactions de commentateurs pour alimenter le débat car ce billet n'est pas anodin mais ils ne viennent pas... J'imagine volontiers l'utilisation des nouvelles technologies et je crois profondément que la biotechnologie sera pleinement utilisée par les artistes. Ce que j'ai du mal à comprendre, c'est la perception de ces oeuvres par le public et sa projection dans le futur. Actuellement par exemple, ce que produit Chris Burden me choque, ce que vous rapportez sur Fischli et Weiss m'est accessible cérébralement (mais je ne l''ai pas vu) mais m'indifère d'une certaine façon. Je suis passionnée par la peinture de Bacon et les sculptures de Bourgeois; pourtant cela aurait dû profondément déplaire à de publics du début du siècle.
Comment dès lors s'éduquer à ce qui sera "devant"? Etre attentif bien sûr à des univers inconnus pour soi (je viens les trouver sur votre blog entre autres) ? Je lis actuellement le livre (pas tout jeune) de Sally Price : Arts primitifs, regards civilisés. Il y a des réflexions sur le "principe d'universalité" et autres considérations qui ne sont pas sans relation avec les questions que soulèvent votre note...
A bientôt
Commentaire n°1 posté par Lylian le 24/05/2006 à 08h16
Effectivement ce billet n'est pas anodin et est conçu comme tel. Beaucoup en sont encore, actuellement,  à essayer de faire des distinctions parmi des choses souvent assez futiles et on ne se rend absolument pas compte de ce qu'il est en train de se passer. Il s'agit de rester attentifs, vigilants.
Commentaire n°2 posté par holbein le 24/05/2006 à 14h59

samedi 20 mai 2006

Los Angeles (j'ai du mal…)

Je décide de tourner les pages du catalogue de l’exposition Los Angeles, naissance d’une capitale artistique, soigneusement, une par une, avec une intention toute simple : je dois trouver une belle image, une image qui ne choque pas le sens commun, une image flatteuse, une image qui n’agresse pas, qui ne fasse barrage ni au regard ni la compréhension. Et je me rends compte qu’il n’en existe quasiment pas ; ou seulement une : Blue Cone 2, photographie de John Divola (ci-contre).
-série “Cones”, de 1983-1985 .
J’ai décidé de procéder ainsi à la suite du billet sur Chris Burden et d’un commentaire qui disait ceci :
Bon mouiais! Au risque d'être ringarde, vraiment , j'ai du mal ( c'est à prendre au mot ) à comprendre ce genre de recherche. Quelle est la part entre la pathologie psychique mortifère et la recherche artistique?

C’est l’éternelle question et son corollaire : l’éternelle recherche d’une définition, à chaque fois renouvelée, de ce qui est pour chacun une oeuvre d’art. Et la part de ce qui serait l’art (véritable) et de ce qui relèverait du pathologique.

Cette partie du travail de Chris Burden pose en effet de réelles questions. Elle dérange. On comprend qu’elle est faite pour ça. Et on ne peut la réduire à du spectaculaire. A certains moments de l’histoire, des artistes poussent les choses plus loin, encore plus loin. Que l’on aime ou que l’on n’aime pas, c’est une réalité. Ceci constitue une tradition de notre modernité qui est à la fois faite de ruptures et de bonds énormes vers l'avant.

Il faut
, par exemple, avoir en mémoire qu’en 1872 Claude Monet était quelqu’un qui ne savait pas peindre, qui n’était pas un peintre (Louis Leroy de Charivari).Pour ce qui concerne la question du pathologique dans l'art, les exemples nous faisant réfléchir sont nombreux. J’en prendrai simplement deux :
-Jacopo Pontormo, élève de Léonard de Vinci, grand représentant du maniérisme toscan, peintre qui a laissé des chefs-d’oeuvres, avait une vie d’une extrême bizarrerie. Considéré à un moment de sa vie quasiment comme un fou, il notait scrupuleusement, chaque jour, dans son journal le détail de tout ce qu’il mangeait ainsi que la nature de ses excréments. Il reste un des peintres majeurs de la Renaissance.
-Plus près de nous, Jean-Pierre Raynaud. Il a vécu des années dans une maison ressemblant à un bunker et intégralement recouverte (intérieur et extérieur) de carreaux de faïence blanche, sans quasiment rien d’autre à l’intérieur puis a fait détruire cette maison qu’il a exposée sous forme de gravats présentés soigneusement dans des centaines de petits seaux métalliques qu’il a alignés au CAPC de Bordeaux. Raynaud reste un artiste majeur de la scène française. Cette démarche est-elle pathologique ?

La scène artistique californienne a été pour l’époque qui nous concerne (1955-1985) un vaste chantier, un creuset fou laissant se développer des pratiques à la fois variées, dans leurs formes, dans leurs démarches et leurs préoccupations. La période (notamment autour des années 70) était un moment de mutation, de remise en question, à tous niveaux et le domaine des arts en porte les stigmates. D’où ces pratiques extrêmes comme celles de Chris Burden, ou d’autres. Chris Burden a eu l’intelligence d’arrêter de faire des performances il y a très longtemps. Ceci était réellement lié à une époque.
Un commentateur dont je n’ai pas retrouvé les références écrivait :
Il y a des travaux qui méritent que l'on s'y plonge, intensément, tant la démarche et la réflexion sont intéressantes. Mais ils obligent à l'attention, nécessitent une très grande concentration si l'on veut comprendre les enjeux et les mécanismes de l'oeuvre, dévoiler ses codes et comprendre, véritablement. Certaines oeuvres seraient inintelligibles si on les regardait d'un seul coup d'oeil ; elles deviennent souvent passionnantes lorsque l'on s'y penche.

A travers une large sélection de peintures, sculptures, installations, photographies, films et vidéos, cette exposition retrace l'histoire multiforme de cette scène particulière, depuis son émergence au début des années soixante jusqu'en 1985. Avec tous ses excès, liés à cette époque si tourmentée. Le parcours aborde notamment les recherches autour de l'art de l'assemblage, du pop art, du minimalisme californien ou 'Finish Fetish', du mouvement 'Light and Space', de l'art conceptuel, de la performance, du féminisme, des installations, de la vidéo et du film expérimental au travers d'une sélection de 85 artistes environ.

Compte tenu de ce contexte, vous comprendrez qu'une
belle image, une image qui ne choque pas le sens commun, une image flatteuse, une image qui n’agresse pas, qui ne fasse barrage ni au regard ni la compréhension a peu de chance d'exister.

Photographie extraite du catalogue de l'exposition





Commentaires


Le collectionneur privé qui nous a reçu le mois dernier, avait un de ces petits seaux de JP Raynaud, il faut dire que JP R était en quasi résidence dans notre ville, lors du projet des colonnes, dont la ville nous a dotées, que la plupart des habitants de la ville détestent, elles n'ont pas été menées à terme dans l'idée de Raynaud, le sous-sol ne permettant pas le poids des célèbres carreaux, aussi elles ont été badigeonnées de blanc, ne sont visibles que lorsque les arbres sont dépourvus de feuillage ou si l'on vient par la voie des airs.
Commentaire n°1 posté par La dilettante le 24/05/2006 à 22h26
Le Centre Pompidou présente actuellement une exposition (sur laquelle je reviendrai) intitulée Le Mouvement des images. On peut y voir le container tapissé de carreaux de faience blancs  de Jean-Pierre Raynaud. A l'intérieur est projeté en boucle le film qui raconte et montre l'histoire de sa maison. On voit les plans, la construction, la période pendant laquelle il l'habitait puis sa destruction par des engins de  chantier et enfin la grande exposition  des vestiges de cette maison-oeuvre au CAPC de Bordeaux. Troublant.
Commentaire n°2 posté par holbein le 24/05/2006 à 23h12