Hans Holbein le Jeune (1497/98-1543) est un des artistes les plus importants du XVIe siècle.
Le Kunstmuseum de Bâle présente jusqu'au 2 juillet 2006 une exposition consacrée à la période
bâloise de l'artiste. Je suis revenu extrêmement heureux d'avoir pu me perdre dans la fascination pour ce peintre souvent considéré comme le Raphaël allemand.
En 1515 deux jeunes peintres arrivent à Bâle,
ville qui est à l'époque un pôle culturel important en Europe (Erasme, illustre humaniste de son temps, et dont Holbein fera d'étonnants portraits, y travaille) ; ce sont deux frères,
Ambrosius et Hans, les fils d'un peintre renommé d'Augsbourg : Hans Holbein, dit l'Ancien. Il suffira d'un an pour que Hans Holbein le Jeune se fasse connaître en représentant les
portraits de Jakob Meyer, le bourgmestre de la ville, et de sa femme. Son parcours dans cette ville rhénane, qui va d'ailleurs lui accorder la citoyenneté en signe de reconnaissance, sera
d'une très grande richesse. Holbein va traiter toutes sortes de sujets et un des plus étonnants de cette époque sera sans doute Le Christ au
tombeau, qu'il peindra sur un panneau à l'exacte mesure d'un cercueil véritable : 30 cm sur 2 mètres ; ce Christ, présenté dans l'exposition, est un hallucinant cadavre en
décomposition.
Mais, la Réforme commence à imposer ses choix et ses critères. Les images sont combattues ; Erasme, qui déclare : "Ici, les Arts ont froid", incite Holbein à s'exiler. Le peintre va fuir outre Manche et sera nommé, en 1536, peintre d'Henri VIII ; il deviendra alors en peu de temps le portraitiste officiel de la cour d'Angleterre.
Mais là, il s'agit d'une autre exposition qui se tiendra à la Tate Britain de Londres à partir du 28 septembre 2006 et qui relatera les années anglaises du
peintre.
Hans Holbein est une figure imposante et trouble : c'est à la fois une puissance des personnages et une délicatesse des expressions ; ce sont des modèles au visage
charpenté et un souffle de vent léger qui produit un petit désordre dans leurs cheveux. Le peintre montre des qualités évidemment hors pair pour la peinture mais également des audaces de
génie que nous pressentons dans cette (même) peinture.
Il est l'auteur de travaux de commande, mais
aussi de sujets jamais traités par aucun des peintres de son époque (comme ce triste et beau portrait de famille, vraisemblablement dissocié de
l'autoportrait qui était son pendant ; mais on sait qu'Holbein abandonna cette femme et les enfants qui posent à ses côtés pour aller en Angleterre).
Dans ses peintures, mais également dans ses dessins, il sait installer une présence à la fois forte et délicate. Je trouve d'une ahurissante beauté les portraits dessinés.
Le dessin est sculptural et aérien à la fois. Le non-fini de ces portraits, dans la délicatesse de la représentation des vêtements, contribue à donner beaucoup de charme à ces modèles,
même s'ils n'incarnent pas les canons de la beauté traditionnelle. Le dessin semble parfois d'une très grande modernité dans sa retenue, son côté quasiment minimal (voir le
Portrait de Dorothea Meyer, née Kannengießer de 1525/26). Cette monochromie appliquée aux pièces vestimentaires contraint notre regard à retourner vers les visages et à buter sur les
détails les plus sensibles de ces portraits que sont les yeux et leurs reflets, les commissures des lèvres, les ailes du nez ou bien encore le léger vallonnement du cou. Cette complexité,
nous la pressentons également dans ce clin d'oeil à l'Italie, et plus précisément à Léonard de Vinci, dans le portrait qu'il fait de
Laïs de Corinthe, cette dame de l'Antiquité qui monnayait ses charmes.
Et justement, ayons la curiosité de comparer le visage de Laïs et celui de la Vierge représentée dans la Madone de Darmstadt : c'est le même. Incontestablement le même modèle a posé pour la Vierge et pour la prostituée. Ce modèle a bien existé pour Holbein. Elle s'appelait Magdalena Offenburg et était une belle femme de l'aristocratie qui eut des relations très intimes avec le peintre. Holbein eut, de ce fait, des ennuis avec la justice.
Cette complexité que j'évoquais est perceptible dans l'ensemble de cette peinture. On la devine dans la figure de l'étourneau représenté dans le
Portrait d'une dame avec écureuil ("a starling", l'étourneau prétexte à un jeu de mots autour du lieu d'habitation de la dame peinte, "East Harling"). C'est également
la vague qu'il organise et met en scène, juste devant nos yeux, dans le somptueux tapis de la
Madone de Darmstadt.Les exemples seraient nombreux.
J'ai passé des heures à regarder le détail de
chacune des oeuvres présentées magnifiquement dans ce musée de Bâle avant de reprendre la route de Paris. Il y a très peu de récits contemporains de l'artiste qui soient suffisamment
crédibles ; mais malgré cette apparence et ce style que nous renvoient les personnages qui habitent les tableaux et les dessins du maître, il paraît que Hans Holbein le Jeune aurait eu
une vie dissipée.
Holbein reste mystérieux et beau. Commentaires |
J'étais cet après-midi à cette exposition... Je suis encore sous le coup! Quel privilège que de pouvoir regarder à quelques centimètres tous ces petits (par leur dimension) chefs d'oeuvres! Le matin, j'ai visité une autre exposition, a quelques kilomètres de là, consacrée à Matisse (Fondation Beyeler). Ca se passe 500 ans plus tard, ça n'a presque rien à voir! Mais quelle journée!
J'ai fait comme vous : je suis allé à la Fondation Beyeler voir les Matisse. C'était très bien. Le catalogue est également intéressant.
En parlant de catalogue, le seul regret que j'ai eu en me rendant en Suisse c'est que le catalogue de l'expo Holbein n'était disponible qu'en allemand ; il sortait après le 20 avril ...en anglais. Pourquoi pas en français ? (Bâle est à 25 kms de la frontière)
(Bâle n'est pas à 25 km, elle touche la frontière française et allemande)
(Bâle n'est pas à 25 km, elle touche la frontière française et allemande)
Oui, vous avez raison, je pensais à la ville de Mulhouse.