Je décide de tourner les pages du catalogue de l’exposition Los Angeles, naissance d’une capitale artistique, soigneusement, une par une, avec une intention toute simple : je dois trouver une belle image, une image qui ne choque pas le sens commun, une image flatteuse, une image qui n’agresse pas, qui ne fasse barrage ni au regard ni la compréhension. Et je me rends compte qu’il n’en existe quasiment pas ; ou seulement une : Blue Cone 2, photographie de John Divola (ci-contre).
-série “Cones”, de 1983-1985 . |
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J’ai décidé de procéder ainsi à la suite du billet sur Chris Burden et d’un commentaire qui disait ceci :
Bon mouiais! Au risque d'être ringarde, vraiment , j'ai du mal ( c'est à prendre au mot ) à comprendre ce genre de recherche. Quelle est la part entre la pathologie psychique mortifère et la recherche artistique? C’est l’éternelle question et son corollaire : l’éternelle recherche d’une définition, à chaque fois renouvelée, de ce qui est pour chacun une oeuvre d’art. Et la part de ce qui serait l’art (véritable) et de ce qui relèverait du pathologique. Cette partie du travail de Chris Burden pose en effet de réelles questions. Elle dérange. On comprend qu’elle est faite pour ça. Et on ne peut la réduire à du spectaculaire. A certains moments de l’histoire, des artistes poussent les choses plus loin, encore plus loin. Que l’on aime ou que l’on n’aime pas, c’est une réalité. Ceci constitue une tradition de notre modernité qui est à la fois faite de ruptures et de bonds énormes vers l'avant. Il faut, par exemple, avoir en mémoire qu’en 1872 Claude Monet était quelqu’un qui ne savait pas peindre, qui n’était pas un peintre (Louis Leroy de Charivari).Pour ce qui concerne la question du pathologique dans l'art, les exemples nous faisant réfléchir sont nombreux. J’en prendrai simplement deux : -Jacopo Pontormo, élève de Léonard de Vinci, grand représentant du maniérisme toscan, peintre qui a laissé des chefs-d’oeuvres, avait une vie d’une extrême bizarrerie. Considéré à un moment de sa vie quasiment comme un fou, il notait scrupuleusement, chaque jour, dans son journal le détail de tout ce qu’il mangeait ainsi que la nature de ses excréments. Il reste un des peintres majeurs de la Renaissance. -Plus près de nous, Jean-Pierre Raynaud. Il a vécu des années dans une maison ressemblant à un bunker et intégralement recouverte (intérieur et extérieur) de carreaux de faïence blanche, sans quasiment rien d’autre à l’intérieur puis a fait détruire cette maison qu’il a exposée sous forme de gravats présentés soigneusement dans des centaines de petits seaux métalliques qu’il a alignés au CAPC de Bordeaux. Raynaud reste un artiste majeur de la scène française. Cette démarche est-elle pathologique ? La scène artistique californienne a été pour l’époque qui nous concerne (1955-1985) un vaste chantier, un creuset fou laissant se développer des pratiques à la fois variées, dans leurs formes, dans leurs démarches et leurs préoccupations. La période (notamment autour des années 70) était un moment de mutation, de remise en question, à tous niveaux et le domaine des arts en porte les stigmates. D’où ces pratiques extrêmes comme celles de Chris Burden, ou d’autres. Chris Burden a eu l’intelligence d’arrêter de faire des performances il y a très longtemps. Ceci était réellement lié à une époque. Un commentateur dont je n’ai pas retrouvé les références écrivait : Il y a des travaux qui méritent que l'on s'y plonge, intensément, tant la démarche et la réflexion sont intéressantes. Mais ils obligent à l'attention, nécessitent une très grande concentration si l'on veut comprendre les enjeux et les mécanismes de l'oeuvre, dévoiler ses codes et comprendre, véritablement. Certaines oeuvres seraient inintelligibles si on les regardait d'un seul coup d'oeil ; elles deviennent souvent passionnantes lorsque l'on s'y penche. A travers une large sélection de peintures, sculptures, installations, photographies, films et vidéos, cette exposition retrace l'histoire multiforme de cette scène particulière, depuis son émergence au début des années soixante jusqu'en 1985. Avec tous ses excès, liés à cette époque si tourmentée. Le parcours aborde notamment les recherches autour de l'art de l'assemblage, du pop art, du minimalisme californien ou 'Finish Fetish', du mouvement 'Light and Space', de l'art conceptuel, de la performance, du féminisme, des installations, de la vidéo et du film expérimental au travers d'une sélection de 85 artistes environ. Compte tenu de ce contexte, vous comprendrez qu'une belle image, une image qui ne choque pas le sens commun, une image flatteuse, une image qui n’agresse pas, qui ne fasse barrage ni au regard ni la compréhension a peu de chance d'exister. |
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Photographie extraite du catalogue de l'exposition Commentaires
Le collectionneur privé qui nous a reçu le mois dernier, avait un de ces petits seaux de JP Raynaud, il faut dire que JP R était en quasi résidence dans notre ville, lors du projet des colonnes, dont la ville nous a dotées, que la plupart des habitants de la ville détestent, elles n'ont pas été menées à terme dans l'idée de Raynaud, le sous-sol ne permettant pas le poids des célèbres carreaux, aussi elles ont été badigeonnées de blanc, ne sont visibles que lorsque les arbres sont dépourvus de feuillage ou si l'on vient par la voie des airs.
Commentaire n°1 posté par La dilettante le 24/05/2006 à 22h26
Le Centre Pompidou présente actuellement une exposition (sur laquelle je reviendrai) intitulée Le Mouvement des images. On peut y voir le container tapissé de carreaux de faience blancs de Jean-Pierre Raynaud. A l'intérieur est projeté en boucle le film qui raconte et montre l'histoire de sa maison. On voit les plans, la construction, la période pendant laquelle il l'habitait puis sa destruction par des engins de chantier et enfin la grande exposition des vestiges de cette maison-oeuvre au CAPC de Bordeaux. Troublant.
Commentaire n°2 posté par holbein le 24/05/2006 à 23h12
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